~17~
(Ivan)
Misha doit regretter, c’est certain. Je ne sais pas encore si j’ai pris la bonne décision. Sam, pourtant très adroit, n’est pas parvenu à me faire flancher. Il est évident que sa présence va me manquer, que les mots de ma sœur risquent de provoquer des réactions déconcertantes.
Sam a appuyé volontairement sur cette corde là pour me faire renoncer. Mais il ne sait pas à quel point le fait que je n’absorbe plus aucun alcool limite mes accès de violence. Plus une seule bagarre à mon actif, quelques mots plus forts parfois mais de moins en moins. La seule décompensation que je m’autorise pour reprendre mes esprits consiste à détruire à coups de pieds du mobilier. Les premiers essais avec mes poings étaient douloureux, m'empêchaient de m’évader grâce à mes sculptures et surtout alertaient un peu trop rapidement Stefan.
Dire que je suis certain de pouvoir me contenir face à Misha serait un gros mensonge. Lui seul connaît la force des mots d’Irina. Il estime qu'ils pourraient me blesser, je l’ai bien compris. Il n’a juste pas pris en considération l’homme que je suis devenu.
Mikail a très longtemps préféré se voiler la face, se penser plus malin que les autres. L’arrestation de Bachir lui a ouvert brusquement les yeux mais sans Aslan, aurait-il eu la force de partir ? Je ne le crois pas.
Notre fuite parce que c’est exactement ce que nous avons fait, Irina et moi, a révélé un nouvel être. Plus combatif, plus volontaire. Garder cette nouvelle identité était une façon de m'approprier ce nouveau moi.
(Sam)
—Non, je ne suis pas spécialement rassuré Stefan mais le Ivan qui se trouvait face à moi était déterminé.
—J’ai tenté une autre possibilité de mon côté en me proposant comme accompagnant. Ce jeune homme est examinateur. Je l’ai légèrement titillé sur sa corpulence afin de gérer le bulldozer Ivan, il a à peine cillé.
—Aucun de nous trois n’est capable de le stopper, lui faire entendre raison est plus facile. Et c’est sa force, Ivan ne pourra s’appuyer sur ses points faibles.
—Il le fait avec toi, aussi ?
—Bien entendu. C’est une méthode d'esquive diablement efficace. Es-tu le responsable de sa sobriété ?
—Non. Au fil du temps, j’ai compris qu'insister sur ce sujet est généralement contre productif. Ivan n'est pas démonstratif mais j’ai repéré les étapes classiques.
—Sans aucune aide ?
—Il possède assez de volonté en lui pour y arriver. Le fait de ne pas l’avoir crié sur tous les toits lui ressemble.
— Même s'il a décidé de me taire cette info, je suis fier de lui. Me parler de sa sœur et de Mikail ne lui aurait pas été possible avant sans l’appui d'un alcool fort.
—Je crois qu'il avait pris la décision de te raconter cette partie de sa vie. L’arrivée de Misha n’a été qu'une motivation supplémentaire.
( Misha )
Nous avons peu parlé durant le trajet, il était prostré dans le siège. Son regard noir, sa mine sombre a éliminé plus d'un volontaire pour les deux places à nos côtés. Nos deux sacs ne nécessitant pas de gros efforts, j’ai pris la décision de faire le trajet à pied.
—Il y a un petit quart d’heure de marche et nous y sommes, précisé-je, espérant engager une conversation.
Un petit sourire et d'un geste assuré, un paquet de cigarettes apparaît.
—Y-a-t-il un buraliste dans ton quartier ?
—Je n’en suis pas certain. Je poserai la question à mon père, il est fumeur.
—J’en fume moins qu’avant mais elles m’aident à gérer le stress. La découverte des mots d’Irina…
—Tu pourras fumer. Certains de mes amis ont le même vice et ils sont autorisés à fumer. Il en sera de même pour toi.
J’espérais une petite boutade mais seul, à nouveau, le silence reprend.
Devant la porte, imposante pièce sculptée, il se fige. Sa main effleure la matière.
—Tu souhaitais me faire la surprise ?
—Honnêtement ? J'ai toujours vécu ici. Je ne la vois plus. Préciser que la totalité de la bâtisse date de deux siècles, je redoutais une fuite de ta part.
—À cause d'une porte ?
Je ne peux m'empêcher de remarquer son sourire. Il me pousse dans mes retranchements et j'avoue apprécier ce côté provocateur.
—Mon mode de vie est différent du tien. Sans l’avoir précisé, tu as compris que je suis loin d’être malheureux. Le dire peut être ressenti comme de la prétention, alors je me tais.
—Comment je pourrais te juger alors que tu as été auprès de ma sœur. Ce n’est pas ta richesse qui t'y a mené.
Je ne commente pas me contentant d’ouvrir la porte qu'il touche, une fois encore, du bout des doigts en passant. Au fond de moi, je souris, il entre dans mon monde. Je savoure l’instant.
—J’avoue que c’est inattendu, s’exclame-t-il !
—A ma majorité, mes parents m’ont proposé de m’installer dans l’aile ouest comme on l’appelle. Aucun loyer à payer, une proximité sans réelles interférences, j’ai accepté. Fils unique, l’idée de m’éloigner d’eux me semblait inenvisageable. Il restait à faire en sorte de la mettre à mon goût. Tous les murs non indispensables avaient été abattus afin de créer de grands espaces. Côté rue, il est impossible de repérer quoique ce soit. Du côté jardin à gauche et au fond de la maison, beaucoup d’espaces ouverts ou vitrés ont été créés modifiant complètement l’image de bâtisse ancienne de la façade.
—Belle idée. Bravo l'architecte, c'est très réussi.
—Un ami attentif à mes idées a dessiné le plan validé par un architecte.
—Cela a dû chiffrer !
—J'ai financé la moitié du coût des matériaux, mes parents ont financé celui de la main d'œuvre.
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