Non mais, quel idiot !

PDV JK

Me voilà de nouveau assis dans une salle d'attente d'hôpital. Cette fois-ci, je connais déjà les résultats. J'ai dû faire un choix terrible et j'ignore comment l'annoncer à Lynn.
Lorsque les secours sont arrivés ce matin, elle respirait à peine et saignait. Son pouls était très faible. Alors, ils l'on intubée et conduite aux urgences maternité.

Manon m'apporte un café.

- Elle est encore en salle de réveille. Sa chambre est prête, c'est la 129. Tu peux aller l'y attendre. Ils la ramèneront dans une demi-heure.

- Merci.

Je me lève et retombe sur le siège. Mes jambes ont flanché et mon cœur prend le même chemin.

- Désolé. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Mes jambes... je soupire d'incompréhension.
Manon me tapote le dos.

- Ça va aller. Tu es encore sous le choc, c'est normal.

- Non, ça n'ira pas. Comment je vais lui dire ça moi ? Hein ? Comment ?

- Tu n'y es pour rien, tente-t-elle de me rassurer en me prenant dans ses bras. « Il fallait faire un choix et tu as fait le plus judicieux. »

- Oui, mais pourquoi tous mes choix doivent la faire souffrir ?

- Ce sont malheureusement des choses qui arrivent. On ne contrôle pas tout dans la vie. Le médecin lui expliquera ce qui s'est passé quand il ira la voir, alors pas la peine de te retourner le cerveau. Courage. À tout à l'heure.

Elle m'embrasse sur la joue et va reprendre son poste.

Je sors téléphoner à Sergio pour avoir des nouvelles de Min-Ah. En deux semaines, c'est la troisième fois que l'on emmène sa mère sous ses yeux. Je crains que cela ne crée un traumatisme chez elle. Sergio me promet d'en discuter avec elle. Selon le Psy qu'il est, Min-Ah n'a pas le comportement d'une enfant traumatisée. Elle est joyeuse et court partout avec sa nouvelle amie.

Je prends les escaliers pour le second étage. J'arrive en même temps que. Lynn. J'ai demandé une chambre individuelle. Elles sont moins luxueuses qu'en Corée. En tout cas, nous serons tranquilles pour discuter.
L 'obstétricien apparaît quelques secondes après que les infirmiers l'ont transférée dans son lit.
Je m' installe près d'elle, pose ma main sur la sienne. Il n'y a plus le tube dans sa gorge ; sa tension a dû remonter après l'opération. Elle cligne des yeux pour finir de se réveiller. Instinctivement, Lynn touche son ventre. Elle ouvre les yeux, regarde autour d'elle puis se tourne vers moi.

- Donc, ce n'était pas un rêve !? Je suis à l'hôpital !? J'ai rêvé qu'on m'enlevait mon bébé. C'est... ce qui s'est passé ?

Elle semble plutôt calme. Je m'apprête à lui répondre mais le médecin prend la parole. Surprise, elle veut se redresser pour mieux le voir. Il s'approche, lui demande de rester allongée.

- Bonjour, Madame. Vous vous souvenez de moi? Je suis le docteur Adams ; celui qui vous avait pris en charge dernièrement. Vous êtes ici car vous paraissiez avoir fait une crise de pré-éclampsie dû à votre hypertension gestationnelle.

- Ce n'était pas le cas ? demande-t-elle d'une voix inquiète.

- Non ! Vous attendiez des jumeaux, malheureusement l'un d'eux ne s'était pas correctement développé.

- Des jumeaux ? répète Lynn stupéfaite. Mais, comment... se fait-il que l'on est... rien vu lors de mes échographies ?

- Vous êtes au tout début de votre premier trimestre, à ce stade, il arrive que l'on ne remarque pas certaines choses. D'autant plus que cet embryon était dans une autre poche.

- C'était pareil pour ma première grossesse, on a pu vraiment distinguer les jumeaux que vers un mois et demi. Et qu'entendez vous par "ne s'était pas développé correctement"?

- Vous avez un décollement du placenta. Il en a subit les conséquences et n'a pas été normalement oxygéné, lui apprend le gynécologue. Il n'aurait survécu que deux trois jours grand maximum après sa naissance. Votre corps a tenté de l'expulser car il le considérait en tant qu'intrus. Mais comme, il devait aussi sauvegarder l'autre, vous avez eu les mêmes symptômes qu'une pre-eclampsie accompagnée de crampes. Alors, on a dû vous faire une réduction embryonnaire avec l'accord de votre époux pour préserver celui qui a le plus de chance de survivre.

Elle me regarde et je ne sais pas où poser les yeux tout en lui maintenant sa main dans la mienne.

- Mais qu'est-ce qui vous garantissait qu'il n'aurait pas vécu plus que ça ? s'irrit-elle les larmes aux yeux.

- Le manque d'oxygène empêche le développement total du cerveau, réplique Adams. Il serait né avec beaucoup d'handicaps ; il lui aurait fallu être constamment sous oxygène, une sonde pour manger. D'autres troubles mentaux et/ou physiques en fonction de la partie de l'hémisphère cérébrale non formée. Comparé à son jumeau, il avait la forme d'un kyste et son cœur battait à peine. D'ailleurs, c'est pour cela que nous vous avons ouvert. Sa position ne permettait pas une extraction par voie vaginale.

- Je vois. Son timbre est faible, à peine audible. « Mais dites-moi ? Est ce qu'une... une tentative de... suicide pourrait être la cause de ce décollement ? Personne ne peut me dire pourquoi maintenant, pourquoi moi ? D'habitude c'est au cinquième mois que cela apparait chez certaines femmes ? »

Il y a de la tristesse et du découragement dans sa voix. Je serre plus fort ses doigts.

- Eh bien... votre médecin en Corée m'a indiqué que votre vie privé n'est pas de tout repos. Nous pensons que cela peut être une source de stress qui a joué un rôle dans votre hypertension gestationnelle puisque vous n'êtes pas une personne tendue de prime abord.
En plus vous n'avez pas eu ce genre de problème lors de vos deux précédentes grossesses. Il se passe tellement de changement dans le corps durant cette période qu'il peut en résulter un affaiblissement aussi bien physique que moral. Parfois cela survient comme ça sans raison apparente. Les causes peuvent être diverses, compatit l'obstétricien bienveillant.
Ne vous sentez pas fautive !
En tous les cas, l'opération s'est bien déroulée. Les choses devraient rentrer dans l'ordre. Cependant je vous conseille de garder le lit le plus possible. Au moins jusqu'à la fin de votre troisième mois. Votre col reste fragile.

Le praticien se retire en réitérant l'obligation pour Lynn de se reposer.

Je devine ce qui lui passe par la tête à sa façon de fuir mon regard. Elle est certainement en train de penser à cette histoire de malédiction et se sent coupable. Je lui soulève le menton.

- Bébé, regarde moi. Tu n'y es pour rien. Le médecin a dit que parfois cela arrivait sans raison. Tu n'as pas à te sentir coupable.

- Ok ! dit-elle chagrinée.... Comment va Min-Ah ? J'espère qu'elle n'a pas assisté à mon départ pour ici ?

- Malheureusement, si. Mais Sergio dit qu'elle semble allée. Hayllie et elle jouaient lorsque j'ai pris des nouvelles. J'irai la voir plus tard. Tu as faim ? Veux-tu que je t'apporte un truc à grignoter ?

- Non merci. Va voir notre fille.
J'aimerais être seule un instant s'il te plait !

- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. Tu ne...

- S'il te plait Jungkook, m'interrompt-elle. Juste un moment ! Je ne referais pas la même connerie, si c'est ce qui te tracasse. Promis !... S'il te plaît. Je crois même que je vais dormir un peu..

- D'accord . Je vais voir notre fille alors. Je ne serai pas long.

Je lui pose un baiser sur le front et lui rappelle que je l'aime en quittant la chambre pas du tout tranquillisé.

****

Une heure que je suis assis dans le salon chez Sergio. Min-Ah ouvre ses cadeaux avec Hayllie. Elles sont excitées en déchirant les paquets et nous montrant à Manon, Sergio et moi leurs présents. Je n'ai pas vraiment la tête à ça.

- Papa, papa ! Redarde, me sollicite ma fille, brandissant une jolie poupée aux joues toutes roses.

- Hein ? Euh... oui oui, elle est aussi belle que Min-Ah.

Manon s'installe près de moi et pose une main sur mon genou puis me propose d'appeler l'hôpital.

-- Non, je ne peux pas. Ça fera la troisième fois. Ils vont avoir marre de moi.

- Mais non ! C'est légitime que tu t'inquiètes pour ta compagne. Je peux le faire si tu veux !?

Je la remercie avec des yeux de chien battu. Elle revient quelques minutes plus tard m'annoncer que Lynn va bien. Elle dort.

Sergio vient jouer les psy avec moi. D'après lui, je dois faire confiance à Lynn. Facile à dire.
Ce n'est pas lui qui la tenait en sang dans ses bras, la peur au ventre qu'elle ne meurt. Comment pourrait-il me comprendre? Je suis tétanisé qu'elle recommence parce qu'elle prend trop bien la perte de l'un de nos enfants.

Je jette un œil sur ma montre, les secondes défilent, les minutes ; j'angoisse de plus en plus. Même lorsque je devais monter sur scène, je n'angoissais pas autant. C'est la preuve que je l'aime plus que tout. N'y tenant plus, j'y retourne.

- Désolé, il faut que j'y aille.

Au moment de sortir, Manon m'apporte le téléphone. Mon cœur défaille dès que j'entends que c'est l'hôpital. Je ferme les yeux et me rappelle d'elle saignant dans la salle de bain.

Je pousse un soupire de soulagement lorsque l'infirmière m'indique que Lynn veut voir Min-Ah. Comme il n'y a pas encore le téléphone dans sa chambre, elle lui a demandé de passer l'appel....

Min-Ah est heureuse de retrouver sa mère. Cette dernière se fait un devoir de lui expliquer que le bébé aussi est malade, c'est pour cette raison qu'elle va souvent voir le médecin.

- Comme Min-Ah ? compare la petite.

- Oui, mon amour. Tu vois ma chérie, maman dort à l'hôpital avec toi quand tu es malade ? Là aussi, je fais pareil avec le bébé, même s'il est encore dans mon ventre. Toi tu restes avec papa et t'es sage, hein ?

- Accord, maman. Je vais jouer avec Haylie.

Lynn la félicite de parler de mieux en mieux.
Durant l'absence de sa mère, je lui apprends à parler à la première personne. Elle a encore du mal, mais s'améliore.

Quelques heures plus tard, Min-Ah repart avec Segio.
Nous sommes enfin seuls, un malaise se fait sentir. Il provient du fait que nous n'osons pas parler de la situation. Je tente tout de même une approche qui est interrompue par une aide-soignante lui apportant un goûter.
Lynn fixe un point de l'autre côté de la rue à travers la fenêtre.
Elle toise le plateau qu'elle repousse aussitôt. La paramédicale la rappelle à l'ordre avant de s'en aller.

- Comment te sens-tu ?
- Ça va , me repond-t-elle d'une voix monotone. L'anesthésie fait encore effet, pour l'instant, je n'ai pas mal.
- Super. Mais... je veux parler de...
- Je t'arrête tout de suite. Je n'ai pas envie d'en parler. Tout du moins pas maintenant. Je crois que tu devrais rentrer.
- Mon cœur, il va bien falloir qu'on le fasse.
- Jungkook, m'interpelle-t-elle, exaspérée, pas maintenant... s'il te plaît. Accorde moi un peu de temps.

Je lui caresse le visage. C'est fou ce que j'aime cette femme. Je déteste la voir souffrir. Si je pouvais, je ferais mienne sa douleur.

- Et si on restait ici jusqu'à ton accouchement ?
Je lui fais cette proposition dans l'espoir d'éviter que ce blanc gênant ne persiste.

- Comment ça ? me demande-t-elle, toujours ailleurs.

- Eh bien... j'y ai réfléchi et pensé que ce serait une bonne idée que nous ayons une maison, ici, en France aussi. Et puis, les jumeaux, Min-Ah sont nés dans ce pays. Pourquoi pas celui-là aussi ?

- Et pour le boulot ?

- Si tu tiens à continuer de travailler avec quatre enfants à charge, on peut solliciter du père Kang qu'il nous transfère. Il est toujours en partenariat avec ton ancienne boîte, non ?
- Ok ! On fera comme tu voudras.

- J'ai rencontré un oiseau en chemin et il m'a dit que le père Noël a trompé la mère Noël avec lui et je pense que je plais à Manon.

- Ouais, c'est super ! Amusez-vous bien.

C'est bien ce que je pensais ; elle ne m'écoute pas du tout. Je vais pour l'embrasser avant de partir, elle détourne légèrement la tête. Je me redresse en lui souhaitant de se reposer. Ça ne servirait à rien que je reste ; on risquerait de se disputer et ce n'est pas le moment.

***

Avec l'aide de Sergio, j'ai trouvé une maison. Elle est à mi-chemin entre Paris et la campagne. J'ai fait en sorte de respecter la consigne du "à trente minutes de tout"
Elle est spacieuse. Une cuisine américaine ouverte sur un grand salon. Elle possède cinq chambres. Deux salles de bains. Connaissant la passion de Lynn pour les douches, j'ai opté pour une à jet massant.
Un grand jardin pour les enfants dont un patio qui a vu dessus.
Nous pourrons y emménager dans un mois et demi, après les travaux de la salle de bain.


Lynn est sortie de l'hôpital depuis deux jours. Puisque tout allait bien, elle n'y est restée que trois.
Néanmoins, l'anesthésie n'agissant plus, elle souffre beaucoup ; surtout lorsqu'elle se déplace.

En dépit de ce qu'elle prétend, le moral n'y est pas. Elle dort peu, mange presque rien et est toujours perdue dans ses pensées. Elle refuse catégoriquement de parler.

C'est comme le jour, durant son hospitalisation, où j'ai aperçu son début de ventre de grossesse. J'ai été comme qui dirait, fasciné par ce petit bidon. Ma main a glissé dessus et j'y ai tout naturellement collé mon oreille. À mon grand désarroi, Lynn s'est crispée en détournant la tête.
J'imagine qu'elle ne me pardonne pas mon choix.
La psy et Sergio m'ont dit de ne pas la brusquer. Comment peut-elle faire son deuil dans ce cas ?

Le point positif, c'est qu'elle me fait un peu plus confiance. La nuit de sa sortie, je me suis réveillé dans de l'humidité. Craignant une nouvelle hémorragie, j'ai sauté hors du lit, allumé le plafonnier. Elle était assise tout au bord, confuse. Je lisais de l'embarras dans ses yeux. Elle m'a dit toute timide avoir mouillé le lit car n'a pas eu le temps de se lever. Je lui ai donc proposé de lui faire couler un bain pendant que je changerais les draps.

J'admets avoir été surpris et ravi qu'elle me demande de lui donner son bain et de ressentir un brin de notre complicité d'antan renaître au travers de cet acte anodin.

***
C'est le soir du trente et un. Je reviens de promenade avec Min-Ah et Hayllie. Il gèle dehors. Je les aide à enlever leurs manteaux et les fais asseoir devant un dessin animé qu'il y a à la télé.

Lynn converse avec Sergio sur le point de partir.

- Bon, dernière demande ! T'es sûre de ne pas vouloir venir avec moi ? C'est ton dernier mot ?

- Oui, Sergio, je choisis de rester à la maison et c'est mon dernier mot, Sergio.

Puis ils éclatent de rire d'un air sous-entendus. Ils m'expliquent que ce sont des répliques d'un jeu télévisé de chez eux. Je ne cherche pas vraiment à comprendre et vais préparer la boisson chocolatée promise aux filles.

- Je suppose que tu préfères passer la soirée avec ta femme ? me regarde-t-il narquois.

- Ouais ! Les filles ont fait leur promenade. Je vais les mettre au lit et ensuite chouchouter ma femme !

- Ok ! Je déclare forfait, lève-t-il les bras en signe de capitulation. Restez à la maison comme les petits vieux que vous êtes, se moque-t-il. Ciao et Bonne année en avance.

Il ferme la porte derrière lui tout en agitant une main pour dire au revoir.

- Tu crois que Manon dirait quelque chose si je donnais le bain à Hayllie en même temps que Min-Ah ? m'enquiers-je auprès de Lynn.

- Euh...non, vaut mieux pas, hésite-t-elle. Mets l'eau avec la mouse et tout le nécessaire à porter de main, je vais superviser.

Je m'exécute en lui précisant qu'elle ne devra porter aucune des deux, de m'appeler pour les faire sortir de la baignoire. Bien sûr naïf que je suis, j'aurais dû me douter qu'elle ne résisterait pas à l'envie de prendre Min-Ah dans ses bras. Elle est penchée sur le lavabo se plaignant d'avoir une crampe.

Au final, je me retrouve à devoir coucher trois personnes. Je la conduis dans la chambre en attendant de m'occuper des enfants. À mon retour, elle dort paisiblement, alors, je ne la réveille pas.

« Tant pis pour notre soirée cocooning devant la télé »

Je me jette d'épuisement sur le canapé. Je sursaute à la vue d'une main qui me tend un verre de vin rouge.

- Bois un coup, ça te fera du bien ! me sourit Manon.

Elle fait voltiger ses chaussons en s'allongeant sur la partie angulaire du sofa, non loin de moi. Elle prend bien garde de ne pas renverser le liquide qui laisserait une grosse tache rouge sur le blanc du meuble. Elle avale une bonne gorgée avant d'inspirer d'apaisement et de plaisir.

-J'en ai rêvé toute la journée. À croire que les bébés ont choisi la fin de l'année pour commencer leur vie.

Je souris à son jeu de mot. Elle se rassoit et s'informe si le vin est à mon goût.

- Lynn m'a fait part de ton amour pour cette boisson bénie. C'est une bonne cuvée de l'année 2020. En dépit de la pandémie qu'il y a eu, nos vignerons ont réussi, pour certains, a nous offrir de bons produits.
Celui-ci, c'est un Cabernet Sauvignon. Sa particularité tient du fait que les raisins ont des peaux épaisses et les vignes résistent bien au gel et à la pourriture. Ainsi que son parfum unique.

Je fais tourner le liquide dans mon verre :
- Il a une belle robe et le parfum est enivrant. J'aime beaucoup, fit-je après en avoir bu quelques gouttes. « C'est juste que je ne veux pas trop boire au cas où Lynn aurait besoin de moi. »

- Ah, lâche la un peu ! Elle ne va pas se sauver ! Elle est dans la chambre juste au dessus de nous. En cas de besoin, tu l'entendras. Et puis, je suis là. Je t'aiderais ! Allez, détends toi un peu. Tu le mérites après la journée que tu as dû passer. Je te suis reconnaissante de prendre soin d'Hayllie comme tu le fais alors que tu n'es pas obligé.

- Inutile de me remercier. Je n'ai eu seulement qu'à les épuiser en leur faisant faire une longue promenade et des tours du manège qu'il y a sur la place de la Mairie. Elles ont beaucoup grignoter donc en rentrant, elles ont eu un bol de chocolat chaud après le bain et au dodo.

- Tu oublies que tu t'occupes des deux depuis le matin !? T'es vraiment un papa génial. D'ailleurs Hayllie apprécie tant ces moments avec toi et Min-Ah qu'elle m'a demandé si elle pouvait devenir sa sœur et toi, son papa. Son père ne faisait pas le cinquième de ce que tu fais. Il préférait traîner avec ses potes au lieu de passer du temps avec sa fille.

Son sourire qui se veut joyeux dégage tout le contraire.

- Lynn m'a aussi beaucoup aidé. Elles ont fait des biscuits secs. Elles étaient censées t'en garder mais, je crois que c'était trop bon... Si ce n'est pas indiscret, il est mort de quoi ton mari ? demande-je.

- Disons qu'il n'était pas au bon endroit au bon moment. J'aimais les mauvais garçons et Antonio était l'image même de l'homme qu'aucun père ne laisserait jamais s'approcher de sa fille. Mais moi, je l'aimais et rien de ce qu'on pouvait me dire à l'époque ne m'aurait fait changer d'avis. Aujourd'hui, je pense que je ferais plus attention. Mais bon, soupire-t-elle en se resservant un troisième verre, je ne regrette pas d'avoir ma fille. Il a fait au moins une bonne chose.... Lynn n'a pas idée de la chance qu'elle a. J'aurai aimé avoir un homme comme toi dans ma vie.

- C'est flatteur, merci. Je souris gêné. « Moi aussi, j'ai de la chance de l'avoir. Pour l'instant les choses sont compliquées, mais, j'ai bon espoir que cela s'arrange. Elle finira par me pardonner quand elle réalisera que c'était par son bien et celui de notre enfant.

Manon me ressert une autre rasade d'alcool et ouvre une seconde bouteille.

- Quoi ? Elle ne te parle toujours pas ? Ok, c'est pour ça que t'es venu t'affaler sur ce canapé au lieu de fêter cette nouvelle année en amoureux ? Elle te fait encore la tête !

- Non, on se parle mais de chose terre à terre. J'aimerais qu'elle s'ouvre plus à moi et cesse de me repousser. Elle semble oublier que c'était aussi mon bébé et que je n'ai pas fait ce choix de gaité de cœur.

- Donc niveau intimité c'est plat aussi ?! Eh bien... Vu que je suis seule aussi, nous allons fêter cette fin et nouvelle année tous les deux ! Elle regarde sa montre. « Bientôt l'heure. 5,4,3,2,1...Bonne année ! crie-t-elle.

- Bonne Année, lui souhaite-je à mon tour. Elle pose son verre et se rapproche de moi.

- Chez nous, on se fait la bise pour nous la souhaiter. C'est la tradition.

- Euh... ok ! Si c'est la tradition, alors ! accepte-je un peu dépité.

Elle me fait une bise enjouée sur chaque joue puis me serre contre elle. Son étreinte frénétique diminue petit à petit en force pour être plus douce. Cela dura quelques secondes. Puis nous nous décollons tout doucement mais restons enlacés, se fixant l'un l'autre. Je suis comme happé par la profondeur de ses pupilles vertes au point où je ne vois qu'eux. Perdu dans l'exploration de la beauté de jade de ses prunelles, je ne réalise la promiscuité de nos lèvres seulement lorsqu'elles se rencontrent. J'ignore si c'est l'effet des deux bouteilles de vin que nous venons de descendre ou de la solitude que nous partageons, je ferme les yeux et réponds à son baiser. Nos langues partent dans une valse d'une douceur infinie. Nos échanges sont suaves et langoureux.

Soudain les battements de mon cœur commencent à s'amplifier. Je sens mon sang courir dans mes veines. Une chaleur et des picotements m'envahissent tout le corps.
Ma tête veut me faire comprendre quelque chose dont je n'en tiens pas compte. Au contraire, je glisse une main dans les cheveux de Manon et de l'autre je la maintiens plus fermement contre moi. Plus le baiser gagne en intensité, plus mon cœur bat vite et fort.
Cependant, ce ne sont pas des battements d'excitation ou de plaisir mais plutôt d'alerte d'un danger imminent. Quand je comprends enfin les signaux, je repousse un peu trop violemment Manon qui se retrouve au sol. Je me tourne vers les escaliers et vois le dos de Lynn qui regagne sa chambre.

- Oh merde ! m'exclame-je terrifié par l'idée de ce qu'elle vient de voir.

- Aide moi à me lever ! Manon me tend la main. T'es brusque comme mec ! Je me suis fais mal, geint-elle en se massant les fesses. Pourquoi t'as fait ça ?

- Lynn ! Elle... elle nous a vu... nous embrasser.

- Et alors ? rit-elle. Son rire est celui d'une personne en état d'ébriété. D'ailleurs, elle a du mal à tenir debout. Elle titube et s'accroche à moi pour ne pas tomber. « C'était pour la nouvelle année. Inutile d'en fait tout un plat ! Bon, baille la jeune femme, je suis épuisée. Bonne nuit ! Encore merci de t'être si bien occupé d'Hayllie.

Elle m'envoie un baiser en prenant la direction de l'étage.

Je fais les cent pas dans le salon cherchant un moyen d'expliquer la situation. Quelques minutes plus tard, debout, bloqué devant sa porte, je ne sais pas comment justifier mon acte. Son replie sur soi ne peut aucunement légitimer mon comportement.
J'ouvre la porte, décidé à assumer ! Je l'appelle en y passant prudemment la tête.

Elle sort de la salle de bain et se tient sur le pallier derrière moi.

- Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ? me sourit-elle.

- Hein ? je fais volte-face. Je suis surpris par son air détendu. Elle ne paraît pas en colère « Rien !... En fait, si... Je voulais te parler de... Tu sais ? Tout à l'heure...

Je bafouille. Les mots ne veulent pas sortir.

Elle m'indique qu'elle me cherchait parce que Min-Ah avait fait un cauchemar.

- Tu avais oublié de mettre la veilleuse. C'est bon, j'ai réussi à me baisser pour la brancher. T'inquiète, j'ai fait attention. Bien, je te souhaite une bonne nuit.

- Quoi ? C'est tout ? Tu n'as rien... Au sujet de Manon et... ?

- Ah oui, elle devrait moins boire. Elle a failli tomber. Je l'ai retenu de justesse.

Elle s'esclaffe et c'est sincère. Je n'en reviens pas. À moins que... J'attrape son bras alors qu'elle s'apprête à rentrer dans la pièce.

Son téléphone sonne. Elle le regarde et le coin de ses lèvres se retroussent pour illuminer son visage. J'aperçois un mot entouré de "cœurs" de toutes les couleurs. Lynn lance un coup d'œil sur ma main qui la retient puis à moi, me faisant comprendre qu'il faut la lâcher.

- Alexandre ? Non pas du tout ! Attends, deux secondes. Elle lève les yeux vers moi. « Tu... as un truc à me dire ? » Elle me montre le téléphone signifiant que son interlocuteur patiente.

- C'est ta façon de me punir ? demande-je vexé de sa réaction impassible. Je sais que tu nous a vu nous embrasser Manon et moi.

Ses iris bleus s'écarquillent comme si je venais de dire un gros mot.

- Te punir parce que tu as embrassé une autre femme juste sous mon nez ? Pourquoi ? Nous ne nous sommes jamais engagés l'un envers l'autre. Tu es libre ! C'est vrai que nous avons des enfants ensemble mais c'est juste un concours de circonstance. Si cette fille te plait qui suis-je pour t'empêcher d'être avec elle ? Et si je ne me trompe pas, c'est réciproque !?

Il n'y a aucune trace d'animosité dans sa gestuelle. C'est plus de la bienveillance qui s'en dégage. Je la libère inconsciemment. Ma main a bougé d'elle-même. Elle me souhaite une bonne année sur le pas ensuite ferme la porte sans se retourner.

Je crois que j'aurais préféré qu'elle m'insulte, me traite de tous les noms plutôt que cette indifférence non feinte. Je me laisse tomber contre la porte et l'entends confirmer leur rendez-vous pour la semaine prochaine. La semaine de mon retour en Corée pour le jugement.

Je vais dans la chambre que m'a attribuée Sergio à mon arrivé. Je m'allonge, mille et une questions se bousculent dans ma tête.
Alors que la situation s'arrangeait entre nous, j'ai l'impression que je viens de tout gâcher...

Je me réveille un peu plus tard, je croise Sergio dans le couloir en allant aux toilettes. Il ouvre les bras me souhaitant pleins de bonnes chose pour cette nouvelle année. Il sent l'alcool à plein nez. Il ajoute tout sourire.

-Je ne m'en fais pas, avec la soirée que vous avez passé, ces premières heures de l'année ont dû être très chaudes. Je prédis votre mariage dans les mois qui viennent. J'espère que tu as aimé ta surprise ? Je l'ai aidé à la préparer.

-Une surprise ? Quelle surprise ? Je tombe des nues.

-La soirée détente dans le SPA !? Les pétales de roses, champagne, fraises et compagnie. Pourquoi tu fais cette tête ? Votre séance de crac crac dans le jacuzzi était si bon que tu en as perdu la mémoire ? J'espère que tu as pensé au bébé et n'a pas été trop fort !?

Sergio rigole en prenant appui contre le mur.

- Quelle séance dans le jacuzzi ? Quelle surprise ? réitère-je totalement perdu.

Il m'observe. Mon air d'ahuri le convainc que j'ignore radicalement ce à quoi il fait allusion. Je crois que ça l'a un peu désaoulé.

-T'es sérieux !? Tu ne vois vraiment pas de quoi je te parle ? Vous vous êtes disputés ou quoi ?

Je lui raconte les événements de la soirée. Il me lance un regard répprobateur.

-Effectivement, il n'était pas prévu que tu emballes ma sœur. Le truc était qu'elle trouve une raison de t'éloigner pour pouvoir finir de tout mettre en place. Lynn est venue me voir quand tu étais sortie avec les filles. Elle désirait un conseil d'ami et de Psy. Pour te montrer sa reconnaissance de tout ce que tu fais depuis une semaine, elle vous avait concocté une séance détente dans notre SPA. Pétales de fleur, parfum et musique d'ambiance... tout le tralala. Le truc bien cliché et romantique des femmes amoureuses. Elle m'avait même montré la petite nuisette sexy qu'elle enfilerait. Elle comptait finir votre petite soirée non pas en te souhaitant la bonne année mais en te disant un truc que tu attends d'entendre depuis un moment. Par contre elle a refusé de me dire...

Je n'attends pas qu'il finisse sa phrase que je me rue dans la chambre de Lynn.
Elle dort, serrant notre fille dans ses bras. Je m'installe près d'elle, lui caresse les cheveux.

« Non mais, quel idiot je fais »

Mon cœur me brûle et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

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