~40~

(Misha )

Je réalise que je suis toujours dans la chambre d’Ivan. Sa lettre ne m’aide pas beaucoup même si je ne le crois pas en danger. Évoquer Aslan a eu l’effet d'un tsunami sans que j’en comprenne réellement la raison. L’envie de contacter Sam est puissante. Juste pour le prévenir ou plutôt pour me rassurer, moi ?  L’idée qu’Ivan puisse errer dans les rues, désorienté, m'angoisse terriblement. Même si ce n’est sûrement pas une bonne idée, je compose le numéro de Sam.

— Misha ?

— Bonjour Sam.

Son étonnement lorsqu'il prononce mon prénom est suffisamment clair. Ma crainte était fondée. Ivan ne s’est pas contenté de me fuir.

— Ton silence est très loin de me rassurer, Misha. Que se passe-t-il ?

— J’avais l’espoir qu’ Ivan soit chez toi.

— Comment cela ? Il n’est plus chez toi ?

— Il m’a juste laissé un mot où il m’explique avoir besoin de s'isoler, que je ne dois pas m’inquiéter.

— Visiblement, ce n’est pas le cas. Peux- tu m’en dire plus ? Vous lisiez les carnets d’Irina ?

Je réalise qu’Ivan n’a pas été très bavard. Il a sûrement évité de parler de Rolf. Délicat d’expliquer la raison de sa présence sans inquiéter son meilleur ami. Je me suis mis tout seul dans de sales draps.

— Misha ? Si tu ne souhaites pas que Sam débarque chez toi pour obtenir des réponses, je te conseille de réagir, intervient Romain.

— Je voulais lui montrer le lieu où j’ai rencontré Irina, expliqué-je.

— Il m’en a parlé. Cela n’avait pas l’air d’être un problème. Tu as senti qu'il était angoissé, toi Romain ?

— Pas le moins du monde. Continue de nous raconter.

— La lecture des carnets est parfois difficile…

— A-t-il pété les plombs ? Crié ? Bu plus que raison ? Nous voulons comprendre, Misha, s'énerve Romain.

— Il a, comment a-t-il dit cela ? Il s’est fermé de l’extérieur pour ne pas exploser.

— Brave garçon qui écoute mes conseils, réplique Romain. C’est largement mieux que boire jusqu’à sombrer. Tu étais là ?

— Oui. Terrorisé par cet espèce d’état second. Conscient mais rentré complètement sur lui -même. J’ai paniqué et j’ai appelé mon meilleur ami.

L’image de Rolf blaguant avec Ivan, cette complicité immédiate ou presque. Quel idiot de ne pas y avoir pensé ! Je dois vérifier cette hypothèse.

— Le connaît-il suffisamment pour lui faire confiance ? Te semble-t-il possible que ce soit lui qui l’héberge ? m’interroge Sam, la voix pleine d’espoir.

— Je n’en sais rien. Cette option me rassurerait.

—Tu ne nous dis pas tout, Misha, gronde Romain. Quel événement a provoqué cette fuite ?

Pas question que je parle de notre rapprochement. Parce que je suis persuadé qu'il n’est pas le déclencheur. Une image du passé, et pas la moindre, me semble être clairement responsable. Mais Sam et Romain connaissent-ils l’existence d’Aslan ? Je ne me sens pas légitime de l’évoquer sans l’accord d’Ivan.

— J’ai peut-être une idée qu'il faut que je vérifie. Je vous rappelle très vite.

( Sam )

Pas question que j’attende sans rien savoir, sans pouvoir agir. En l’espace de quelques secondes, j’ai pris ma décision.

— Il n’en est pas question, dit Romain en attrapant mon bras. Tu dois le laisser maîtriser ces émotions. As-tu repéré ce qui a changé ?

— Je suis très fier que son premier réflexe ne soit pas de picoler jusqu'à tomber. Mais l’idée de la fuite ne m’enchante pas. Pourquoi ne m’a-t-il pas appelé ?

— Sa fuite est différente. Ce n’est pas un coup de tête, il a pris le temps de réfléchir, de laisser un mot. Tu dois lui faire confiance. Je ne pense pas qu'il soit en danger.

— Qu’en sais-tu Romain ? Le peu qu'il me lâche en infos ne me permet pas de comprendre ce que les mots de sa sœur provoquent chez lui.

— Peut- être parce que justement il redoute ta réaction. Tu te rappelles pourquoi il était important qu'il y aille seul ?

— Parce que Misha saurait quels passages pouvaient le faire vriller. Mais si nous nous sommes trompés ? Misha ne le connait pas vraiment.

Ses deux bras m’entourent et me serrent contre sa poitrine. L’effet apaisant de son geste est quasi immédiat.

—T’a-t-il semblé une seule fois en difficultés ?

— Non. Mais visiblement un événement l’a mis à mal.

— Misha est sérieux, il est parti vérifier son hypothèse. Je ne suis pas plus dupe que toi, mon coeur. Il nous cache une information. Laissons- lui un peu de temps, tu veux ? S’il ne tient pas parole, nous irons.

(Rolf )

Plus ou moins avachi sur le fauteuil, Ivan a enfin fini par s’endormir. Mon téléphone vibre pour la troisième fois, je me félicite de l’avoir mis en vibreur. Le plus discrètement possible, je sors de la pièce, et me dirige vers la salle de bain. Par mesure de prudence, je fais couler l’eau afin de masquer au maximum le son.

— Si je ne réponds pas, il n’est pas nécessaire de m’assaillir de messages.

—La preuve que si puisque tu m’appelles. Je n’ai qu'une question à te poser.

— Tu connais déjà la réponse. Je t’ai trouvé long à la détente.

—Ton ton narquois n’est vraiment pas utile. Comment va-t-il ?

— Il a fini par s’endormir.

— Il t’a raconté ?

— Des moments, des noms. Son passé dans son pays. Il est effrayé mais ses explications sont confuses. Je préférais que tu ne viennes pas. Son choix de venir ici est très loin d’être anodin. Y-a-t-il une info que tu aurais volontairement mise de côté ?

—Je ne sais pas la mettre dans une case…

— Laisse-la mûrir. Il n’a pas vraiment pris la fuite. Il te protège. Rectification, il protège ceux qui comptent pour lui. Josef a mis un sacré bazar mais je ne pense pas qu'il faille fermer la porte de son passé. Interroge Josef, puise des infos qui pourraient le rassurer.

—Tu vas faire comment pour ton travail ?

—J’avais posé une semaine de congés, cela tombe plutôt bien. N’appelle pas, tu pourrais le faire fuir.

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