Chapitre 4

Ses paupières s'ouvrirent lentement mais sûrement. Il se leva, trébucha sur ses vêtements de la veille, puis ouvrit les volets pour faire passer quelques brins de lumière. Il s'habilla pour le travail, prit un café – moins bon que celui qu'il venait de boire au Paradis – s'assit sur son sofa neuf qui lui avait coûté des mois d'économies. Oscar vint se réfugier, comme les dernières fois, sur les jambes de son maître.

— Ça fait du bien de te revoir, toi... Tu sais quoi ? Tu vas trouver ça méchant mais je vais t'enfermer dans l'appart aujourd'hui. Je veux pas te revoir comme hier... Enfin aujourd'hui... Bref, la dernière fois que je t'ai vu.

David mira l'horloge et remarqua qu'il était l'heure d'y aller. Ni trop tôt ni trop tard, pile ce qu'il fallait. Il déplaça Oscar, assez lentement pour que celui-ci ne daigne pas se réveiller, et partit de chez lui, en n'oubliant pas de fermer derrière lui.

Il dévala les escaliers le menant jusqu'en bas de l'immeuble gaiement : il allait pouvoir changer cette journée poussant au suicide ! Mais avant, David tâta ses poches de pantalons... il avait encore oublié ses clefs ? Rebroussant les quelques mètres qui le menaient en bas de l'immeuble, il actionna le bouton de l'interphone de sa voisine de palier, puis celui des deux coloc' à l'étage d'en dessous, puis à d'autres, dont David ignorait encore les noms. Personne ne lui ouvrit ; ils devaient tous être endormis ou déjà partis travailler. On dirait quand même que les cieux ont voulu me mettre des bâtons dans les roues, quoi que je fasse ! Bon, au pire, je demanderai à quelqu'un de m'ouvrir ce soir.

En réalité, ses clefs, il les avait juste fait tomber sur le trottoir et, en repassant, venait de les pousser du pied, sans faire exprès évidemment, dans les égouts.

Moins guilleret, le malchanceux alla à son travail. Il ne reçut que quelques gouttes d'un café brûlant – en voulant éviter celui qu'il s'était déjà reçu les deux dernières fois –, un chewing-gum douteux collé à sa semelle, une averse le mouillant de la tête aux pieds, et un chien un peu trop joyeux qui le renversa, ce qui fit que la tête de David heurta violemment le poteau qu'il venait de contourner avec fierté. Un énorme sourire, cependant, éclata sur son visage lorsque la voiture envoya l'eau du caniveau sur une autre personne.

En passant sur le chemin menant au bar, car une bonne boisson rafraîchissante n'est jamais de refus au mois de juillet, il hésita à acheter des fleurs, pour la femme de son ami. Ça lui fera plaisir, non ? Oui, mais elle n'est peut-être pas encore rentrée... Je vais l'appeler, ce sera plus sûr.

Assis, il alluma son portable et vit deux nouveaux messages de sa compagne. D'un esprit gourmet, il se réserva cette attention pour après, et appela rapidement cette amie pour lui donner ses condoléances.

— Je te remercie pour tout, c'est très aimable de m'avoir appelé. Il faudrait que l'on se revoie, un de ces jours...

— Je suis tout à fait d'accord, lui répondit-il avec le sourire. À un de ces jours, alors ?

Elle acquiesça, en remerciant une dernière fois avant d'éteindre. David prit une gorgée de bière et resta perplexe devant cet écran. Qu'allait lui dire ce message ? Bonne ou mauvaise nouvelle? Valait-il donc vraiment ouvrir ce message ou le laisser sans réponse ? Non, il fallait savoir de quoi il s'agissait... Il hésita puis se résolut à ne l'ouvrir que chez lui.

— Désolé madame Martin mais j'ai oublié mes clefs. Pouvez-vous m'ouvrir la porte... encore ?

— « Encore » ? Ha ha, vous avez dû rêver car c'est bien la première fois que vous me le demandez ! Bon, je vous laisse, bonne journée monsieur Pinard.

— Bonne journée, madame Martin...

Un grésillement se fit entendre et il put entrer dans son immeuble. À son palier, madame Martin l'avait attendu et l'avait félicité pour avoir achevé ces sept étages à pieds. Ils se redirent une deuxième salve de « bonne journée » avant qu'elle ne veuille fermer sa porte et rentrer chez elle.

Devant sa porte, David se sentit bête : il n'avait pas les clefs et avait, cette fois-ci, fermé à double tours. Il put même entendre les miaulement d'Oscar, à travers la porte.

— Oui, désolé mon petit, mais là je ne peux rien pour toi.

— Vous me parlez, monsieur Pinard ?

— Non, madame Martin, je parle à mon chat.

— D'accord, bonne journée monsieur Pi..

— Bonne journée, madame Martin.

En cherchant ses CHANCES, il trouva son portable et se rappela les mystérieux messages, qu'il ouvrit précipitamment.

           « David, je suis vraiment désolée de finir ces quatre ans de vie commune comme cela mais j'ai bien l'impression que c'est la seule option qu'il nous reste. Tu étais beaucoup trop « absent » depuis quelques temps... Je te souhaite quand même une bonne journée. Je passerai ce week-end pour tout mettre au clair. »

           « Tu as les coucous de Thaïs. »

David se posa contre la porte et se laissa tomber jusqu'au sol, non sans se cogner la tête – ce qui lui fit terriblement mal car ça l'avait frappé au même endroit que le poteau, quelques heures plus tôt. Il sortit les tickets.

J'ai vraiment voulu changer cette journée et me voilà dans le même état et au même point ! Plus de petite-amie, plus de meilleur ami... C'est même pire : je ne peux même plus rentrer dans mon appart ! Où veut me mener cette vie ?

Il déchira le ticket avec le cœur empli de haine et de colère envers le monde et les cieux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top