Destin en noir sur blanc

Il y a quelques chose là-haut, dans le ciel bleu sans nuages. Quelque chose de blanc qui l'éblouit un peu. Ça vole dans tous les sens. Ça monte, ça descend, et ça vient se rouler dans l'eau sale.

Kang court vers cette chose.

Une feuille de papier !
Elle est un peu sale à présent, le beau blanc qui l'avait éblouit n'est plus qu'un blanc sale, mais cela reste si rare d'en trouver une par ici ! Personne ne prend la peine d'acheter quelque chose dont on n'a pas l'utilité.
Mais Kang, lui, à plein d'idées sur ce qu'il pourrait en faire.
Il pourrait la vendre pour un ou deux yen, c'est toujours mieux que rien,
ou bien la donner à son père. Ou même, la garder pour lui ! Il la gardera précieusement sur lui en attendant que sa mère guérisse, et peindra avec son père sa première peinture sur feuille.
Il l'imagine déjà : il fait glisser les pinceaux sur la feuille, la remplissant d'innombrables couleurs, de formes et de sourires. Il observa ce champs remplis de fleur, son champ. Son père le soulèvera, pour l'aider à accrocher ce morceau de bonheur au dessus de son bureau, à côté des siens. Que son père le félicite d'une caresse sur la tête, tout en lui affichant des yeux rieurs, pleins de joie. Qu'il court montrer son chef-d'œuvre sec à sa mère, et qu'elle le prenne dans ses bras. La famille parfaite.

Mais soudain, un homme le bouscule violement, le faisant brutalement revenir à la réalité. Si violement qu'il en tombe par terre, et s'étale de tout son long dans la boue, en mange même un peu, mais faisant tout son possible pour ne pas salir davantage sa découverte, chose la plus précieuse qu'il aye trouvé depuis longtemps.

Il se relève lentement, sale et avec quelques bleus supplémentaires, mais avec une certaine fièreté d'avoir pu protéger sa promesse de bonheur.
Il reprend ses esprits, essort son T-shirt, pli délicatement le papier avant de le déposer dans la poche arrière de son pantalon.
Puis, il se met à courir, aussi vite que ses jambes le peuvent pour aller livrer le cadeau de Mme à son cher amant secret. Kang n'a pas spécialement souhaité s'immiscer dans les relations, mais la paie en vaut la peine.

Entre deux voyages, il ne put s'empêcher de déplier à nouveau le morceau de papier.
C'est alors qu'il remarqua quelque chose, un détail pourtant évident qui lui avait échappé: au dos de la feuille quelques tâches d'encre noire. De drôles de tâches, qui font des traits qui s'entremêlent formant divers symboles. Il sait ce que sont ces bâton d'encre sur la feuille. Il en à déjà vu auparavant dans la pharmacie de la ville, un peu partout en ville en fait, les rares fois où il s'y aventurait. Mais c'est surtout sa mère qui lui avait appris que ces caractères étaient des mots. Qui voulait dire des choses. Elle savait lire, on lui avait enseigné dans sa jeunesse. Kang garde de merveilleux souvenirs d'elle qui lui lisais des livres pour enfants, avant de sombrer dans la ruine.
Alors il essaye de se remémorer des leçons de époque de l'école. Il arriva à reconnaître quelques traits mais pas de quoi saisir le sens de la phrase.

Il se dit alors que c'était peut être quelque chose d'important. Et se dit à contre cœur, qu'il fallait peut-être qu'il l'apporte à son père, qui, même un peu moins bien que sa mère, savais lire.

Il finit donc sa journée tard, comme habituellement. Mais cette fois au lieu de se hâter, il courut carrément, faillit même tomber d'innombrables fois. Il avait raison, s'il voulait partager le coucher de soleil avec son père il fallait se dépècher. C'est le seul moment où son père s'autorise une pause. C'est aussi, le moment que Kang choisit pour lui montrer sa trouvaille. Ils s'installent tranquillement sur leur toit, se parlent un peu, mais Kang ne tarda pas à lui exposer la feuille, fier de sa trouvaille. Son père la lui prend, et la pose sur ses genoux. Il semble très concentré, accentuant ses cernes et ses bras maigres. Un bon moment passe. Le père ne paraissait pas bouger. Kang, lui, battait des jambes joyeusement, tout en regardant le soleil disparaître. Cela signait le début de son moment préféré.
Soudain son père se releva, se plaignit de son cou endoloris, et invita son fils à descendre.
Il lui prit la main, et ils posèrent le pied à terre.
Le père ne lui avais pas rendu sa feuille, mais Kang s'en fiche, il lui fait confiance, il doit savoir ce qu'il fait.
Enfin, ils rentrèrent chez eux, grignottèrent le reste du pain d'hier, et allèrent s'assoir à côté de la mère. Comme à leurs habitudes, ils parlèrent de leur journée, leurs petit bonheurs, tout en évitant au maximum de parler de leurs malheur. Kang parla de sa fiche, et de sa rêverie, des ses espoirs.
Sa mère le regarde paisiblement, et affiche un petit sourire fragile.
Le père le regarde étrangement lui tient la main, et la ressert un peu lorsqu'il parla de son futur avec lui. Kang le remarqua, mais ne dit rien, étant concentré sur sa mère qui riait même un peu. Finalement Kang fut le premier à s'endormir. Sa tête lourde descendit sur les genoux réconfortant de son père. La mère le rejoignis sans tarder. Seul le père demeurait éveillé. Pendent un certain temps, à en compter les tic et les tac de la vielle horloge.
Elle au moins elle ne les a jamais trahis. Même fissurée elle continue de tourner et de donner l'heure. Une boucle infinie qui ne s'arrêtera que si elle se casse.
Le père resta assis pendant un long moment encore. Il écoute. Il écoute l'horloge, les bruits dehors, les voisins complètement saouls qui hurlent dehors à s'en décrocher les poumons. De quoi effrayer tous les petits garçons. Le père regarde l'ombre de son fils, dans l'obscurité.
Pourtant Kang dors profondément. Il y a quelques années, il n'aurait même pas pu supporter la moindre mouche. Et aujourd'hui il accepte encore ces homme qui crient et qui le repoussent. Ces hommes dégoûtant. Il voudrait tellement faire goûter un peu plus à son fils et à sa femme une vie décente. Ou l'on n'a pas à se battre chaque jour au point de crever pour soigner une foutue maladie.

En silence pour ne pas les réveiller, il laisse couler de grosses larmes qui viennent s'écraser sur le sol crasseux. Elles traversent sa peau creusée par la faim, et la fatigue.
Des larmes salées.

Il se lève finalement, tout en faisant attention à poser la tête de Kang sur le ventre de sa mère, pour ne pas le blesser. Il les regarde à nouveau. Il se demande si la pauvreté ne commence pas à lui monter à la tête, et s'il ne devient pas fou. Sa tête lui fait mal. Il doit trop réfléchir. Après tout, tout ce qu'il a à faire c'est de peindre ces paysages qu'il n'a jamais vraiment vu.
Il se sent pitoyable. Si pitoyable, vous saurez... Si pauvre, d'argent et de confort. Si pauvre en rêves et en espoirs. Seul Kang semble encore croire à un meilleur avenir. Il est si adorable, tellement enfant.

Le père est debout, se retourne et pose un pied devant lui. Puis l'autre. Il avance tranquillement, vers le centre de la pièce. Son âme semble vide et pourtant il est bien conscient de ce qu'il fait. Seul ses jambes avancent. Finalement il tourne, et entre dans son atelier. Il se rapproche de son bureau. Il touche tout ses pinceaux, toutes ses peintures. Il contemple ses œuvres. Elles sont si belles, mais tellement fausses. Il songe aux heures qu'il a passé à les faire. Les formater, les transformer. Pourquoi gâche t-il sa vie ici? Il pourrait devenir riche s'il partait. Il viendrait ses peintures au monde entier ! Mais pour cela il faudrait abandonner sa femme et son fils. Après tout, cela en vaut la peine. Une femme et un gosse, contre de quoi vivre tout une vie!

Attend. Mais que lui arrive t-il ? Il devient fou. Il faut qu'il se calme. Il respire calmement. On dirait qu'il reprend sa première bouffée d'air après être resté des siècles sous l'eau.

Pour ensuite éclater en sanglots.

Le cœur lourd, il continue de vagabonder dans sa petite pièce. Il se remémore certains souvenir, rit ou pleure seul. Il retrouve le premier gribouillis de Kang sur le mur. Un magnifique papa qui peint la dame de fer, un peu tordue. Il revoit le sourire de Kang, qui le regardait avec ses yeux rieurs. Et ici, il avait fait tomber un tube de jaune, et le sol en resté indélébilement marqué. Et là, la fois où sa femme lui avait offert un set de peinture avec toutes ces économies, pour son anniversaire, et là...
Et là, la feuille que Kang lui a ramené tout à l'heure.
Il veut protéger tout ces moment passés, c'est certain. Mais ce qu'il veut encore plus protéger, c'est ceux qu'il aimes. Et ici, sa femme et son fils.
Il lit encore le prospectus. Il semble hésiter. Que doit il faire? Il réfléchit longtemps sans trouver de réponse.

Fatigué, il retourne se coucher, en espérant que la nuit lui porte conseils. Mais en voyant Kang dans les bras de sa mère, ronflant légèrement, il prit sa décision.

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