NEIL II
Admirant les voûtes et les volutes toutes de pierre de la salle d'arme de l'Université militaire d'Ordia Neil ne pouvait s'empêcher de repenser à son entretien avec Cassandra. Princesse vous irez manifestement jusqu'au bout... Mais moi aussi ! Dans l'espace à l'odeur de sueur, de cuir, de bois et de calcaire tous se retournèrent quand le capitaine des faucons se leva de son siège. Tous connaissaient parfaitement son adresse à l'escrime. Cette dernière était légendaire au sein des rangs de l'armée victorienne. Pourtant un homme s'avança et pour tout échange lui proposa le salut d'escrime : « En garde ». Incrédule Neil dévisagea ce rival circonstanciel et rendit ce salut, épée droite et verticale, puis contre lui et enfin pointe vers le sol : « Ciel, homme, terre ! ». Ces mots prononcés, l'on eu dit que l'accélération de l'arme perçant le vide émettait un sifflement des plus stridents. La vélocité du corps de Neil attaquant sa cible, l'équilibre de sa posture, la fente des jambes et le parfait alignement de ses membres supérieurs rappelait le rapace qu'il incarnait pour tous : un faucon prenant son envol. Son adversaire para non sans mal mais avec une dextérité certaine. Il pivota et riposta. Une joute des plus agressives s'engagea. D'estoc en estoc les pointes de lame tentaient de pourlécher toute partie du corps des belligérants. La salle d'arme dans son entièreté se murait médusée devant tel spectacle. L'on connaissait Neil Highwind. Mais qui pouvait bien être son opposant ? Qui osait ainsi résister au faucon victorien ?
Ce dernier du reste ne baissait guère en régime et décida d'augmenter sensiblement sa pression. Obligeant son opposant à reculer au milieu de la salle. Ils empiétaient dés lors sur les couloirs des autres combat. Pourtant devant leur progression s'écartaient tous les autres combattants. Devinant un changement de rythme l'opposant s'engouffra et acier contre acier, lames vers les voûtes il lâcha : « Et bien cher Faucon est-ce là tout ce que vous valez? » Aucunement atteint ces mots n'avaient d'autre effet que d'exciter notre homme. Une excitation pourtant à l'image du rapace qui lui était associé : impassible et froide de rudesse. Les chuchotements se multipliaient. Derrière le masque impossible d'identifier celui qui tenait tête non sans panache au faucon. L'échange se précipita une fois, deux fois l'on eut dit que Neil serait touché. Pourtant à chaque occasion ce dernier esquivait l'attaque ennemie. Comme s'il glissait au plus près de la lame sans pour autant s'en laisser approcher jamais. Un art subtil, complexe et d'une élégance rare. D'admiration pour les deux escrimeurs des applaudissements commencèrent à fuser alentour. Puis d'un coup d'un seul l'homme au masque d'escrime piqua, piqua, et repiqua encore. Neil ne reconnaissait pas son opposant. Le style tantôt défensif se transformait, se rapprochant du sien propre. Tout le long son adversaire avait feint la difficulté afin de l'affadir dans une fatigue abrutissante.
Dès lors ce dernier devenait l'assaillant l'obligeant à reculer et démontrant ainsi des qualités tactiques et stratégiques hors pairs. Quel plaisir, quel bonheur ! Enfin un adversaire estimable, digne de respect et qui plus était palpable dans un duel ! Quelle chance ! L'expérience dure et pure du combat acharné. Voilà ce que Neil recherchait par dessus tout. Une forme rare de cliquetis métallique, emprunt d'étincelles et d'éclats lumineux apparut au milieu du fougueux échange de rapières. Puis Neil atteignit de sa pointe le casque. À ce moment précis une pirouette, un pas chassé arrière et l'adversaire revenait en garde plus agressif que jamais. L'on eut dit que ce n'était plus guère un escrimeur mais un danseur flottant sur le sol boisé. Alors que le souffle coupé l'assemblée attendait l'issue de ce match déchaîné l'homme masqué s'arrêta pourtant et baissant son arme retira son masque. Une abondante chevelure bouclée et or s'effondra. Il sembla pourtant à Neil que de cette toison dorée un reflet violacé auburn s'échappait. Qui était-elle ? Il s'osa à le lui demander. Un rire plein de chaleur s'échappa alors qu'elle tournait les talons prenant congé non sans allure au milieu de la foule d'escrimeurs agglutinés alentour rendant la scène plus incroyable encore. « Nous nous reverrons cher Neil Highwind ! Le Faucon Victorien ! »
Sous l'effet du choc, encore admiratif il tenta en vain de pénétrer la nuée de mains et d'épées le séparant de cette épéiste hors pair. Une fois dans l'antichambre de la salle d'arme plus personne. Diantre mais qui est elle bon sang ? Neil en resta là de ses préoccupations. Non loin pourtant s'abîmant sous les ombres de l'épais bois du parc de l'Université militaire Hope riait sous cape. Le faucon victorien avait-il seulement reconnu son style à l'épée ? Lui qui avait assisté impuissant à la chute de la Première princesse de l'Empire sur la plage de Kimoto... Rien n'était moins sûr tant Hope avait maquillé son art. Pourtant lorsque le chevalier avait augmenté son rythme et failli la toucher n'y prenant garde ses véritables réflexes avaient ressurgi. Raison pour laquelle j'ai du mettre fin à ce petit jeu imprévu. S'il savait... ! Un gloussement et la silhouette disparut. Désormais sous l'eau chaude d'une douche bien méritée Neil revivait son combat et ces sensations alimentaient encore cette certitude tenace : Il devait se mesurer aux plus grands et prendre le meilleur sur eux ! Il devait devenir le champion... Et pour cela il lui faudrait aux yeux de tous s'imposer face à Justice. S'imposer face à Saviour...
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