~36~
( Rolf )
Je ne suis pas très loquace mais je ne m’attendais pas à ce genre d’informations. Certains de mes amis ont subi des réactions violentes de la part de leur proches. Mes parents ne sont pas plus cools que les autres, ils se moquent royalement de ma vie. Plusieurs de mes potes me plaignent de ce manque. Moi, pas le moins du monde. Ce que je suis ne leur convient pas, je n’ai pas à m’adapter à leur choix. Afin d’éviter tout conflit, je suis parti de la maison. Certes, cela a nécessité des sacrifices mais je ne regrette rien.
— Je t’ai perdu ? questionne Ivan.
— Pas du tout. Misha possède quelque chose que ni toi ni moi n'avons. Il n’a jamais été seul. Ses parents, même s'ils sont parfois un peu intrusifs comme tu as pu le constater, n’ont jamais jugé ou condamné ce qu'il fait.
— Je ne vois pas le rapport, réplique-t-il.
— Un appartement indépendant, la nourriture quasi à volonté, cela ne motive pas l’émancipation.
— C’est certain mais n’empêche pas de faire des rencontres, ou au moins de les rechercher.
— Misha donne une impression d’assurance, de force. En réalité, il est effrayé.
( Misha)
A peine le temps de m’installer à mon bureau qu’un message arrive sur ma boîte mail. Je n’aime pas être esclave de ce genre de choses mais de manière générale, je regarde. Il s’agit d'un message de Josef qui souhaite que je le rappelle.
— Josef ? Que se passe-t-il ?
— Rien de grave, ne t’affole pas. Je me demandais si vous alliez revenir ici avec Ivan ?
— La journée d’hier a été difficile. Je lui en parlerai demain matin.
— Il est déjà couché ?
— Ça, je n’en sais rien. Découvrir les mots de sa sœur est éprouvant. Je crois qu'il avait besoin d’évacuer auprès de son meilleur ami.
Aucune réaction, Josef n’est pas du style à appeler sans raisons. Je tends le dos.
— Je n’ai pas eu l’occasion de te parler d’un truc. As-tu un peu de temps à m’accorder ?
— Bien entendu.
Il est très rare que Josef demande ce genre de choses. Qui refuserait de l’écouter ? Pas moi. Des trois personnes qui m’ont donné la possibilité de rester dans l’association malgré mon jeune âge, il est celui avec qui je me sens le plus à l’aise. Moins compliqué que Joachim, largement moins ambiguë que Mira, les discussions avec lui sont toujours passionnantes.
— Tu connais ma façon de procéder maintenant. Gérer les personnes qui arrivent me plait mais tenter d’améliorer leur parcours, si souvent chaotique, est important. Mes recherches mail m'ont ouvert des portes inattendues.
— J’ai des difficultés à comprendre pourquoi tu me dis tout cela.
— Je m’en doute. J’ai des contacts avec un groupe plus ou moins actif en Tchétchénie.
— Josef… En as-tu discuté avec Joachim ? Certains sont très proches du pouvoir politique. Il m’a fortement déconseillé lors de mes recherches concernant Irina de trop fouiller dans ce secteur.
— Et il a entièrement raison. Mon cas est légèrement différent. Le groupe œuvre pour faciliter le départ d’hommes et de femmes en danger de mort. Tu es suffisamment intelligent pour comprendre que partir ne constitue qu'une partie du problème. Faire en sorte de créer un chemin sûr entre les deux pays est le but de nos discussions.
— Et tu n’as pas trouvé le moment de m’en parler avant ?
— C’était bien trop flou pour cela. Et au moment où les lignes ont commencé à se mettre en place, tu n’étais pas en capacité d’entendre mes mots. Ceux d’Irina et la mission qu’elle t’avait confiée prenait toute la place.
— L’arrivée d’ Ivan est-elle ce qui a libéré tes doutes ?
— Ton intelligence me stupéfie, Misha.
— Ne joue pas à ce jeu avec moi dans ce cas. C’est Ivan que tu veux voir, pas moi.
— Les deux. Je vais partir une dizaine de jours dans son pays. Il a peut-être des personnes à qui il souhaiterait préciser qu'il est vivant !
— Je n’en sais rien. Tu ne préfères pas passer chez moi ?
— Je prends note de ta proposition et je m’en réjouis. Tu en discutes avec lui et tu me tiens au courant ?
Même pas le temps de dire quoique ce soit, il a déjà raccroché. Nerveux à l’idée de la discussion à venir et aux répercussions probables de celle-ci, j’entame machinalement des aller- retours dans la pièce. Mon esprit tente de formuler l’approche la plus facile quand, subitement, je réalise. Ivan ne désire peut-être pas prendre contact avec qui que ce soit. Je n'oublie pas ses remarques concernant la peur que son père le dénonce lui-même à la police. Certes, je doute qu'il soit recherché activement dans son pays. Il n’a rien d'un activiste. Son seul tort est d’aimer le mauvais sexe. Encore un passage qu'il découvrira dans un des carnets. Irina évoque l’arrestation d'un jeune. J’ai compris dans sa façon d’en parler qu'il devait être proche de Mikail et que c’était l’élément déclencheur de la fuite. Pas évident de réaliser que l’on torture encore des hommes pour cette raison. Savait-il que sa sœur détenait cette information ? Est-ce que cela pourrait le mettre à mal, cette fois aussi ?
Sentant la migraine pointer le bout du nez, je me dirige vers la cuisine pour avaler un cachet.
Dos à ma porte, en caleçon, Ivan boit au goulot. Le dos sans être exagérément musclé est malgré tout particulièrement agréable à regarder. Le fessier aussi sans parler des cuisses.
— Le spectacle te convient ?
Comment a-t-il senti que j'étais là ? Que dois-je faire alors qu'il vient de me surprendre en train de le mater en douce. Rolf éclaterait de rire d’avoir été surpris. Moi, comme un enfant qui s’est fait prendre la main dans le sac, je ferme les yeux.
— Je ne sais pas si c’est ton parfum ou le mélange de celui-ci et de l’odeur naturelle de ta peau mais il te précède à chacun de tes mouvements. Je ne voulais en aucun cas t’effrayer, Misha.
Sa main glisse sur ma joue. Doucement. Je sais qu'il me suffit de dire non pour qu'il stoppe tout mais je n’en ai pas envie.
— Il n’y a aucun mal à apprécier une silhouette. Même si celle de Rolf est largement plus attrayante que la mienne, non ?
Sa main n’effleure plus ma joue mais, son souffle continue de glisser sur ma peau. Attend-il une réponse de ma part ?
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