Chapitre 16

— Raphael ? Raphael, tu m'entends ?

La voix à l'autre bout du fil sonne plus fatiguée, plus vieille. Tels des parasites, les mots s'infiltrent dans mes tympans et rampent dans les méandres de ma cervelle pour y creuser leurs nids et pondre leurs larves affamées qui se délecteront de mon spectre le plus tenace : la voix de mon père. Celle que j'ai essayé par d'innombrables moyens d'éteindre, résonne aujourd'hui avec insistance. Mes genoux ne supportent plus mon propre poids et je glisse le long du mur froid, accroupi dans un coin.

— Raphael, retente Sean, je sais que tu es là. Réponds-moi. Ce ne sera pas long.

Un étau s'enroule autour de ma gorge, empêchant l'air de s'y engouffrer et toute tentative de m'exprimer. Le monde tourne à une vitesse folle. La ventilation et le bruit des bottes contre le linoléum s'éloignent, laissant place au désagréable battement de mon sang dans mes tympans. Je réprime mes larmes, refusant de lui donner ce plaisir.

— Je t'avais dit ne plus jamais m'appeler.

— Si tu voulais réellement ne plus avoir de contact avec moi, tu aurais changé de numéro, ou tu te serais déjà plaint auprès des agents pénitentiaires. Or ce n'est pas le cas. Tu as décroché.

— Je me demande bien pourquoi.

— Tu restes mon fils. Et un fils a besoin de son père.

— Tu sais de qui d'autre j'ai besoin ? De ma mère. Mais tu me l'as retirée !

Chaque syllabe me coupe le souffle. Les images de cette journée de violence tourbillonnent dans mon esprit. Un bruit sourd. Une détonation. Du sang. Beaucoup.

— Tu l'as tué, insisté-je avec plus de colère que de peur. Et je suis prêt à parier que tu m'aurais tué aussi si tu m'avais trouvé planqué dans ce garde-manger.

— Je ne t'aurais jamais fait de mal.

J'émets un rire nerveux.

— Tu as la mémoire courte, on dirait. Tu n'as fait que ça. Le mal. Tout autour de toi.

— On ne peut pas dire que tu sois un ange non plus, Raphael. J'ai appris que tu avais séjourné en prison... Encore.

— Tu féliciteras tes informateurs. Et contrairement à toi, je ne suis pas un assassin ! Alors, épargne-moi tes leçons de morale, ok ? Mes mains sont propres.

— Ce n'est pas passé loin avec Luke. Quant aux raisons de ta seconde incarcération, elles ne sont pas louables pour autant. Drogue et prostitution. C'est Alan qui t'a élevé comme ça ? Tu crois que maman serait fière de toi ?

— Ne parle pas d'elle. Je t'interdis de parler en son nom, tu m'entends ?!

— Raphael, souffle Sean, combien de fois devrais-je te demander pardon ?

Les images se matérialisent. Floues. Je vois le monstre penché au-dessus de ma mère, la bouche déformée par la rage, levant et abattant ses poings sur son visage fragile, encore, et encore, et encore. Brandissant son fusil. Le sang coagulé sur le sol de la cuisine, sur les murs, sur la chemise de Sean et sur ses mains. Les yeux de celle qui m'a porté neuf mois durant et m'a donné la vie, figée dans la terreur. Je réentends les pleurs et les supplications... Et les sirènes hurlant leur chant sinistre dans la nuit. Puis ce silence. Ce foutu silence gravé en moi pour l'éternité. Le son de la mort. Je revois le regard soulagé, mais empreint de tristesse de la policière, quand celle-ci m'a finalement trouvé dans ma cachette, hagard. Ne bouge pas, m'a dit ma mère. Et j'ai obéi, comme tous les autres jours où Sean s'est emporté pour un repas pas prêt ou pas assez chaud, un mot ou une réflexion de trop, un regard de travers...

Je me lève, usant le carrelage sous mes semelles.

— Me demander pardon ? Tu pourrais le faire un million de fois, ce ne sera jamais suffisant. Comment tu oses me demander une chose pareille ? Tu l'as tué, elle et son souvenir. Plus les années passent et plus je l'oublie. C'est à peine, si je me souviens du son de sa voix, et toi... Toi, tu oses me demander pardon ? Pourquoi maintenant, hein ? De quoi t'as peur ? T'es malade et tu vas bientôt crever, c'est ça ? Si c'est ton entrée au paradis que tu cherches, tu peux te la mettre où je pense !

— Raphael, bon sang écoute-moi. Laisse-moi m'expliquer.

Je croise mon reflet dans le long miroir mural. Les premières marques du temps commencent à s'implanter aux coins de mes paupières. À trente-et-un ans, j'atteins désormais l'âge que Sean avait lorsqu'il a ôté la vie à ma mère. Tous les jours, je dois affronter cet héritage maudit, résister à l'envie de me redessiner le portrait à l'acide, de me crever les yeux pour échapper à son doublon. Chaque miroir, chaque vitrine, me renvoit une réflexion que je méprise, une image accusatrice qui me donne l'illusion que c'est moi, le meurtrier de ma propre mère.

— Ne cherche pas à justifier tes actes, craché-je, rien au monde ne pourra les excuser. À quoi tu joues ? Pourquoi tu m'appelles ?

— Comme je te l'ai dit, j'ai appris que tu étais sorti de prison. Et...

—Tu as deux ans de retard.

— Tu refusais de me parler, alors je t'ai laissé de l'espace. Ton grand-père, lui, a su m'écouter avec le temps.

— Et ça restera un mystère pour moi. Qu'il te parle à toi tandis qu'il m'a à peine adressé la parole pendant toutes ces années. Ne compte pas sur moi pour en faire autant.

— Si tu me hais tant que ça, pourquoi n'as-tu pas déjà raccroché ?

Un silence s'installe. Je dois mettre un terme à cette conversation. Sean me consume. Je le sais. Plus tard, je m'en mordrai les doigts. Mais je ne parviens pas à couper ce lien. Une partie de moi désire entendre la voix de mon père. Celle de l'homme qu'il était, avant que l'alcool et la folie ne prennent le dessus.

Je soupire.

— Je t'écoute. Balance ce que tu as à dire.

— Je pourrais peut-être sortir bientôt et je pensais qu'on pourrait se revoir. Ça fait si longtemps. Ton grand-père m'envoyait des photos de toi. Je t'ai vu grandir de loin, mais après sa mort... Je ne sais même pas à quoi tu ressembles aujourd'hui. Alors, je pensais que tu pourrais passer, ou au moins m'écrire. M'envoyer une photo. Mais ce que j'ai à t'annoncer, je ne peux pas te l'écrire, encore moins te le dire par téléphone, on n'est peut-être sur écoute. Il faut qu'on se voie. Face à face. D'homme à homme.je tiens pas plus longtemps.

J'essaie de résister, de ne pas laisser ma colère gagner, mais je. ne tiens pas plus longtemps.

— Tu pensais quoi ? Qu'une fois dehors tout redeviendrait normal ? Qu'on jouerait aux père et fils, toi et moi ? Non, mais tu te fous de moi ? Ça n'arrivera pas. Ne compte pas là-dessus. Jamais. Tu as surtout peur de mourir seul. Et tu vas mourir seul. Putain, j'espère que tu vas crever seul !

Silence.

— T'es encore là ? demandé-je avec amertume.

Des sanglots crépitent dans le combiné.

— Je suis désolé, Raphael. Tellement désolé. Mais tu n'as pas le droit de me parler de cette façon. Tu crois que j'ai voulu tout ça ? Vous faire du mal, volontairement, à toi et à maman ? Je n'ai pas été le meilleur des pères ni le meilleur mari. Mon Dieu, j'en suis conscient. J'ai laissé mes problèmes personnels prendre le dessus et l'alcool m'a fait commettre des actes irréparables. Je l'aimais, Raphael. Profondément. Et je t'aime aussi. Tu n'imagines pas tous les sacrifices que j'ai pu faire... J'aimerais réellement te revoir. Rien qu'une fois.

— Hors de question. Ose te pointer chez moi et je te promets que je... Je vais raccrocher maintenant, reprends-je, plus calmement. Si tu essaies de me recontacter une fois cette discussion terminée, je réclame des mesures de restrictions contre toi. J'aide la police à résoudre une enquête en ce moment. Quelque chose de gros. Alors, il se pourrait que je leur demande un petit service quand tout sera réglé.

Sean soupire.

— Dans quelle galère tu t'es encore fourré ?

— Je sais ce que tu t'imagines. Je ne suis pas un putain d'indic'. Adieu.

Je m'apprête à raccrocher quand :

— Tu penses que je suis un monstre ? Mais toi et moi, on est pareils. Tu n'imagines pas à quel point on se ressemble.

Je marque un temps d'arrêt.

— De quoi tu parles ?

— Tu dis que tes mains sont propres, mais en es-tu si sûr ? Cesse de te mentir à toi-même, Raphael !

Du sang apparait sur mes doigts. Épais. Visqueux. Les mains crispées sur la vasque, je refoule une vague de nausées et attends que le monde se stabilise. Je remue convulsivement la tête. Toi et moi, on est pareils. Non. Je n'ai rien en commun avec lui. Je lève la tête pour échapper à cette image, mais mon reflet m'envoie mon portrait maculé de gouttelettes pourpres. J'entends les coups pleuvoir, les os craquer. Je vois le visage de cet adolescent petit à petit perdre forme humaine, devant un public tout aussi jeune et ahuri. Je l'ai frappé sans m'arrêter. Je ne le pouvais pas. Mon esprit survolait la scène. Mais contrairement à mon père, j'ai fini par reprendre conscience à temps. Vraiment ? Où nous a-t-on séparés ? Je ne m'en souviens plus.

— Je n'ai pas tué Luke, balbutié-je.

— Je ne parlais pas de lui, réplique Sean.

Toi et moi, on est pareils. Impossible. Je ne suis pas comme lui. Pas comme Bowman. Ni comme tous ces monstres.

— Vas te faire foutre !

Le téléphone traverse la pièce et s'écrase contre le mur. Comme une bête en cage, je tourne en rond, les veines du cou saillantes et les doigts crispés autour de mon crâne. Je halète. Je tremble. Je me penche au-dessus du lavabo et me balance machinalement. Le ronronnement croissant des néons emplit ma tête. D'un geste sec, j'ouvre le robinet pour m'asperge le visager d'eau glacée, mais rien n'y fait. Je toise mon reflet répugnant. Je serre les poings, les dents. Je ferme les yeux. J'inspire puis expire bruyamment. Mes paupières s'ouvrent. Dans le miroir, Sean me nargue. Les mêmes yeux bleus. Les mêmes boucles noires. Le même visage. Toi et moi, on est pareils. La bile me monte à la gorge. Dans sa cage, mon cœur explose. Des images apparaissent dans mon esprit sous la forme d'un kaléidoscope lugubre : la voiture projetant le corps de Rooney dans les airs. Hasna, affolée, martelant le coffre tandis que l'eau monte inexorablement. Adam Taylor, fuyant son meurtrier. Un homme plaçant un pistolet dans le creux de sa bouche, puis une détonation. Des flammes. Des cris. Des pleurs. Les images se succèdent, se mélangent, fusionnent.

Je gémis de douleur, luttant contre la pression qui menace de pulvériser ma cervelle face à ce flux d'informations. Mes doigts plongent dans ma poche et rencontrent le tube de buprénorphine. J'hésite, puis capitule l'instant d'après. Plusieurs comprimés s'échouent sur le carrelage quand, d'une main tremblante, j'en envoie deux dans le creux de ma paume. Je les glisse sous ma langue. Pas assez rapide. Deux autres rejoignent cet antre humide, et je les avale sans leur laisser le temps de fondre. La rage ne quitte pas mon corps. Elle s'est profondément ancrée de ses longues griffes dans ma chair. Toi et moi, on est pareils. À cet instant, mon reflet laisse place à Sean.

— Dégage de ma tête !

J'enroule mon poing dans ma manche et l'écrase. Une fois. Deux fois. Trois fois. J'attrape la poubelle et la projette avec force à travers la pièce. J'enroule mon poing dans ma manche et l'écrase. Une fois. Deux fois. Trois fois. J'attrape la poubelle et la projette avec force à travers la pièce. Je manque d'air, suffoque. Le monde tourne. Je ne vois plus rien, n'entends plus rien. Plié en deux, j'écrase mes tempes entre mes mains. Je veux que ça s'arrête. Faites que ça s'arrête. Deux bras me ceinturent soudain pour m'attirer contre un torse ferme. Je me débats tentant de me dégager de cette étreinte forcée.

— Non ! Laisse-moi !

— Chhh... Eh, c'est moi. C'est moi, Sam.

— Lâche-moi ! Lâche-moi !

Je m'agite de plus belle, le corps tendu à l'extrême.

— Chhh, calme-toi, murmure-t-il, le menton posé sur mon épaule. Eh, là, respire. Tu vas ameuter tout le monde.

Je me stoppe net, vidé. Tous les sons se sont tus. Les images ? Évaporées. Sentant probablement mon malaise, Sam me libère. Je me précipite aussitôt au-dessus des toilettes pour vomir ce trop-plein d'émotions. Je m'étrangle, tousse, jusqu'à ce que les contractions dans mon estomac cessent. Après de longues secondes, je reprends mon souffle adossé contre la séparation des cabines, et la chasse d'eau emporte plusieurs comprimés gâchés dans les canalisations. Sam remet de l'ordre dans la pièce puis ramasse le téléphone brisé qu'il dépose sur la vasque.

— Tu veux en parler ?

— Laisse-moi, réponds-je, d'un ton monotone, les genoux plaqués contre mon torse.

— Non, je ne te laisserai pas tout seul dans cet état. Tu es en pleine crise. Je t'ai appelé plusieurs fois, tu ne m'as pas entendu. Tu ne m'as même pas vu entrer. Tu t'es acharné sur le miroir et...

— Sam, je suis au courant. Va-t'en !

Je lui claque la porte au nez. Sans se laisser démonter, il rejoint la cabine et glisse au sol, face à moi.

— C'était ton père, c'est ça ? Quand tu as reçu cet appel, j'ai vu sur ton visage que ça n'allait pas. Alors quand tu n'es pas revenu tout de suite, je me suis inquiété et je suis venu voir si tout allait bien. Tu m'en excuseras, mais j'ai écouté un peu votre conversation. Je ne voulais pas vous interrompre. Et puis, il y a eu tout ce boucan. Je suis entré et tu étais... ailleurs. Que s'est-il passé ?

La tête en arrière et le regard fixé sur un point quelconque, je ne réponds pas.

— Raphael, tu es avec moi ?

— S'il te plait, pars.

— Alors, parle-moi. Je me répète, mais tu as besoin d'avoir quelqu'un de ton côté. Si Harris apprend que tu as une nouvelle fois pété une durite, il va t'écarter de l'enquête et pour de bon. Je sais que ce n'est pas ce que tu veux. Tu l'as mal supporté la dernière fois.

Je souffle

— Oui, c'était mon père. Content, officier Greene ?

— Qu'est-ce qu'il voulait ?

Une pause.

— Reprendre contact.

— Et visiblement, tu n'es pas pour.

J'écarquille les yeux.

— Non, m'exclamai-je, jamais de la vie !

— C'est cette demande qui t'a tant troublé ?

— Non, c'est... Il m'a dit quelque chose et... Je pensais être différent de lui. J'avais envie... J'avais besoin d'être différent de lui. Il se trouve qu'au final, lui et moi, on est peut-être pareils.

Sam pose une main sur ma chaussure.

— Tu n'es pas comme ton père.

Je recule mon pied.

— Tu n'en sais rien ! Tu me connais depuis à peine deux semaines. Tu n'as pas la moindre idée de qui je suis. Je me suis défoncé pendant des années allant jusqu'à faire le trottoir pour obtenir ma dose ! J'ai cassé la gueule à pas mal de gars parce que ça me libérait. J'ai même failli tuer ce mec, probablement que je l'ai tué, aujourd'hui, je ne suis plus sûr de rien !

— Si tu parles de cette bagarre au lycée. Le type n'est pas mort. Il a perdu un œil, certes c'est tragique, mais il est bel et bien vivant, je peux te l'assurer.

— Je vois que toi aussi, tu as fait ta petite enquête sur moi.

— C'est mon métier.

— Dans ce cas, tu as sans doute appris qu'il n'est pas le seul à avoir goûté à mes poings. Harris a raison. Je suis incapable de me contrôler. Qui me dit que je n'ai pas fait une connerie un jour, en étant défoncé ?

Je l'enjambe, la main serrée autour de ma médaille, et observe mon reflet morcelé dans la toile d'araignée formée par mon poing. À son tour, Sam se redresse.

— Et ton père l'aurait su comment ? nuance-t-il en se rapprochant.

Ma colère est profondément ancrée. Si je pouvais voir ma propre couleur, nul doute que celle-ci serait rouge vif à cet instant.

— Je n'en sais rien. Laisse-moi.

— Alors, laisse-moi t'aider.

— Tu ne peux pas m'aider ! Personne ne le peut. Je suis bousillé de l'intérieur, pourri. Je vis avec cette haine et cette douleur depuis plus de vingt ans. Tu crois que ce sentiment va s'évaporer sous tes paroles de bon samaritain ? Tu es si prétentieux que ça ?

— Non, enfin je...

Les mots meurent sur ses lèvres, tandis qu'il vient poser une main sur mon épaule.

— Ne me touche pas, refusé-je en me dégageant et souhaitant le maintenir à distance.

— Raphael, tu dois vraiment te calmer. T'es en pleine de nerf. Ne m'oblige pas à revenir un médecin. Respire un bon coup, ça va aller.

— Non, ça ne va pas aller ! J'ai fait des choses horribles, avoué-je, le visage baigné de larmes. J'ai levé la main sur mon ex. Une seule fois. Je ne l'ai pas touchée. Je te jure que je ne l'ai pas touchée. Je me suis arrêté à temps. Mais c'était trop tard. Le geste était fait et la pensée m'avait traversé l'esprit. J'étais en panne de came et Sofia n'arrêtait pas de m'inciter à me faire soigner. Je ne supportais plus sa voix. Je voulais qu'elle arrête de parler. Je lui ai demandé plusieurs fois de se taire, allant même jusqu'à m'enfermer dans la salle de bain parce que je sentais cette pression monter et monter, mais elle n'arrêtait pas. Elle m'a suivi jusque derrière la porte et elle continuait et continuait à rabâcher les mêmes paroles depuis des jours et des jours. Je suis sorti et j'ai levé le poing. La lueur de peur dans ses yeux a suffi à me ramener sur Terre, mais le mal était fait. Ce n'est plus jamais arrivé après ça. On n'en a plus jamais reparlé non plus... Le manque n'est pas une excuse, j'aurais dû me contrôler. Je méprise les gens comme mon père, comme Bowman, mais au final, je suis comme eux !

Un silence plane entre nous avant que Sam ne le rompe.

— Ta capacité à admettre tes erreurs montre que tu es sur la voie de la guérison. C'est déjà un grand pas en avant. Ton passé ne te définit pas. Tu as toute une vie devant toi pour évoluer, pour changer.

Je pivote et mes yeux coulent sur l'écusson de la région brodé sur son uniforme.

— Je ne veux pas devenir comme lui. Je ne supporterai pas de blesser les gens que j'aime. Je préférais encore qu'on me coupe les mains.

— La seule personne que tu blesses ici, c'est toi-même.

Je remarque le regard de Sam en train descendre sur la main utilisée pour détruire le miroir. Il va attraper mon avant-bras, sans doute pour constater les dégâts sur mon poing, quand je me dégage et frotte mon pull pour retirer les éclats de verre incrustés dans le tissu.

— Et bien peut-être que je le mérite.

— Ne dis pas ça. C'est faux.

De minuscules entailles me brûlent la peau, lorsque je passe ma main couverte de coupures superficielles sous l'eau. Après m'être rafraichi et rincé la bouche, j'hésite un instant avant de confronter mon reflet. Sean disparu. Sam m'observe deux pas derrière moi. L'inquiétude transparait sur son visage. J'en viens à me demander si ce lui aussi, n'est pas cinglé, avec ces discours étranges sur la rédemption et le pardon, à défendre l'indéfendable.

Je repousse une mèche qui me barre l'œil droit.

— Regarde-moi. Comment tu peux croire en moi, après tout ça ?

— Parce que je ne juge pas les gens sur ceux qu'ils ont été, mais sur ceux qu'ils sont, ou sont en passe de devenir. Et je vois devant moi un homme qui se bat contre lui-même, mais aussi pour retrouver un meurtrier et une gamine disparue.

Ma main scarifiée ne tremble plus. Cette rage commence à se dissiper. Je suis épuisé. Tout ce que je veux, c'est rentrer chez moi et me terrer sous les draps, dormir. Dormir longtemps. Et surtout ne plus penser à rien.

— Ramène-moi à la maison, s'il te plait, murmuré-je.

*

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