Chapitre 8 : Le parapluie et les parents Holmes
Chapitre 8. Le parapluie et les parents Holmes
-3h30 PM, campagne londonienne-
Le voyage démontra à Lestrade que ses craintes étaient tout à fait justifiées. Jamais il n'avait connu trajet plus lourd. Lui et Mycroft – son parapluie sur les genoux – n'avait rien à se dire. Il aurait sûrement été préférable qu'ils se taisent tous les deux, mais comme le silence se faisait pesant, le politicien avait crut bon de demander des banalités à Gregory qui répondait par des réponses déjà toutes faites.
Ce fut un soulagement pour le policier quand l'hélicoptère se posa enfin dans un champs non-loin d'où habitaient les parents Holmes. Ils marchèrent jusqu'à la petite maison campagnarde avec leurs valises. Lestrade retint son souffle, s'attendant à tout et n'importe quoi. Il eut la surprise de sa vie quand un homme à la chevelure grisonnante, mais toujours épaisse ainsi qu'un femme à la tête blanche portant une tunique rose les accueillirent avec de grands sourires : ils semblaient parfaitement... normaux. Un sacré choc pour Gregory qui s'attendait à fêter le nouvel an entouré d'hurluberlus.
-Mycroft!
La femme tira la joue de son fils aîné et l'embrassa chaudement.
-Mère, le réprima son fils, j'ai un invité.
Elle posa alors son regard sur Gregory qui se sentit rosir de l'intérieur.
-Eh bien, avec Sherlock et John qui sont déjà là, tu viennes d'anéantir à néant toutes mes chances d'être un jour grand-mère, Myc!
Le surnom de Mycroft donné par sa mère fit naître un sourire aux commissures des lèvres de Lestrade. C'était rare que quelqu'un se permettait ce genre de familiarité avec le politicien. D'ailleurs, ce dernier ne semblait pas apprécier.
-Mon nom de baptême est Mycroft, pourrais-tu faire l'effort de le prononcer au complet?
L'intéressée ignora promptement l'accent hautain de son fils et serra la main de Gregory.
-Bienvenue dans la famille. Vous êtes?
-Gregory, Gregory Lestrade, répondit-il, mais je ne suis pas avec votre...
Mycroft le coupa juste au moment où il allait dire qu'ils n'étaient pas un couple.
-Je sens une odeur de rôtie, as-tu commencer la cuisine?
-Il le faut bien si nous voulons manger un jour! Viens donc m'aider à éplucher les pommes de terre! Quant à vous, Gregory, mon mari va vous montrer votre chambre.
L'homme qui était jusque là semblé silencieux lui ravit sa valise des mains et Gregory le suivit dans l'espoir de la récupérer avant qu'il fasse tout le trajet en la portant lui-même. Derrière, il entendit Mycroft se plaindre :
-Pourquoi donc est-ce que Sherlock ne t'aide pas? N'est-il pas arrivé avant moi?
-Si, justement et c'est une première, alors laisse donc ton frère se reposer un peu avec John.
Gregory était persuadé que si Sherlock et John étaient seuls dans une chambre, il pouvait être certain qu'ils faisaient bien autres choses que se reposer!
-Voilà votre chambre, Gregory.
-Appelez-moi juste Greg, s'il vous plaît.
Le policier entra dans la chambre qui lui était désigné en passant juste devant le père de Mycroft. Il se figea en apercevant le lit double. Visiblement, cette chambre n'était pas uniquement que pour lui.
-Quelque chose ne va pas?
Il s'empressa de secouer la tête.
-Non, affirma-t-il, rien du tout. Ce sera parfait. Merci.
Il s'efforça de sourire. L'homme posa la valise près de la porte et tourna les talons. Lestrade prit un moment pour se ressaisir, puis lui emboîta le pas. Il alla rejoindre Mycroft et sa mère qui préparait le repas dans la cuisine. Le politicien était en train d'écraser des patates pilées pendant que sa mère coupait des légumes.
-Alors, ce repas, ça avance? Demanda le père de Mycroft en reniflant par-dessus l'épaule de sa femme.
-Oh, toi, pas touche à la nourriture avant que ce ne soit servie!
Aussi étonnant que cela soit, les parents Holmes étaient le parfait exemple de la vie conjugale.
***
-4h00 PM, campagne londonienne-
Une demi-heure plus tard, la maison embaumait délicieusement.
-Sherlock, John, le souper est prêt!
Une porte grinça et le couple en sortit. Ils prirent tous place autour de la table et ce fut le souper le plus bizarre auquel Mycroft n'ait jamais pris part. Le regard de Sherlock sur lui était inquisiteur. Il plissait les yeux comme s'il tentait de voir en-travers de son âme.
-Passe-moi le sel, Mycroft.
Tout en disant cela, Sherlock ne décrochait pas son regard de lui. Lestrade avait envie de se rouler en petite boule sous la table et de disparaître. L'atmosphère était tellement tendue... pourtant les parents Holmes semblaient faire comme si tout était normal. Ils devaient y être habitués.
Mycroft passa le sel d'un mouvement brusque à son frère qui s'en servit prestement.
-Mère, pourquoi doit-on passer le nouvel an en famille? Nous ne le faisons jamais, se plaignit l'aîné.
-Parce que c'est la première fois que toi et ton frère ramenez un petit copain à la maison et que nous en sommes tous très content.
-Je suis content moi aussi pour Sherlock? Désolé, je ne me rend pas compte...
Cette réplique lui valut des gros yeux de la part de sa mère. Et l'ambiance fut la même pour tout le repas jusqu'au dessert, car c'est à ce moment-là que Sherlock décida de faire passer un interrogatoire à Gregory pour confirmer les théories que son cerveau prodigieux avait soigneusement élaborées.
-Alors, Lestrade, vous habitez chez Mycroft?
-Il m'héberge pendant que ma maison subit des rénovations, oui.
-Rien de plus?
Son regard se fit plus perçant. Greg déglutit.
-Non.
-Suffit, Sherlock!
C'était la voix de Mycroft qui avait résonné fortement dans toute la maisonnée.
-Gregory n'a pas besoin de subir toutes tes questions. Nous sommes le 31 décembre, soit un peu complaisant.
-Écoute ton frère, Sherlock, il a bien raison, fit la mère Holmes, je ne veux pas d'interrogatoire de police sous mon toit en ce temps de festivités!
Les lèvres de Sherlock se plissèrent et il se renfonça dans sa chaise.
-Des festivités, répéta-t-il avec amertume, il n'y a même pas de neige dehors!
C'était bien vrai, la fine couche de givre avait toute fondue durant l'après-midi. Cela n'empêchait pas un vent frais de sévir à l'extérieur, cependant.
John posa une main discrète sur la cuisse du détective consultant et lui murmura quelque chose à l'oreille. Quoique cela soit, cela calma Sherlock qui se tint calme tout le reste du repas.
Finalement, après le dessert, Mycroft se leva.
-Sherlock, si tu veux tant savoir sur ma vie privée, vient donc dehors, j'ai à te parler.
Comme les parents Holmes avaient chassé John et Gregory de la cuisine alors qu'ils se proposaient d'aider à faire la vaisselle, les deux jeunes hommes se retrouvèrent seuls. John offrit au policier de prendre un verre, ce qu'il accepta gaiement. Parler avec quelqu'un de normal lui ferait le plus grand bien en ce moment.
-Alors, il se passe quoi entre vous et Mycroft? Demanda John en lui tendant un verre de boisson.
Lestrade prit une gorgée.
-Il ne se passe rien.
-Arrêtez, vous ne trompez personne avec ces conneries. Du moins, vous n'arrivez même pas à tromper Sherlock et, pourtant, il n'y connaît rien en sentiments amoureux.
-Vous êtes avec lui, non? Il doit bien y connaître quelque chose, alors...
-Tout ce que Sherlock sait, il l'a lu dans les livres.
John marqua une pause, puis rajouta :
-Comme Mycroft, je suppose.
-Il classe ses livres par ordre alphabétique, genre et auteurs..., soupira Lestrade avec un petit sourire, alors qu'il se remémorait ce petit détail de sa vie chez l'aîné des Holmes. Ce que je veux dire, c'est qu'il est un maniaque de l'ordre et de la propreté.
-Tout le contraire de Sherlock.
L'appartement était toujours en désordre et si John voulait vivre dans un environnement un tant soit peu sain, il devait tout ramasser lui-même et passer derrière le détective.
-Il veut toujours tout contrôler. Les caméras de surveillance de Londres se tournent sur mon passage et je vois des berlines noires à tout les coins de rues! Je vais devenir fou si les choses continuent ainsi!
-Vous devriez lui dire si cela vous embête.
-Impossible. Il trouverait une raison et me forcerait à plier à sa volonté. Encore une fois... Il ne me laisse absolument pas le choix de tout accepter!
-Peut-être que si vous acceptez tout sans rien dire, c'est que, quelque part, vous appréciez tous ces ordres et cette sécurité qu'il vous apporte. Vous passez votre vie à traquer les pires criminels qui soient, ça doit faire du bien de se sentir à l'abri, pour une fois.
Lestrade leva les yeux.
-N'importe quoi.
Pourtant ce que disait John n'était pas fou, pas fou du tout... Il était juste trop aveugle pour le remarquer.
***
-5h30 PM, campagne londonienne-
Ils étaient sortis sur le devant de la maison.
-Tu veux une petite cigarette « d'après-manger ».
Mycroft plissa les yeux sur le joint que lui offrait son frère, mais il le prit après un moment. Sherlock lui offrit du feu et il porta la petite feuille roulée à ses lèvres. La première bouffée l'étouffa instantanément.
-Fais attention, elles ne sont pas pour les débutants.
-Je crois que ce n'est plus de mon âge.
Néanmoins, il en prit une deuxième bouffée qui passa un tantinet mieux que la première, même s'il avait toujours l'impression que sa gorge était en feu.
-Alors, de quoi voulais-tu me parler? Pas de Lestrade, je suppose... ce serait bien trop beau.
-Ne te mêle pas à L'Affaire Magnussen, déclara abruptement Mycroft, ferme.
-Et pourquoi ça? En terme de psychologie inversée, tu n'es pas très doué. Tu me donnes encore plus envie de m'y mêler.
-Je m'en occupe déjà.
-Il me semble que tu es encore plus occupé à conquérir Lestrade...
-Je suis un homme multi-tâches, Sherlock. Ta boîte de réception est pleine d'enquêtes potentielles. Choisis-en une et amène John avec toi, je ne veux pas de vous dans mes pattes.
-Mon Dieu, j'ai de plus en plus envie de creuser plus loin dans cette histoire.
-Je ne blague pas, Sherlock, cet homme est dangereux, reste-loin de ça. C'est à moi qu'il en veut, pas à toi. Tu m'obliges à le dire : je tiens à toi et je ne tiens pas à ce qu'il t'arrive quelque chose par ma faute. Mère et père en seraient dévastés.
Sherlock demeura bouche-bée pendant un certain temps. À chaque fois que Mycroft disait l'apprécier, il avait du mal à y croire. Il prit une bouffée de cigarette en fermant les yeux.
-Comment sais-tu que je m'intéresse à Magnussen?
-Les caméras de surveillance.
-J'aurais dû m'en douter.
-J'ai toujours été plus intelligent que toi, Sherlock, et je sais que tu as dis à John que tu prévoyais agir après le nouvel an simplement pour endormir mes soupçons et que, en vérité, tu prévois mettre ton plan d'attaque aujourd'hui. Mais je te le demande : ne gâche pas le nouvel an de nos parents. Tu ne voudrais tout de même pas gâcher leur retour de voyage d'Oklahoma.
Alors que Sherlock allait répondre, la porte de la maison s'ouvrit.
-Myc, Sherlock, êtes-vous en train de fumer? Cria la voix de leur mère.
Ils cachèrent instantanément l'élément incriminé derrière leur dos.
-Non, pas du tout!
-C'est Mycroft!
Leur mère les observa durant quelques secondes, perplexes, avant de refermer la porte. Mycroft écrasa sa cigarette sous son pied.
-J'y penserai, dit simplement Sherlock.
-Je ne te demande pas d'y penser, je te demande de ne pas le faire. Si tu refuses, je serai forcé de t'y obliger.
Un éclair de colère traversa le regard du cadet. La cigarette serrée entre ses lèvres, il attrapa le bras de son frangin et le lui retourna dans le dos avant de le plaquer fermement contre la petite clôture qui entourait la maison de leurs parents.
-Tu penses peut-être être le plus intelligent de nous deux, Mycroft, mais je suis le plus fort. Tu ne m'obligeras plus jamais à rien.
Les mois passés en prison où il avait rencontré son plus vil dragon, Feilong, lui étaient toujours restés en-travers de la gorge. Il tenait Mycroft seul responsable de son addiction.
L'aîné tenta de se défaire de la poigne de son frérot, mais au moindre mouvement, il se casserait le bras. Il se contenta de crisper la mâchoire.
-Des muscles sans le cerveau, ça ne sert à rien.
Sherlock accentua la pression sur son bras tordu et le plaqua plus ferment, le faisant grogner de douleur et lâcher le parapluie qu'il avait amené avec lui à l'extérieur.
-Ne me met pas en colère. Ta manière d'agir avec ceux que tu prétends aimer, ta manie du contrôle, elle rend les gens fous. Regarde ce qui est arrivé à Sherrinford, regarde ce qui est en train de m'arriver et, bientôt, tu entraîneras Lestrade dans le même schéma. Ne sois pas surpris s'il se sauve comme nous l'avons tous fait! Même les parents préfèrent partir en Amérique plutôt que de rester à Londres où ils seraient près de toi!
Il relâcha sèchement son frère qui se pencha pour ramasser son parapluie tout en époussetant son costume de sa main. Il tentait de ne pas le montrer, mais les mots de Sherlock l'avaient atteint directement au cœur. Il n'était pas sensé avoir d'émotions, mais pourtant...
-Je rentre, rajouta-t-il, nous devons toujours donner à mère son cadeau de Noël.
-Tu ne l,as pas oublié, tout de même?
-J'ai fais soixante boutiques pour le trouver. Il aurait été idiot de l'oublier.
Et même si Mycroft semblait le croire, il n'était pas si stupide que ça!
Sherlock disparut à l'intérieur – non sans avoir écrasé de son talon son mégot de cigarette histoire d'effacer toutes les preuves – et son frère resta un peu dehors encore. Il remit de l'ordre dans sa coiffure et reprit ses esprits. Si le détective disait vrai (même s'il n'y connaissait rien en relations amoureuses, Mycroft devait avouer que ça semblait bien aller entre lui et John), il n'allait pas tarder à perdre Lestrade et, ça, il ne l'accepterait pas. Lui et le policier allait devoir avoir une sacrée discussion ce soir. Il ne pourrait pas retenir Gregory chez-lui indéfiniment, peu importe à quel point il aimerait qu'il reste.
Il rentra à son tour.
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