~33-

( Misha) 

Ivan s'est levé brusquement, faisant tomber sa chaise. 

— Pourquoi, s'il espérait recevoir mon témoignage, ne m'ont-ils pas attendu ? 

Je sais qu'il a déjà deviné la réponse à sa question. Est-il prêt à l’entendre ? 

— Elle devait être mise à l’abri, c’est cela ? 

— L’approche de l’hiver rend les passages plus risqués. Les personnes “réservées “ et en partie payées doivent être récupérées. Le groupe de Piotr et Raspo n’a sûrement pas voulu prendre de risque.

[— Il est trop dangereux d’attendre ici. L’homme qui a payé pour toi vient d’arriver. 

— Et vous ne l'arrêtez pas ?

— Ce n’est pas notre travail, jeune fille. Mais, crois-moi, celui-ci  finira en prison. Notre travail se fait en amont, grâce à des personnes qui repèrent les tractations, les dénoncent. Parfois, comme pour toi, nous devons agir dans l'urgence. 

— Et je vais aller où ? Vous serez avec moi ?

— Nous ne te quittons pas jusqu'à l'arrivée de ton frère et d’Anzor. 

— Mais s'il arrive plus tôt pour je ne sais quelle raison, comment sera-t-il au courant que je suis dans le secteur ?

— Anzor est avec lui. Il va, en toute discrétion, faire en sorte que ton frère soit au courant. ]

(Ivan

À l’instant où j’entends ses mots, je comprends. Cette fois aussi, c’est de ma faute. Le verre que je viens de propulser au sol est un indicateur. En deux pas, ses bras me ceinturent. Je n’aurais jamais cru qu'il soit si fort.

— À ce rythme là,  tout ton argent va passer dans l’achat de verres neufs. N’espère même pas que je relâche mon étreinte dit-il alors que je fais tout pour prendre de l’espace. Explique-moi plutôt. 

— Dalibor n’arrivait pas à dissimuler sa colère. Même si, à aucun moment je n’ai imaginé ce qu'il avait trafiqué en amont concernant Irina, il était évident qu'il allait me le faire payer d'une manière ou d'une autre. C’est difficile ce que je vais dire mais, pour moi, Irina n’était plus de ce monde. En était-il responsable ? Je n’avais aucun moyen de le savoir mais une chose était sûre, Irina n’était pas partie de son propre chef. Comment aurais-je pu envisager qu’une sorte de commando était venue la récupérer ? Dalibor n’arrivait pas à contenir son impatience, ne tentait même plus de m’obliger à quoi que ce soit ! Mes nuits se résumaient à veiller le moindre de ses gestes.

— Et il n’a rien fait ? 

— Je ne lui ai pas laissé le temps. Dès la frontière franchie, j’ai pris la poudre d’escampette. J’avais réduit mes repas, réservant discrètement une partie de ma ration. Je voulais pouvoir me cacher quelques jours. J’ai tenu une semaine, mais j’ai sans doute raté toutes chances de retrouver Irina.

— Elle n’était pas sur place. Le risque était trop élevé, Piotr a pris la décision de la garder à l'abri. 

— Le salopard a-t-il été arrêté ? 

— Non. Ses ennemis, nombreux et pas moins dangereux que lui, l'ont exécuté quelques jours après l'arrivée de votre groupe. Cela a mis un chambard incroyable mais a permis d’en mettre quelques-uns en prison. 

— Dalibor ? 

— Non. A-t-il été averti ou a-t-il eu un coup de bol ? Aucune idée mais il a disparu. 

— J’espère qu'il a été tué. 

— Je te parle juste de cette période- là. Depuis il a peut-être été arrêté. J’ai quelques noms d’associations qui seraient peut-être capables de t’en dire  plus. 

— Irina est restée sous la protection de ces hommes ?

—Elle n’était pas très bavarde à ce sujet. Un homme la déposait et la récupérait à chaque fois. Il restait à l’écart tout à fait volontairement.

— Quand elle est tombée malade, vous ne l’avez pas fait hospitaliser ?

— Elle s’ y opposait. Ses poumons étaient pris…

(Misha) 

Nous en avions discuté avec Joachim. Pour lui, les poumons devaient être atteints depuis un long moment déjà. Le voyage et le manque de soins n’avait sûrement pas dû arranger les choses. Ivan est loin d’être idiot, inutile d’en rajouter.

— Penses-tu que, malgré ma fuite, ils accepteraient de me parler d’elle ?

— Ta fuite était normale. Un cruel manque d’anticipation de ma part. Te parachuter dans cet endroit sans l’évoquer auparavant était stupide. 

—Je ne t’en veux pas. J’ai pas mal erré dans des coins miséreux. La rencontre avec Stefan m’a évité pas mal de déboires. Ma propension à boire et fumer ne m'aurait pas donné un avenir en rose. Même si je ne sais pas qui la protégeait, savoir qu’elle n’était pas seule me rassure. Tu disais qu'elle s'occupait des autres. Avant de tomber malade ? 

—Elle n'aidait pas de cette façon-là. Ta sœur disposait d'une incroyable capacité d'écoute largement plus importante qu’un effort physique. En arrivant, parfois elle n'était pas seule et en un regard, je savais si je devais rester ou pas.

— Sans la voir ? 

— J’y retournais un peu plus tard. La plupart de ceux qui viennent veulent combler leur solitude. Aucune distribution de nourriture ou de vêtements, quelques soins parfois. Mais surtout, pour une grande partie d'entre eux, l'espoir que quelqu'un ait rencontré un des leurs. 

— C'est ce qu'elle faisait ? 

—Elle n'avait aucune photo de toi. Certains ont tenté de faire un dessin te représentant mais elle n'en était jamais satisfaite. 

—Je ne pense pas que j'aurais pu, moi non plus, la décrire. 

Je me gardais bien de commenter. Seuls les yeux noirs étaient leur point commun. Les pommettes hautes, le menton affirmé auraient pu lui donner un air austère mais malgré ses pupilles noires, son visage attirait le regard. Il était impossible de ne pas reconnaître le regard d’Irina dans le sien. Mais c’était la seule similitude. 

Je n’avais jamais détaillé le visage de sa sœur. Ma présence à ses côtés faisait partie de mon travail de bénévolat. A aucun moment, je ne l’avais regardé différemment. 

Mon attirance naturelle vers le sexe masculin y était aussi pour quelque chose. La relation que nous avions créé au fil du temps aussi. Ivan correspondait nettement plus à mes goûts. Sa taille assez proche de la mienne m’avait permis de le prendre contre moi deux fois. Son corps musclé sans excès ne me déplaisait pas. La nuit précédente, en rêve, j’avais goûté délicatement ses lèvres.







Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top