PDV JK

Lynn et moi n'avons pas approfondi la conversation que nous avons eu dans le bureau de la psychologue. Même si j'ai eu le sentiment qu'elle voulait le faire le lendemain, lorsqu'elle est venue dans ma chambre en disant qu'elle avait une idée. Elle ne s'attendait pas à ce que je sois... nu. Elle a buggé.

-J-je...Min-Ah.... En fait... Elle...

Je crois qu'elle tentait de m'expliquer quelque chose au sujet de la petite mais avait du mal à ne pas regarder une certaine partie de mon corps. Elle prit une grande inspiration.

-... J-je... Euh... J-je... repasserais plus tard.

Elle m'a jaugé une dernière fois de la tête aux pieds puis s'est enfuie en refermant la porte derrière elle. Je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire.
Depuis, elle n'ose pas me regarder et rougit dès que nos yeux se croisent. Pourtant, elle s'efforce d'agir normalement. Nous continuons de discuter quand elle donne le sein à Min-Ah ou se moque de moi au moment de son bain.
J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. C'est vrai qu'elle n'a pas l'air de m'en vouloir. Même si une petite partie de moi, trouve cela étrange, je ne vais pas m'en plaindre.
Je dois aussi admettre que son comportement est en accord avec ce qu'elle m'a dit sur les changements qui s'opèrent en nous quand on devient parents.
Effectivement, on pose plus le même regard sur les choses. Ce qui nous paraissaient primordial n'a plus autant d'importance. Le bien être de notre enfant devient notre priorité capitale et on oublie notre petit confort personnel.
C'est pour cela que je continue de persévérer, Min-Ah finira bien par m'accepter. Il le faut d'ailleurs, si je veux que mon projet ait du succès.

Ils sont venus installer les caméras et micros, le jour de la journée pères /filles, donc, il y a sept jours. Noona m'a expliqué que les choses s'annonçaient plus difficiles que nous pensions. Le juge a besoin de voir comment Lynn se comporte avec Min-Ah pour prendre sa décision. Les images doivent me montrer en père exemplaire.

Alors je serre les dents quand je la vois rentrer dans sa chambre avec James après avoir mis Min-Ah au lit. Ce dernier vient pratiquement tous les soirs.
Je pense à autre chose pour chasser leur image de mon esprit.

Ce matin, s'est passé comme tous les autres, je me suis occupé de ma fille et Lynn et moi sommes partis au boulot ensemble.
Elle est restée silencieuse durant tout le trajet. Cela ne m'a pas trop dérangé car je répondais à des petites devinettes que m'envoyait  Anna.

Je dois admettre qu'elle a beaucoup d'humour et commence à me plaire.  Laurent est toujours fourré chez Lynn, elle m'est d'une grande aide pour me familiariser avec le département mode. Vu que je suis perçu comme un pistonné, les collègues ne se pressent pas autour de moi quand je suis en difficulté.

Je rentre dans le bureau et tout le monde est en panique. Les deux endroits dont nous attendions les réponses pour le défilé se sont désistés sans donner d'explication.

–Nous sommes à une semaine de l'événement, comment fait-on sans salle ? s'interroge Mme Kim au bord de la crise de nerf.

–Hey toi, le pistonné, tu dois en connaître des personnes qui puisse nous avoir une salle en urgence ? me lance Mr Hwang.

–Laisse-le tranquille, me défend Tzusiki. Il travaille aussi dur que nous depuis qu'il est là.

–Ouais si tu veux ! Alors ? se renseigne-t-il se tournant vers moi.

Je me triture les méninges puis je pense à Lynn et à cet endroit que son équipe loue à l'année. Je leur promet de m'en charger et eux, doivent se concentrer sur la finalité des préparatifs.

J'arrive à la salle de détente et j'entends la conversation se déroulant entre Lynn et ses amis.
 
«  Mme Sung avait raison, mes soucis avec Min-Ah viennent vraiment de Lynn ? »

J'écoute sans faire de bruit. À entendre ses explications, je serai du genre à fuir face aux difficultés que pourraient causer notre fille.
Les autres me défendent...

Lynn est surprise de me voir. Je fais comme si de rien et lui fait part de ma requête. Cependant, je rectifie une chose que j'ai entendu, avant de partir. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit que je n'avais eu de relation physique avec aucune autre fille après elle.

Anna m'intercepte dans le couloir et m'interroge sur le petit dej de Min-Ah.
Je lui réponds qu'elle prend généralement des céréales complètes et une compote. Parfois des œufs mais pas souvent pour éviter qu'elle développe une allergie aussi aux protéines contenues dans cet aliment. Elle m'informe, alors, que Lynn à changer exprès la liste de repas de Min-Ah, juste pour me mettre en difficulté car parfois elle alterne avec des desserts au chocolat, vanille ou caramel. Et que l'enfant déteste la compote. C'est pour cette raison que j'ai dû mal à le lui faire avaler.

Je trouvais bizarre qu'elle ait des crèmes dessert pour enfant dans son placard et qu'elle ne les lui donnait pas. Je l'ai cru quand elle m'a dit les avoir acheté avant de savoir que notre fille est allergique à ce genre de produit.
 
«  Maintenant que j'y pense, elle avait eu du mal à répondre ce jour-là. Tenterait-elle vraiment de saborder ma relation avec ma fille ? »

Troublé par cette révélation que j'ai dû mal à croire. D'un autre point de vue, elle en est capable. Elle a la rancune tenace. Ce pourrait être sa façon de se venger ; laisser croire qu'elle accepte et me mettre des bâtons dans les roues pour prouver que je n'avais pas les couilles pour tenir. Comme ça son "James" adopterait mon enfant.  Je ne leur donnerai pas cette satisfaction.

Bien décidé à ne pas me laisser faire, je demande à Anna de ne pas relâcher sa surveillance et l'invite à prendre un verre pour la remercier...

Mine de rien, ce style de présentation est fatiguant à mettre en place. Je ne sais pas comment Lynn fait pour en organiser entre dix et quinze mariages par an. Voir plus, si elle accepte d'en faire deux en même temps.
Je ne suis pas mécontent que la journée se termine. Sa conversation et les dires d'Anna me trottent encore dans la tête.
La stagiaire me rejoint et nous sortons pour aller dîner. Je remarque Lynn qui m'attend. Je la préviens que j'ai déjà quelque chose de prévu. Elle  me demande si Anna et moi sommes couple. Ma réponse ne la convainc pas. Je sens que cela ne lui plaît pas et me le fait comprendre sous couvert de conseil.
En partant, je me retourne et vois James monter dans la voiture. Lynn nous suis des yeux, Anna et moi avec une expression indéfinissable.

Au restaurant, Anna me parle d'elle et de sa famille. Elle est en mauvais terme avec sa mère et espère avoir le contrat à la fin de son stage afin de déménager et de s'occuper de sa jeune sœur... Nous parlons ensuite de tout et de rien. Elle a de la conversation, est drôle mais je repense au regard de Lynn, à ce qu'elle a dit sur nos moments qui lui font sentir que nous sommes enfin une famille.

C'est frustrant ce qu'elle pense de moi, mais c'est vrai que ce n'est pas facile l'éducation d'un enfant. Et puis, j'y ai pensé, durant un court instant, à laisser tomber. J'ai changé d'avis lorsque, le soir de la journée passée avec la petite, Min-Ah a fait une crise importante mais sans gravité. Lynn est restée près d'elle toute la nuit. Elle n'a pas fermée l'œil, pourtant elle était en forme pour attaquer sa journée de boulot avec le sourire. Quand je la vois se démener entre son travail, Min-Ah, ses crises y compris ses caprices, James et moi, il est impensable que je les laisse de nouveau.
Je trouve un prétexte pour écourté notre repas. Je file à la maison.
En arrivant, tout est éteint. Ils sont déjà couché. Je monte embrasser ma fille. Je m'arrête devant sa porte. J'hésite. Puis,  la curiosité est plus forte, j'y colle mon oreille, juste pour savoir si c'est vrai qu'ils n'ont aucun rapport. Et j'entends des gémissements qui m'ont énervé au début mais je suis soulagé de constater que c'en sont de douleur et non de plaisir.
Lynn lui  demande de se retirer parce que c'est trop douloureux.

-Tu peux me dire comment on va faire un bébé si je ne peux même pas franchir ton seuil ? En plus, c'est devenu plus étroit qu'avant.

-Mais non c'est ton imagination. Parle moins fort, tu vas réveiller Min-Ah.

James se laisse gagner par la colère lorsqu'elle veut savoir si c'est ma présence qui le fait réagir ainsi. Lui reprochant d'avoir changé depuis mon arrivé.

- Tu deviens distante avec moi. Tu m'as même demandé de ne pas t'embrasser en sa présence. Pourquoi ? Nous sommes fiancés !?  C'est normal que j'embrasse ma fiancée quand on se retrouve, non ?

-N'importe quoi. Je t'ai déjà dis que dans ce pays les gens n'affichent pas leur intimité en public.

-Quelle intimité ? C'est juste un baiser. Ce n'est pas comme si on couchait ensemble devant lui !

Il lui exprime, ensuite, son ral le bol de ne pas la voir s'investir dans les préparatifs de leur mariage, l'accusant de ne plus vouloir s'unir à lui. Exaspérée, Lynn l'exhorte de rentrer chez lui.  J'ai à peine eu le temps de rentrer dans ma chambre.

Je descends boire un coup quelques minutes plus tard, elle est là, les yeux dans le vide, une bière devant elle.

–Lynn ? Tout va bien ?
–Hein ? sursaute-t-elle. O-oui, ça va. Ça a été ta soirée avec Anna ?
–Tranquille. Tu bois maintenant ?

Je jette un œil sur la canette.

–Ah ça ? J'ai du mal à dormir. Ça m'aide de temps en temps.

Elle la finit et en ouvre une autre. Je le lui prends des mains.

–Même si votre dispute de tout à l'heure était tendue, l'alcool n'a jamais rien arrangé. Et n'oublies pas que tu allaites.

Elle soupire en me disant qu'elle n'avait pas oublié et que de toute manière quoi qu'elle fasse, elle n'arrivait pas à oublier.

–Quoi ? Tu veux oublier que tu allaites ? Euh... j'ai du mal à te suivre là. Je ne comprends pas ce que tu veux dire ?

–Laisse tomber. D'ailleurs personne ne me comprend. Personne ne comprend ce que je vis. Tout le monde pense que la situation est facile pour moi alors que je ne sais pas où j'en suis.... J'ai pensé que notre mariage m'apporterait la solution, aujourd'hui, j'ai le sentiment que je me voile la face, que je me suis toujours voilée la face. Rien ne pourra solutionner notre problème, tant que mon cœur refusera la réalité.

Sur ce, elle se lève et me souhaite une bonne nuit.

On s'est a peine adressé la parole après cela. Elle a passé le week-end chez Laurent avec l'enfant. Elle s'est réveillée plus tôt les quatre jours suivants pour s'occuper de Min-Ah. J'ignore ce qu'elle a promis à James, cependant, il a l'air d'aller mieux. Il les accompagne chaque matin et elle m'a laissé sa voiture.
J'ai bien compris qu'elle parlait de mon débarquement dans sa vie et les soucis que ça lui causait. Donc, je n'ai pas tenté d'en savoir plus.

Nous sommes à deux jours du défilé, elle a bien voulu nous prêter leur lotissement et gentiment aider avec son équipe à tout organiser.
En remerciements, notre équipe les a inviter à trinquer.

La soirée se passe bien. Nous nous amusons et discutons. Lynn boit plus que de raison. Elle est triste et fatiguée. Je n'aime pas la voir comme ça. Je la prendrais bien dans mes bras si je le pouvais.
Laurent vient me demander si je connaissais la raison de son manque d'énergie car elle lui rétorque que tout va bien.

–Ils se sont disputés, il y a quelques temps, avec James, mais il me semble qu'ils sont réconciliés.
–Elle est souvent ailleurs en ce moment, m'indique le jeune homme. Je pensais qu'il s'était passé un truc avec toi...non, elle me l'aurait raconté.

–Non, je ne suis pour rien... enfin, je crois.
–Sauf si, c'est quelque chose qu'elle n'assume pas...

Soudain, le chef de leur département se lève et nous annonce une bonne nouvelle.

–Dans le cadre de leurs investissements dans touts les projets depuis leurs arrivés, je vous annonce que Anna Young et Jiheon Cho font désormais partie du personnel. Ils ont été embauchés et signé leurs contrats ce matin.
Nous applaudissons. Puis le chef Han rajoute qu'Anna et moi pouvons donner libre court à notre amour maintenant.

–N-non, nous ne sommes.... commence-je.

–Ne soyez pas timides. Nous avons bien remarqué que vous ne vous quittiez plus durant ces deux derniers semaines. Un magasine à même publié une photo de vous deux devant un musée. Vous formez un très joli couple.

Je fais un coup d'œil qui se voulait furtif vers Lynn.

–C'est beau d'être amoureux, reprend chef Han. Ce n'est pas toi qui nous dira le contraire, pas vrai Lynn ?

Anna essuie une hypothétique trace que j'avais sur le coin des lèvres.
Ils applaudissent de plus belle et nous demandent de nous embrasser.
Lynn se lève et trinque à notre honneur.

–Tu verras, c'est un mec super lorsque tu ne te consacres qu'à lui. Mais comme tu n'es pas moi, il te sera dévoué. Je vous souhaite tout le bonheur du monde et une excellente nuit.

Elle boit cul sec, pose, bruyamment, son verre et sort en titubant, laissant planer un malaise dans la pièce. Je m'excuse avant de la suivre.

–Lynn ? Attends ?... Qu'est ce qui t'a pris ?

–Moi ? Rien. Mon petit discours ne t'a pas plu ? rit-elle de manière hystérique.

–Discours ? On aurait plutôt dit une crise de jalousie.

–Une crise de jalousie ? Pourquoi, j'en aurait fait une ? Parce que tu t'es jamais comporté comme ça avec moi ? Parce que j'ai toujours été là pour toi mais tu as préféré choisir Soo-Yeon ? Parce que toutes les autres en valent la peine pour toi sauf moi ?

–De quoi tu parles ? Je crois que tu as trop bu. Je vais te raccompagner à la maison. 

J'essaie de la faire monter en voiture. Elle se débat.

–Lâche-moi ! Je peux me débrouiller seule. C'est parce qu'il y a du monde que tu fais semblant de te préoccuper de moi ?

–T'es en plein délire là ! Pourquoi tu as autant bu ?
–Pourquoi ? Pourquoi ? crie-t-elle. Parce que je n'arrive pas à t'oublier. Je n'arrive pas à te sortir ni de ma tête ni de mon cœur. Surtout parce que je déteste te voir avec une autre. Voilà pourquoi je me suis soûlée.

Mon cœur loupe un battement. J'ai peur de mal interpréter ce que je crois avoir compris mais lui pose la question pour m'en assurer.

–Q-que dois-je comprendre ? m'enquiers, fébrile.
Elle me fixe droit dans les yeux.

–J'ai encore des sentiments pour toi et aujourd'hui, pleure-t-elle, aujourd'hui, cet amour me déchire le cœur et je ne sais pas comment l'effacer.

Je reste bouche bée. Mon cœur cognant comme s'il allait sortir de ma poitrine et mon sang boue dans mes oreilles, incapable de prononcer le moindre mot.

–Je sais que c'est stupide, rajoute-t-elle, car tu n'as jamais voulu de moi et ne me voudras jamais.

Elle fait signe à un taxi. Le chauffeur l'aide à monter et part. Moi, je suis toujours planté au même endroit, réalisant avec peine ce qui vient de se produire.