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(Sam )

— Si tu n'arrêtes pas de faire des aller- retour, je peux t’assurer que je t’attache quelque part ! grogne Romain installé sur le canapé.

— Je n’arrive plus à attendre de ses nouvelles ! Je crois que j’ai été assez patient, non ? 

— Je suis surtout très surpris que tu aies résisté à l’appeler !

— Ivan ? Pour provoquer une nouvelle fuite ? Pas question mais Misha devait nous donner des nouvelles, non ?

— Laisse-lui la journée encore, mon coeur. 

La sonnerie de mon portable avec le prénom Misha en rouge coupe court à la conversation.

—Je t’avais accordé une journée de répit, pas une de plus, ne puis-je m'empêcher de dire.  Ivan est-il rentré ?

— Non. Mais je sais où il se trouve et aussi qu'il va bien. 

— Tu lui as parlé ? 

— Non. Mais Rolf m’a rassuré. Comme je te le disais, Ivan a pris peur. Pas pour lui mais pour nous, ceux qui lui sont proches. J’ai évoqué un prénom qui a fait remonter des souvenirs. T’a-t-il parlé d'un certain Aslan ? 

— Bien sûr. Un peu avant de te rencontrer. Je ne pense pas qu'ils aient un lien de parenté mais ils étaient amis. Aslan lui a trouvé un boulot comme veilleur de nuit, je crois, dans l’hôtel où il bossait. Pour l’éloigner de l’endroit où il vivait, moins de risques qu’on le reconnaisse que dans son village. Je ne me rappelle pas de tout avec précision mais il me semble que c’est aussi lui qui leur a trouvé le passeur. Moins certain de cela, il m’a lâché tant d’infos en quelques jours ! 

— C’est bien de lui dont il est question. Sans entrer dans les détails, un des responsables de l’association, Josef a des contacts en Tchétchénie et doit s'y rendre prochainement. Il pensait faire plaisir à Ivan en lui proposant de passer voir cet homme pour lui donner des nouvelles de lui et de sa sœur. 

— Et cela l’a effrayé.  Je crois savoir pourquoi. Il a évoqué l’histoire d'un jeune homo de son entourage, arrêté et brutalisé. Quoiqu'il s’agit plus de torture dans ce cas. C’est une des raisons qui a précipité son départ. Entendre ce nom a dû faire remonter des émotions. Penses-tu que je puisse l’appeler pour discuter avec lui ? 

— Honnêtement, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Il doit se douter que j’ai pensé qu'il était parti te retrouver. 

— Oui. Sauf que s'il a peur de possibles représailles, il ne risquera pas de nous mettre en danger. Le choix de ton ami reste, je pense, un abri provisoire. 

— A l’origine, je le crois aussi. 

— Une discussion avec Romain me revient en tète. C’est sûrement très indiscret mais je m’en moque. Y-a-t-il une info qu'il a omis de nous dire ? 

Le silence est à lui tout seul une réponse. Ivan va m’entendre. 

— Je ne sais pas si c’est la peur qui l’a fait fuir ou...notre  rapprochement. 

— Ne le laisse pas fuir, Misha. 

( Josef ) 

Je me giflerai de ne pas avoir réfléchi. Pourtant, depuis le temps, je croyais avoir assimilé que la précipitation apporte rarement de bons résultats. Mon projet aboutissait enfin sur un point qui me tenait particulièrement à cœur. Il faut dire que j’en avais vu passer des exilés. Un de leur point commun, la peur. Une grande majorité d’entre eux fuyaient pour survivre à la misère. Mais le profil de ceux qui craignent pour leur vie ne cesse d’augmenter. Joachim, Mira et moi voulions proposer une option différente. Prendre en charge ceux que l’on aidait peu habituellement nous tenait à cœur. 

— Tu en fais une tête, m’interpelle Joachim. 

— J’ai fait une énorme bourde. Je vais devoir apprendre à gérer mon enthousiasme ! 

— Tu veux en discuter ? 

— Il n’y a hélas pas grand chose à dire. Mon voyage en Tchétchénie approche à grands pas. J’ai pensé que peut-être Ivan me confierait des adresses…

— Dis-moi que tu en as parlé avec Misha auparavant ! 

— Bien entendu mais sans m’étendre sur le sujet même s'il ne semblait guère serein quant à ma proposition…

— J'imagine. La situation est très loin d’être commune, je le sais bien. Très peu de ceux qui ont fui arrivent à reprendre contact. Comment Ivan a réagi ? 

— Il s’est barré.  Oh ne t'inquiète pas, expliqué-je en voyant sa tête affolée. Il n’est pas très loin mais dans ma précipitation, j’ai réussi l’exploit de mettre à mal le petit et le frère d’Irina. 

— Ne l’appelle pas ainsi, Josef ! C’est affectueux mais à la fois très réducteur. A lui tout seul, Misha abat un boulot de dingue. Tu n'as pas encore assez d’informations sur tes nouveaux contacts pour prendre des risques. Il te faut rester prudent, Josef. En tout temps, des traîtres aux allures de sauveurs ont existé. La ténacité existe aussi dans le mal. Ivan et sa sœur ont, d’après les infos que nous avons, fui leur pays depuis 4 ou 5 ans. Qui te dit qu'il reste encore des membres de leur famille ? Ou pire encore que ces même familles se cachent pour ne pas être arrêtées ? Irina, à notre connaissance, n’a pas été très bavarde. Misha, grâce aux carnets,  possède peut-être des informations qui seraient utiles mais seul Ivan est légitime pour les utiliser. Ne te substitue pas à la place qui est la sienne ! Sa fuite camoufle sa peur. Le fait qu'il n'ait pas entièrement disparu prouve qu'il peut possiblement craindre des représailles sur Misha. As-tu repéré son regard quand il était là ? Aucune malveillance ne s’y reflétait mais il était aux aguets. Souviens-toi des informations données lorsque nous avons pris la décision de cibler cette population. Ils sont toujours des proies !  

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