STELLAR III
Arwin avançait non sans appréhension. Elle pressentait intuitivement toute la distance que cette femme imposait.Jamais n'avait-elle consenti à échanger autrement que par questions directes ou indirectes. Au mieux quelques ordres afin de les escorter jusqu'au pays de Jun. Le tableau s'avérait splendide. La chute d'eau aux hauteurs vertigineuses s'écrasait dans un nuage liquide et mousseux des plus agréables. Le bruit régulier, envoûtant,des particules de la cascade lui arrivait aux oreilles malgré la distance ce qui attestait de la puissance du courant du fleuve les surplombant. Des tons azurins et dorés brillaient, créés par le reflet de la lumière sur le miroir d'eau... Le tout se voyait protégé par l'épais manteau émeraude de la forêt alentour. Cette harmonie pleine de noblesse trouvait son faîte en son centre. En effet, véritable déesse détachée du sort des mortels, Stellar toisait le firmament, fière, intègre, complète. Arwin trouvait en cette femme tout ce qu'elle aurait voulu être. En tous cas le découvrait-elle. Ajoutons à cela la couleur de sa peau et de ses yeux... Stellar incarnait tout son contraire. Mais Stellar, loin d'imaginer ce que pouvait ressentir cet enfant, se savait rattrapée par des souvenirs qu'elle avait jusque là enfoui au plus profond des méandres de sa mémoire.
En q uelques secondes elle se remémora tout. Oldon la vielle cité du commandement, le palais des Camélias, sa mère... Où se terraient la douce époque des jeux insouciants, des courses à travers le jardin des althéas, les parties de cache cache sous les rotondes princières. Elle revoyait la beauté légendaire de cette dame. Ses cheveux châtain tirant sur l'auburn flamboyant à la lumière, ces boucles splendides et volumineuses, ces yeux d'un bleu presque serti d'or. Son amour généreux et désintéressé... Serrant les poings sa rage la fit trembler. Puis sa propre mère, laquelle lui avait légué cette peau d'or brun et ces cheveux d'argent. Toujours accompagnait-elle la femme aux boucles abondantes. Que cette période lui semblait lointaine. D'ailleurs avait-elle jamais existé ?Un sourire tout de même lui échappa quand elle se remémora les nombreuses réunions avec dames de compagnie et autre « amies » de cours. Que de rires, que de tours espiègles,que de petites intrigues bienveillantes mais tordues... Et s'esclaffant tout finissait toujours par rentrer dans l'ordre. Qui était ce visage qui lui revenait malgré sa bonne humeur ? Ah oui... La reine-mère. Moins amène. Beaucoup moins drôle...Et comme si elle ne pouvait plus se mentir à elle-même, ou qu'elle devait s'éveiller de ce songe, elle respira plus rapidement. Son sang accélérait son pouls, circulant désormais à une vitesse anormalement soutenue. Ses tempes allaient éclater elle en aurait juré. Des flammes. Le bois qui cède crépitant et immonde. Les lames rougies d'hémoglobine, les tirs au sein du palais. Les enfants tentaient vainement de s'enfuir. Mère...Elle contemplait la dépouille de sa génitrice meurtrie et le visage déformé par l'angoisse : « Fuis Stellar ! Fuis aussi loin que tu le peux et ne te retourne jamais ! »Relevant les yeux la dame aux boucles splendides gisait elle aussi.Contre elle deux jeunes filles se perdaient dans des larmes inconsolables inutiles. Contre toute logique elle s'était rapprochée : « Venez ! Venez il faut fuir ! »Alors non sans geignements juvéniles elles l'avait suivie, évitant ainsi une mort certaine, terrées dans le jardin des roses. Les Chevaliers arrivèrent, mais trop tard. Elle ne gardait que des souvenirs assez flous de ce qu'il advint après ces événements tragiques. Il restait certain que sa vie avait basculé cette soirée quelques vingt années plus tôt. Inspirant profondément afin de chasser ses démons elle s'adressa à Arwin : « Que veux-tu ?» Cette dernière légèrement entamée parla tout de même :
- Je... Je viens vous voir. Vous restez toujours seule perdue dans vos pensée et...
- Et ?
- Non rien. Je... Je voulais vous remercier. Rien ne vous oblige à nous aider. Tenez c'est pour vous.
Stella r observa le présent. Une pierre violacée transparente, superbe.« Une améthyste... » Ce geste, cette attention la désarçonna. Les larmes lui montèrent mais elle les contint non sans se faire violence. Pourquoi cette fille l'émouvait-elle autant ? Pourquoi ce sentiment incontrôlable ? Que lui voulait-elle à la fin ? Stellar se retourna, fixant la cascade.« Laisse-moi veux-tu ? » Arwin acquiesça mais rajouta tout de même à l'attention de son interlocutrice :« Vous savez les dieux m'ont choisi pour accomplir cette quête. C'est la mission des deux élus de Sinorjieva que de trouver puis de guider les deux étoiles du changement. Mais dans ce périple dangereux des guerriers nous sont envoyés... Estfàn est le premier à nous avoir rejoint. Il est l'étoile du Nord. » La voix de la jeune fille avait mué elle en aurait donné sa parole. Plus mûre, plus profonde, étonnamment confiante. Comme si effectivement elle parlait au nom du ciel. « Malgré votre dilemme, dont j'ignore la source vous êtes encore là. Je ne sais si vous resterez mais... »Elle martela chaque syllabe avec un aplomb déraisonnable pour son âge : « L'étoile australe brille désormais d'un feu d'or... » Satisfaite elle se retourna elle aussi afin de rejoindre le chevet d'Estfàn. Lors qu'elle prenait congé Stellar nota que sa voix était redevenue celle d'une adolescente. Mais qui es-tu ?Toujours perdue dans la cascade Stellar ne serrait désormais plus les poings. La pierre d'améthyste à la main elle se demanda si finalement cette histoire d'étoile du Sud pouvait être plausible.Non,bien sûr que non...
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