~31~

(Ivan)

Le silence accueille sa remarque. Que dire ? C'est exactement ce qu'il s'est produit. Au moment où il a croisé mon regard, il a su qui j'étais.

- J'avais tant de questions...Je l'ai cru encore vivante...

- J'imagine très bien. Le choc que vous avez dû ressentir tous les deux. Je ne suis pas du genre romantique mais malgre tout, faut reconnaitre, l'image est belle. Elle laisse un poing à Misha et il te retrouve grâce à ton poing à toi. Je peux te poser une question à son sujet ? Sa matière ? Ce n'est pas la même, hein ?

- Pour mes premiers essais, j'ai pris de la glaise mais je ne maîtrisais pas cette matière. Le cuir me correspondait plus.

Il me regarde, pensif.

-Tu peux me montrer à nouveau ta photo, s'il te plait ?

Il me suffit d'un seul mouvement du doigt pour la retrouver et lui mettre devant les yeux. Il fouille un moment dans son propre smartphone et au bout de quelques instants il s' exclame.

- Ça y est ! Il me rappelait quelque chose. Regarde. C'est le tien ou c'est un copieur ?

-C'est le mien avec la petite touche de Sam.

Le même regard surpris, suivi d'un grand sourire.

- Voilà ce qui se passe lorsque l'on ne fait aucune vraie présentation. Je suis fan depuis des années des expositions photos. J'en ai acheté quelques-unes de Sam, j'apprécie sa perception des choses.

- Il serait heureux d'entendre tes mots.

- Je ne dois pas être le seul à l'apprécier.

- Sam est un solitaire. Ses photos sont un prolongement de ses yeux. Romain, Chloé et moi, nous ne remarquons même plus le moment où lui voit !

( Misha )

Des gosses ! Mes parents sont des enfants. Le problème informatique n'était qu'une lamentable excuse. Je les ai découverts assis à la table. Ma mère se tordait les doigts comme quand quelque chose ne va pas. Inutile de jouer à celui qui n'a pas compris. Je m'installe en face d'eux et j'attends.

- Nous avons confiance en toi, tu le sais ...

- Mais quoi, papa ? Ivan est quelqu'un d'assez renfermé. Il n'est pas ici pour faire du tourisme. Découvrir le témoignage de sa soeur est très loin d'être une partie de plaisir...

- Et c'est pour cette raison que tu as besoin d'alcool ?

- J'aurais dû te le dire, avoué-je piteux comme un ado pris la main dans le sac. Je redoutais qu'il aille boire dehors !

- Es-tu en danger ?

- Mais non, voyons ! Qu'est-ce que vous êtes en train de vous faire comme film, là ? Vous connaissez mes règles concernant l'alcool !

- Justement. Tu as dérobé une bouteille, normalement tu en limites l'accès !

- Ivan n'est pas un étudiant, p'pa ! Ni un bois sans soif. Il avait besoin d'un remontant.

- Et Rolf, lui, peut le voir ?

- Mais que vous prend-il à m'espionner ainsi, m'ėnervé-je.

- Mets-toi à notre place, mon grand, réplique mon père. Cet homme, tu es sur sa trace depuis plus de trois ans. Nous sommes bien placés pour savoir à quel point le retrouver était important.

- Justement je l'ai retrouvé. Il est dans la maison, pour découvrir ce que sa sœur voulait qu'il lise.

- Tu ne pouvais pas lui envoyer ?

Il me serait facile d' expliquer les raisons de ma démarche. Je l'ai fait avec Sam et Stefan mais je doute que mes parents soient aussi compréhensifs. Je ne me suis pas ou peu confié concernant le témoignage d'Irina. Je pourrais facilement invoquer la notion de confidentialité. Même si aucun papier ou mot ne stipule quoique ce soit, Ivan peut utiliser les écrits de sa soeur pour déposer une plainte contre les passeurs. Mes parents me connaissent bien. Trop bien peut-être. Je redoute qu'ils aperçoivent ce que j'essaye de contrôler sans grand succès.

- Le témoignage de sa soeur est difficile. Je connais tous les passages qui pourraient le faire souffrir. Il me semblait inconcevable de ne pas être, en quelque sorte, le relais.

Je surprends un petit sourire chez mon père.

- Nous attendrons un peu, promis. Même si, et je pense que ta mère ressent la même chose, tu as aiguisé un peu plus notre curiosité.

- Alors, si cela ne vous dérange pas, je vais rentrer. Dès que je le sens prêt, je vous fais signe.

- Nous te faisons confiance. Dans la chambre froide, j'ai posé un sac, prends- le.

Je m'abstiens de lui signaler que nous n'avons même pas encore avaler la moitié du dernier sac. Deux bisous plus tard, je franchis le couloir qui donne chez moi. Des éclats de rire résonnent derrière la porte. Installés à la table, deux tasses fumantes devant eux, ils me regardent vider le sac dans le frigidaire.

- Misha n'a pas très loin à aller pour faire ses courses, explique Rolf.

- J'ai eu le plaisir d'y goûter hier. Des repas de cette qualité me conviendraient au quotidien, rétorque Ivan.

- Parfait. Je n'avais pas fait attention à l'heure. Rolf, cela te dit de rester manger avec nous ?

-N'espère pas un seul instant que je passe à côté des plats de ta mère. La mienne ne cuisine pas grand-chose et estime que ce n'est plus de sa responsabilité de me nourrir, commente Rolf. Tu te fais à manger, toi ?

- Rien de comparable avec ce que j'ai goûté. Je maîtrise la cuisson des oeufs, tout ce qui est à base de pâtes et de riz.

- C'est une base plutôt correcte, bravo, ajoute Rolf.

Et tout d'un coup, je remarque ce petit quelque chose, comme de la complicité , entre eux. L'effet ressenti a un petit goût de jalousie qui ne me plaît pas.

- Hey Misha, tu devineras jamais ! Je connaissais le poing d'Ivan avant toi. Certaines photos de Sam font parties de ma collection. Je suis fan de ce mec. Ivan, s'il vient te chercher, tu pourras me le présenter ?

- Je doute qu'il vienne, je suis capable de prendre l'avion ou le train comme un grand. Ne fais pas cette grimace, je n'ai pas un palace comme Misha mais vous serez l'un comme l'autre les bienvenus.














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