~48~
(Piotr)
Le regard que nous échangeons Ernst et moi est le signal. Espérons que nous ne nous trompons pas.
— Irina a vécu presque une année avec nous. Elle n’aurait pas dû se trouver dans cette situation. Elle et son frère devaient être pris en charge dès leur arrivée aux abords de la frontière.
— Un traitement de faveur ?
— Celui qui organisait et chapeautait une bonne partie des départs clandestins y tenait. Notre équipe, composée de plusieurs anciens soldats aguerris, aide dans les passages délicats et veille surtout que l’arrivée ne se termine pas en fiasco. La présence de Dalibor a été une surprise mais il était trop tard pour annuler le départ de la sœur et du frère. Le parachutage d’Anzor a permis de limiter les dégâts.
— Mais pourquoi eux plus spécialement ?
— Mikail, à cause d’Irina, avait dû retarder son départ. Même si le mot chasse peut vous sembler excessif, il représente fidèlement l'énergie mise en œuvre pour traquer les homosexuels dans notre pays. Mikail aurait un jour ou l’autre fini dans les cachots d'une prison.
Aucune remarque. Ernst a raison, cet homme sous ces apparences de dandy intellectuel, a beaucoup de connaissances sur la situation en Tchétchénie. Une ou deux personnes sur qui s’appuyer pourrait être bénéfique. Il est temps de sortir notre dernière carte.
— Irina, vous avez dû le constater, en plus d’être belle était très intelligente. Dalibor était repéré depuis un moment. Il était en relation avec des groupes avec qui il monnayait certaines des personnes qu'il “ aidait “. Sans notre intervention, elle aurait sûrement fait partie de celles qui disparaissent sans aucune explication. Son frère, était lui aussi, une victime de Dalibor. Celui-ci a abusé de lui tout le long de leur voyage. Exfiltrer les deux dans des conditions optimales n’était pas possible. Anzor nous a raconté à quel point la disparition d’Irina avait déstabilisé Mikail.
— Comment aurait-il pu en être autrement ? Il a dû l'imaginer errer dans les montagnes enneigées, mourant de froid, seule.
— Anzor a dû mettre beaucoup d’énergie pour le décider à partir. Sinon, c’est certain, elle aurait pu mourir. L’effervescence autour du campement de fortune de Dalibor et des autres nous empêchait de récupérer Irina dans sa cachette. Il nous a fallu attendre qu’elle reprenne un peu de force avant de partir et même ainsi il était moins une pour qu’elle ne survive pas. Il est fort probable que sa pneumonie ait pris naissance là.
( Josef )
Lorsque j’entends ses mots, je serre les poings. Il ne faut pas que Ivan sache cela. Il ne s’en remettrait pas.
Le silence et le regard surpris des deux hommes face à moi sont explicites. J’ai parlé à haute voix.
Piotr se rapproche de moi. Aucune agressivité dans son attitude. Il est évident qu'il va exiger des explications. Je me rappelle ma promesse envers Ivan. Il m’est impossible de penser que ces deux hommes soient fourbes. Pas après les mots qu'il vient de dire.
— Qui est cet Ivan dont vous parlez, Josef ? En quoi peut-il se sentir coupable de la situation d’Irina ?
Est-ce celui que je crois ?
— Misha est quelqu'un de persévérant. Il n’a pas une seule fois baissé les bras. Les carnets d’Irina lui ont montré quelques pistes qu’il a suivies. La dernière, à laquelle il ne croyait pas, était la bonne. Ivan est le frère d’Irina.
— Asseyez-vous, Josef. Je crois qu'à notre tour nous avons besoin d’explications, commente Ernst.
Un court instant plus tard, nous avons pris place autour de la table et je finis d’avaler un grand verre d’eau.
— Depuis quand l’a-t-il retrouvé, me questionne Piotr. Est-Il certain que c’est lui ?
— Pourquoi en doutez-vous ? Qui aurait intérêt à se faire passer pour lui ?
— Ce n’est pas ce qui m’intéresse, réplique-t-il d'un ton légèrement agressif. Nous l’avons cherché partout. Anzor est plutôt doué en dessin. C’est la première chose qu'il a fait lorsque, ce matin-là, ils ne l’ont pas trouvé. Il était urgent de le mettre à l’abri avant les hommes que Dalibor ne se gênerait pas de mettre à ses trousses.
— Pourquoi aurait-il fait cela ?
— Pourquoi ? Etes-vous naïf, hurle-t-il ?
— Piotr ! Calme-toi. Josef, écoutez-moi. Dalibor était très remonté contre Mikail. Même s'il avait déjà touché une avance pour Irina, le fait qu’elle ait disparu était une très mauvaise chose. L’acheteur avait des projets pour elle. De ceux qui rapportent de l’argent. Lui comme Dalibor risquait de perdre en crédibilité et ce n’est vraiment pas bon pour leurs affaires.
— Dalibor jouait sur tous les tableaux, continue Piotr. Un beau salopard, croyez-moi sur paroles. Votre Ivan vous a-t-il raconté ce que Dalibor exigeait pour laisser sa prétendue femme tranquille ?
— Taisez-vous ! De quel droit parlez-vous ainsi de lui ! Pensez-vous que nous ayons un seul doute qu'il est le frère qu’Irina voulait retrouver. Je n’ai pas de formation militaire mais nous avons tous su au premier regard qu'il était Mikail. Vous avez parlé de ressemblance entre lui et sa soeur au point de mettre en difficultés leur lien de couple marié. En dehors d'une taille largement plus imposante que celle d’Irina, leur regard ne peut pas mentir. Croyez-moi, ceux qui ont connu la soeur n’ont eu aucun doute sur l’identité de l’homme qui a accompagné Misha.
— Où est-il ?
— Pourquoi cette question ? Vous ne me croyez toujours pas ?
— Votre ton est convainquant donc si mais je préférais qu'il reste discret.
— Pensez-vous qu'il puisse être en danger ? Dalibor le recherche toujours ?
— Non mais il représente une image forte pour ceux qui luttent au pays. L’un comme l’autre ont déjoué les plans de ceux qui s’enrichissent sur leur dos.
—Je ne pense pas qu'il se voit ainsi. Cette période de sa vie est encore traumatisante pour lui. Les seules informations dont il dispose sont les écrits d’ Irina.
Je gardais pour moi le fait qu’Ivan était en couple avec Misha et de sa fuite afin de ne pas risquer que celui-ci se retrouve pris pour cible à cause de lui. Il était temps de contacter Misha afin de lui expliquer les derniers rebondissements
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