ARWIN I

Il fallait se hâter. Chiara avait-elle sans doute payé d'autres mercenaires... Comment leur échapper si pour chaque prétexte ils s'arrêtaient ? Stellar se remettait difficilement de son entrevue avec Arwin. Cette dernière en plus de la bousculer semblait clairement l'avoir percée à jour. Et puis que signifiait ce ton ? La jeune fille s'exprimait telle une sorte d'oracle par certains moments. C'était à en perdre le souffle... Qui est-elle vraiment ? Et cette sombre histoire d'étoiles ? Décidément cela restait bien trop mystique pour Stellar, habituée à plus de bon sens, plus de méthode, plus de rigueur. Se frayant un chemin au travers d'un bosquet épais et riche de buissons elle s'arrêta derechef :« Halte ! » Le groupe concéda une pause. Devant elle s'épanouissait sur tout un vallon des arbres fruitiers divers. Plus loin encore une chaîne montagneuse en enfilade dont la roche s'avérait sculptée. L'on pouvait aisément reconnaître des silhouettes humaines gravées dans la roche. En se rapprochant ils découvrirent qu'il s'agissait de moines, les mains jointes, dans des attitudes méditatives. « Les monts Heiwan. » Le Pays de Jun se situait immédiatement après ces montagnes. Un soulagement grégaire les parcourra et certains se sautèrent dans les bras. Arwin se rapprocha, accompagnée par Nanook : « Merci... Merci pour tout. ». Stellar ne sut que répondre et improvisa une moue malhabile. Puis comme si le temps pressait plus dés lors, elle reprit la marche. Le bois aux tons multiples s'avéra plus important, plus dense qu'ils ne l'avaient imaginé. Ainsi ne gagnèrent-t-ils qu'assez tard le pied des monts Heiwan. Il faudrait y passer la nuit et aménager un camps. Ils commencent à avoir l'habitude, se surprit-elle à penser. À flanc de falaise un petit espace fit l'affaire. Protégé par un pêcher anormalement grand. La majorité démêlait le peu d'affaires qu'ils avaient pu emporter quand un air chanté à la volée les interpella. Surtout Stellar. 

« Olé,Olé, Olé, elle m'a oublié ! Olé, Olé,Olé que croit-elle cet-te traiiiinééééeee ! Olé, Olé, Olé...». Stellar n'eut guère le loisir de commenter la pertinence des mots florissant cette mélopée quand Nanook déboula, se jetant dans les bras du chanteur. Ce dernier s'était rapproché en un temps record. Stellar l'invectiva: « Qui êtes-vous ? » Ce dernier grimaça : « Dis-mois d'abord toi qui tu es ! » Il la raillait un peu comme le ferait un fou ou un débile. « Ahahahah....Heinnnnnnnnnnnnn ! » Il glapit encore quelques secondes, jouant avec l'infatigable ourson blanc, puis d'un coup changea. Ses traits étaient les mêmes mais sa physionomie, son langage corporel, tout s'était transformé : « Bon alors ? Vous restez là ou vous me suivez ? On va pas y passer la nuit ! » Stellar déconfite ne sut qu'articuler. Cependant Arwin, toujours vive, répondit : « Et bien nous allons vous emboîter le pas. Nous sommes aussi là pour cela. » La jeune sinovienne s'était encore une fois parée de cette gravité spirituelle dont elle faisait montre parfois. Veillant à ce que les hommes les plus alertes protègent le camp, Stellar escorta Arwin. Ils marchèrent peu. Et pourtant il lui sembla s'éloigner de façon appréciable. Un peu trop loin. Elle s'apprêtait à apostropher leur guide quand ce dernier se retourna, satisfait et souriant. Sa bouche en croissant de lune liait ses deux oreilles, dessinant ainsi un visage effrayant. Mais quel clown!  Stellar pestait intérieurement. Elle aurait dû être plus méfiante et ne pas accepter de s'éloigner. Déjà on la sollicitait. Leur guide simiesque se courba comme un valet et indiqua de sa main ouverte une direction. En s'approchant le temps sembla ne plus s'écouler normalement. Une aura imposante mais calme, pure, les enveloppa. Dans l'air elles perçurent une floraison d'humeurs et de saveurs contradictoires. Pourtant elles sentaient une bienveillance nuancée, emprunte de questionnements. 

Stellar remarqua que dans l'espace alentour des tons variés, nombreux, éclairaient la pénombre nocturne qui arrivait. Une voix sans âge glissa jusqu'à nos deux amies : « Avancez. N'ayez crainte... » S'exécutant elle purent découvrir un homme d'une quarantaine d'année, seul, la peau laiteuse et les yeux d'un noir profond. Sa chevelure d'encre lisse descendait jusque dans le bas de son dos. Il était bien fait mais mince. Une toge bleu ciel recouverte de mauve le protégeait du froid montagneux. Il cueillait avec bonne humeur des fruits. Les arbres se paraient de pêches de couleurs chaudes et plurielles. L'inconnu semblait de bonne humeur: « Voulez-vous de ces pêches ? Je viens tous les ans pendant le printemps cueillir les pêches des monts Heiwan. Saviez-vous qu'elles ont des propriétés curatives ? Et parmi tous ces fruits sauvages, ceux de ce verger sont les plus généreux. Quel heureux hasard de vous rencontrer... » Stellar se braqua et sur la défensive tira Arwin. Ce geste n'échappa guère à cet hôte des forces de la nature: « Allons allons. Détendons-nous. Qu'est ce qui vous amène ? L'on n'emprunte pas les chemins escarpés des monts Heiwan sans un but véritable. Il y a bien d'autres manières pour atteindre le Jun... » Sans que Stellar puisse l'en empêcher, Arwin confiante expliqua calmement l'objet de leur voyage. Leur emprisonnement, la fuite, l'acte héroïque d'Estfàn, celui de Stellar, Sinorjieva, la prophétie, tout. Elle omit néanmoins de livrer l'essentiel. Peut-être voulait-elle tester cet homme si particulier. Il posa son panier de fruits et marchant, sans cacher un plaisir méditatif évident, au travers des herbes bleutées du parterre de fleurs orangées il murmura à leur attention ces mots incroyable, parachevant le surnaturel de ce tableau saisonnier : « Je comprends. Donc vous voici à la merci de vauriens payés pour tuer, ou attraper votre compagnon. Lequel vous a très noblement délivrée vous et tous vos amis. » 

Il marcha encore puis dévisageant Stellar dit non sans malice : « Et vous ? Providentiellement vous les avez sauvé. Heureusement que vous vous promeniez dans ces noires forets... » Stellar n'étaient pas dupe, et lui non plus. Il marcha encore. « Savez-vous jeune enfant que c'est là le destin des sinoviens d'offrir leur futur afin de retrouver l'étoile du changement ? » Arwin ne laissa rien paraître mais elle reçut cette allusion comme un choc. Il poursuivit : « Il est cependant inhabituel qu'il y en ait deux. Cela trahit les questionnements exceptionnels de notre ère en déroute. Mais si tu es bien l'élue qui doit accompagner ces deux étoiles, tu ne dois pas être seule je me trompe ? » Arwin du choc passa à la consternation. Honteuse elle balbutia qu'effectivement son frère jumeau l'accompagnait. Elle s'emporta. D'où tenait-il ces informations ? Seuls les sinoviens à sa connaissance savaient que... « Et tu as beaucoup voyagé je suppose ? » Le ton se voulait sévère mais pas vindicatif. Elle avoua penaude que non. Il rit avec une bienveillance renouvelée : « Ton peuple n'est pas le seul à connaître la prophétie. Néanmoins il est le seul à devoir envoyer les élus qui guideront l'étoile... » Il se reprit : « Les étoiles du changement. Sombre destin que celui des enfants de Sinorjieva. » Un voile lui parcourut le visage et il sembla nager au travers d'une mélancolie extrême. Puis revenant à lui il leur ordonna : « Emmenez-moi votre ami. Emmenez-les tous. Vous devez vous reposer et manger. Ces fruits vous assurerons force et vitalité. Quand à cet Estfàn je vais le soigner. Mexus apporte moi mes effets ! » 


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