ESTFAN

Le Pays de Jun ! Enfin ils foulaient les terres ancestrales qui avaient reçu tous ces royaumes, tous ces hommes de guerre, toutes ces légendes ayant forgé la mentalité et les mœurs extrêmement structurés de ce pays admirable. Estfàn comme Stellar en avaient pleine conscience. La veille ils s'étaient séparés des anciens esclaves. Certains s'avéraient des natifs du Pays de Jun. Ils rejoindraient bien assez tôt leurs régions et leurs villages. Les autres avaient décidé de se débrouiller par eux-mêmes. Dés lors ils n'étaient plus en fuite car les lois de Demetharia n'avaient aucune prise dans le Jun. Ils avaient chaudement remercié nos amis, surtout Estfàn... « Tu portes en toi la marque des seigneurs. Ne te trahis jamais. Puisse-tu trouver ce que tu cherches ami. » Ainsi lui avait parlé le chef du groupe qui partait pour le Sud. Natif du Pacifique ce dernier décidait pourtant de ne pas les suivre et de tenter une nouvelle vie dans le Pays de Jun. Soit. Désormais Arwin, Anders, Stellar et Estfàn gagnaient la ville portuaire de Wantukwo. Cette dernière se voulait une place commerciale et stratégique extrêmement importante tant du point de vue militaire que politique. Un certain nombre des décisions concernant le futur des routes maritimes s'y voyaient prises. Et les routes commerciales maritimes restaient la chasse gardée des Magistères du Pacifique. Inutile de préciser donc l'effervescence et la tension palpables dans la ville depuis l'attaque de Kimôto. Grandes enseignes comme plus petites, guildes et petits négociants, tous subissaient les répercutions collatérales de cet événement désastreux. Nos amis purent tout de suite s'en rendre compte en pénétrant les ruelles pavées de la cité. Mais déjà il fallait trouver de quoi se loger et Stellar, rompue à ce genre d'exercice, dénicha avec une rapidité déconcertante une taverne tout à fait décente. Cette dernière possédait à l'arrière un jardin délicieux recevant un étang non moins ravissant. Ils pourraient se reposer avant de trouver un navire afin d'embarquer pour le Pacifique. Échangeant à mesure qu'ils quittaient les monts Heiwan, il avait été décidé malgré la relative sécurité qu'offrait le Pays de Jun, de rapidement épouser les eaux du Pacifique. Chiara s'avérait dangereuse et par trop vengeresse. Elle n'aurait de répit qu'une fois son ancien amant entre ses mains. « Non ! » Arwin s'était emportée. Elle n'accepterait jamais de perdre Estfàn. Il avait été envoyé. Il devait l'escorter.

Stellar ne savait pas très bien si Estfàn croyait aux délires mystiques d'Arwin mais une chose demeurait certaine il comptait réellement escorter cette dernière quoi qu'il advint. « Dans ces conditions le mieux est de rejoindre le Pacifique. Puis une fois sur l'archipel nous pourrons réfléchir à la marche à suivre. Je connais des gens là-bas et... » Estfàn l'avait alors coupée : « Et de là je partirai pour Elefteria. Je dois retrouver mon mentor. » Stellar n'avait guère cherché à plus se répandre. Arwin trouvait l'idée parfaite et Anders ne comptait guère. Elle avait décidé d'abonder dans leur sens le temps de trouver meilleure idée. Le repas avait été un véritable régal. Nouilles accompagnées des sauces les plus chamarrées, vermicelles en viandes et poissons, potages épicées. Ils n'avaient guère ainsi soupé depuis des lustres. Anders avait ravagé les plats, n'épargnant que les os et encore...Pendant tout le repas Arwin leur avait compté les légendes de Sinorjieva, l'histoire de ce pays des glaces extraordinaire. Elle avait également mis un point d'honneur à parfaire leur culture concernant la vie sous terre au sein de ces contrées où le froid n'admettait aucunement des hommes à la surface. Malgré son instinct méfiant voir rugueux, Stellar en fut extrêmement émue. Elle comprenait mieux la nature et la personnalité de cette jeune prêtresse, fille du grand nord. Estfàn quant à lui voyait ses certitudes concernant cette jeune fille s'affirmer de jours en jours.Tu es ma reine. Les heures passant les jumeaux finirent par prendre congé. Ils montèrent profiter d'un repos plus que mérité. Stellar partagea donc jusqu'à tard dans la nuit des verres avec l'héritier. Ce dernier prit le parti de se livrer également. Sa vie à Theves la ville des vents, le mensonge de son existence aux côtés de Chiara. Stellar paressait éberluée par ce qu'elle entendait. Puis il partagea également sa décision de ne plus jamais fuir, l'incompréhension prévisible de Chiara et sa rencontre avec les jumeaux chez les esclavagistes... « Quelle histoire. Je n'arrive pas à le croire. » Stellar but encore une gorgée de ce vin de riz. Le breuvage, traître et doux, descendait tout seul. Estfàn l'éprouva alors : « Et toi ? Comment se fait-il qu'un individu comme toi, un tireur d'élite si je ne me trompe, se prenne d'amitié pour nous ? Que cherches-tu ? » Stellar ne parut pas le moins du monde entamée. Au contraire rebut-elle calmement du vin : « Nous y voilà... »Jouant avec sa tasse elle faisait tournoyer le breuvage servi chaud :« A ton avis Estfàn ? Que faisais-je dans cette forêt quand je suis tombée sur votre groupe ? »

Il toucha machinalement sa nuque et crut sentir le tatouage dissimulé derrière sa chevelure épaisse : « Tu traquais les sernaïms je me trompe ? J'ai d'abord pensé que tu me suivais mais si c'était le cas, vu le carnage que tu as perpétré pour nous sauver, tu coûterais cher à ta commanditaire... » Il rit et avala tout de go sa tasse. Stellar sourit et avala de même. Se resservant elle murmura tout de même à son attention : « Nous sommes peut-être dans le Pays de Jun mais nous devrons faire preuve de la plus grande prudence. Tant que nous n'avons pas rejoint le Pacifique je ne nous considère pas sortis d'affaire. » Il se leva incertain. Le vin et la fatigue le faisaient quelque peu tanguer. Il exprima son assentiment et sortit afin de soulager sa vessie. « Tu es sûr ? Il y a des latrines à l'intérieur... » Il avait poliment refusé, manquant chavirer et arguant qu'il préférait de loin se vider dans la nature. Alors Stellar prit elle aussi congé lui souhaitant une nuit agréable : « Bonne nuit Estfàn l'héritier... » Il ricana : « Bonne nuit Stellar. Tu me raconteras ton passé la prochaine fois. » Peut-être oui... Sans doute. « Argghhhhh. » Le râle d'Estfàn exprimait un soulagement profond. Loin de simplement satisfaire son besoin physique ce dernier trahissait des jours et des jours de luttes, de fuites, de combats et de rebondissement. Ce repas, cet échange, ce vin... Il revivait. Arrangeant ses hardes il remonta son pantalon et alors qu'il contemplait les bambous dans lesquels il avait uriné une voix l'interpella dans son dos : « Absalon de Theves ? C'est toi ? » Se retournant il apprécia un groupe de soldats armés. Des natifs du Pays de Jun. La garde portuaire sans doute. Mettant main à la hanche il chercha son épée mais DarkPain demeurait pendue à sa chaise. Maudite boisson, il avait été bien naïf. Sortir désarmé... « Tu vas nous suivre gentiment. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais des gens puissants te recherchent. » Maudite Chiara. Son influence, et son argent certainement, le poursuivaient jusque dans le Jun !

Cherchant une échappatoire quatre hommes se ruèrent pourtant. Ils le maîtrisèrent facilement diminué qu'il était par l'ébriété. « Nous te ramenons alors silence ou nous te tuerons ! » Il se calma. Désolé il pensa à Arwin. Comment l'avait-on retrouvé ? Qui ? Rongeant son frein le voilà prisonnier désormais. Allait-il finir sa vie ainsi ? Esclave abject d'une femme folle de lui mais dont la cruauté n'avait d'égale que sa sadique noirceur. Alors qu'il disparaissait dans la nuit, amer et en proie à toutes sortes d'angoisses ses yeux croisèrent ceux d'un jeune homme désintéressé par son sort. Amusé même aurait-on dit. Anders mordait, comblé, dans des petits fruits rouges, juteux et poilus. Leur chair blanche dégoulinait le long de ses joues rondes. Sa bonhomie habituelle et ses mesures hypertrophiées lui donnaient un air lourd, débile. Mais pas son regard. Ses yeux profondément violacés exprimaient une sourde violence mêlée à une volonté ancienne et vengeresse. Estfàn l'appela dans la nuit, le suppliant de quérir de l'aide. Mais Anders continua à mâchouiller méchamment ses fruits en pénétrant son ancien sauveur de sa vue contentée. Estfàn crut discerner ce que ce regard signifiait : Ma sœur m'appartient. Ces yeux ingrats le fusillèrent jusqu'à ce qu'il disparût pour de bon. Puis comme si de rien n'était Anders regagna la Taverne. Il prit les affaires d'Estfàn, les monta sans bruits aucuns, les rangea méticuleusement puis se coucha satisfait. Un sentiment puissant de paix et une sérénité qu'il n'avait plus ressenties depuis Sinorjieva l'enveloppèrent. Peut-être même ne s'était-il jamais senti aussi bien à dire vrai... Se repliant sur lui-même, protégé par les couvertures, tel un nouveau-né, il enfonça son pouce au travers de sa bouche. Puis raclant férocement son palais suça violemment son large doigt épais...

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