~34~

(Sam)

Les jours passent et Ivan donne très peu de nouvelles. Mon impatience fait rire Romain.

— Il est malin, le bougre. Il a retenu la leçon, il ne te laisse pas sans nouvelles mais celles-ci sont si brèves que tu es encore plus frustré.

—Et toi, cela te fait rire !

— Oui, mon coeur. S’il allait mal, tu l’aurais déjà ressenti. Ne me dit pas le contraire, il parle peu mais il est très loin d’être mutique. Quoiqu'il soit en train de découvrir avec Misha, cela ne le brise pas. Laisse-lui le temps nécessaire pour faire le deuil de sa sœur. Nous savons tous les deux que dès qu'il s’en sentira capable il t’en parlera. Ou te donnera la possibilité de lire les cahiers. 

— Je n’en suis pas si certain. Il faudrait déjà qu'il revienne !

— Là,  tu es injuste. Même si les mots de sa sœur le font souffrir, la compagnie de Misha semble lui convenir. As-tu déjà croisé quelqu'un d’autres que nous et Stefan autour de lui ?

— Non. À vrai dire, je n’avais pas songé à une semblable relation. Avec Misha ?

— Il me semble qu'il est pourvu de tout ce qu'il faut pour attirer l’attention, non ?

Tout son visage sourit en découvrant ma réaction. 

— Quoi ? Tu n’as pas envisagé qu'il pourrait convenir à Ivan ? Ne va pas me dire qu'il te semble trop jeune ? 

—L’âge, non. Ivan n’est pas un vieillard. Par contre, sans être snob ou quoique ce soit, Misha ne vit pas dans le même milieu.

— Crois-tu que cela puisse être un problème ? Ivan est un ours, mais il est très cultivé. Et quoiqu'il en soit, cela n’empêche aucunement un peu de sexe ! 

(Ivan )

À quoi pense-t-il ? A-t-il remarqué que je ne parlais plus ? Ses pensées semblent le transporter dans un lieu plaisant vu la taille de son sourire. 

— Misha ? 

Il secoue la tête en me voyant le dévisager. Ses joues se teintent d'un joli rose. 

— Et bien, je ne sais quelles étaient tes pensées mais visiblement elles étaient attrayantes, m’esclaffé-je. D’ailleurs, j’ai une question. Si tu ne souhaites pas y répondre, cela ne posera aucun problème.

—Je pense que j’en connais la teneur. Mon orientation sexuelle, c’est cela ? En toute logique, si mes pensées étaient homophobes,  j'aurais eu, il me semble, des difficultés à accepter de partir à ta recherche ! 

— Pourquoi cela ? La mission confiée par Irina consistait à me trouver afin de me remettre les cahiers. Il n'est pas utile pour cela d’adhérer à mes choix ! 

— Certes. Pour autant, même si ton homosexualité n’est pas le thème principal des cahiers, il est difficile de passer à côté…

Il continue à parler sans répondre à la question. Dois-je la formuler clairement ? 

— Misha. Arrête de bavasser. Aimes-tu les hommes ? Voilà clairement ma question.

— Je l’avais comprise. Mais je ne sais pas y répondre. Je ne  ressens aucun attrait pour les filles alors que je trouve un corps d’homme largement plus agréable à regarder. Mais...je n’ai jamais...comment dire ?

— Concrétiser ? 

Cette fois, la couleur de ses joues est passée au rouge. Veut-il vraiment dire qu'il n’a jamais osé ? Avec un ami aussi extraverti que Rolf ?

—Tu te doutes que je sors peu en dehors de l’université, explique-t-il.

— N’y-a-t-il justement pas, dans ce lieu, tous les choix nécessaires ?  Ou n'oses-tu pas regarder ?  

— Et cela me donnerait quoi d’en trouver un à mon goût ? 

— Tu te moques de moi, c’est cela ? 

Son silence répond pour lui. Je lui attrape la main et l’entraîne avec moi dans ma chambre. Il s’y trouve un gigantesque miroir que j’évite de regarder depuis que je suis arrivé. J’ai toujours détesté mon image. Je m’installe à sa droite.

—Je peux te parier que sur le campus, certains seraient prêts à te suivre. Nous avons à peu près  la même taille mais avoue que c’est incomparable, dis-je en lui montrant son reflet. 

— Ce n’est pas mon opinion. Tu as un corps d’homme. Le mien est celui d'un petit garçon. 

—Je m’approche lentement des quarante ans, et je n’ai pas vraiment ménagé mon corps. 

( Misha )

Est-il en train de comparer nos deux silhouettes ? Sérieusement ? Même s'il n’ a, comme il le dit, pas ménagé son corps, je le trouve, moi,  plutôt à mon goût. 

— C’est exactement ce que je disais. Ton corps est à ton image. Il porte des marques de ton existence. 

— Et tu trouves ça beau, toi les cicatrices ? 

— Ce n’est pas une question de beauté, Ivan ! Le mien ne porte aucune trace. Pas une seule petite cicatrice en vingt-sept ans. 

— Et ? En quoi cela est grave ? As-tu peur que l’on ne puisse pas t'identifier s'il t’arrivait quelque chose, se  moque-t-il.

Que répondre à cela. Comment lui expliquer cette sensation que j’ai au quotidien. Celle de vivre dans un autre monde. J’aime étudier, c’est une évidence. Les personnes autour de moi, lorsque je suis à l’université, ne m’intéressent pas. J’y suis pour apprendre, pas pour faire connaissance, encore moins pour draguer.

—Rolf est à la fac, non ?

— Plus depuis cette année mais de toute façon, s’asseoir à ses côtés impliquait d’écouter chacune de ses remarques !  

—J'imagine que lui n’avait aucune difficulté pour trouver des partenaires ! 

—Vous avez parlé de cela !?

— Pas besoin. Ses yeux le faisaient à sa place ! 

— Il a osé ? 

—Non. Mais son regard  était clairement explicite, réplique-t-il amusé. 

—Tu l'aurais laissé faire ? 

Depuis quand j'ose poser ce genre de question ? 

—Me draguer ? Ce n’est pas si désagréable mais cela m’arrive très rarement. Tu as déjà été dans cette situation, non ?

Justement non, jamais mais je n’oserai pas avouer une telle chose. Hocher la tête devrait suffire à le satisfaire. 

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