Chapitre 6 : Dernières mises au point

Le vendredi matin suivant, Tristan et Lou embarquèrent donc leurs valises à l'arrière du coupé sport du jeune homme. Devant la porte de leur immeuble, ils saluèrent ensuite Nora qui avait décidé de ne pas les accompagner.

- Tu es bien sûre que tu ne veux pas venir avec nous ?, insista une dernière fois Tristan.

- Oh oui !, répondit aussitôt sa cousine. Cette année, je fais l'impasse sur la fête de famille ! Je n'ai vraiment pas envie d'entendre à tout bout de champ que je suis la dernière à ne pas avoir trouvé chaussure à mon pied. J'imagine déjà tante Adélaïde et cousine Cécilia s'en donner à cœur joie de me faire passer pour une vieille fille aigrie. Avant, on était deux à supporter tout ça, mais maintenant que tu es en couple...

Elle ne put se retenir de rire tant la situation lui paraissait comique.

- Pas pour longtemps, je te rassure !, s'insurgea-t-il immédiatement.

- Deux semaines à faire semblant d'être amoureuse de toi, ce ne sera pas une partie de plaisir pour moi non plus, se vexa Lou, les bras croisés et les yeux lui lançant des éclairs.

Tristan souffla et embrassa sa cousine toujours hilare avant de s'installer au volant de sa voiture.

- Il faudra tout de même que vous fassiez des efforts tous les deux..., suggéra Nora à Lou après s'être un peu calmée, sinon personne ne va y croire.

- Je sais..., soupira celle-ci.

- Allez, c'est pas si terrible que ça. Tristan, c'est quelqu'un de bien quand on le connait un peu...

- Justement, moi, je ne le connais que trop bien, murmura son amie.

Lou finit par la saluer et alla s'installer sur le siège passager.

- Prête, « ma » princesse ?, l'interrogea son nouvel « amoureux ».

- Ne commence pas, Tristan, le prévint-elle en fronçant les sourcils.

- Il faut bien qu'on se mette dans l'ambiance, non ?

- On a une heure de route pour ça !

- Pfff, ça va pas être drôle avec une frigide comme toi.

- Frigide !? Retire immédiatement ce que tu viens de dire ! Tu ne me connais pas !

- Ok, ok, c'est bon..., souffla-t-il bruyamment. On ne va pas commencer à se disputer.

Un silence pesant s'installa dans l'habitacle, le temps pour Tristan d'extraire sa voiture des embouteillages matinaux de la ville. Lou se sentait mal à l'aise : elle ne s'était plus retrouvée seule avec lui depuis au moins huit ans et sa présence la perturbait plus que de raison. Elle se força à repenser au but de leur pacte et prit sur elle pour retrouver son calme. Quelques instants plus tard, elle déclara :

- On devrait peut-être se mettre d'accord sur ce qu'on va leur dire...

- Comment ça ?, demanda-t-il en détournant un instant son regard noisette vers elle.

- Ils vont sûrement nous poser des questions : depuis combien de temps on est ensemble ? Comment ça s'est passé ?

- Je n'avais pas pensé à ça, avoua Tristan. Une idée ?

- Peut-être... Comme tu n'es rentré que depuis quelques jours, je m'étais dit que tu aurais pu me contacter sur les réseaux sociaux après avoir appris ma rupture avec Marc... pour prendre de mes nouvelles, par exemple. Et, de fil en aiguille...

- On aurait fini par s'avouer qu'on s'aimait et depuis que je suis rentré, on file le parfait amour tous les deux dans mon petit appartement..., poursuivit-il.

- Quelque chose comme ça... Qu'est-ce que tu en penses ?

Tristan fit mine de réfléchir.

- Ouais, ça se tient... Au fait, depuis quand tu es séparée de cet idiot ? Que je sache un peu quand on a commencé à « discuter »...

- Mi-octobre, répondit Lou dans un murmure.

- Hein !? Ça veut dire que tu squattes ma chambre depuis presque deux mois ?!

- Je vais finir par trouver une solution, promit-elle en triturant le bord de sa jupe.

- J'espère bien !

- Est-ce que je peux te demander aussi autre chose ?

Lou était gênée, mais si elle voulait que tout se passe au mieux, elle devait le lui dire.

- Dis toujours..., se méfia-t-il.

- Pourrais-tu arrêter de m'appeler « princesse » ?

Il lui jeta un bref regard interrogateur.

- Ok, si tu veux, mais...

Au grand soulagement de Lou, ils furent interrompus par la sonnerie du téléphone qui résonna dans l'habitacle et elle ne dut pas fournir de plus amples explications. Sauvée par le gong ! Tristan enclencha le kit "mains libres" et la voix de Lucia retentit dans les baffles.

- Tu es sur haut-parleur, maman, la prévint-il.

- Oh, d'accord, répondit sa mère. Bonjour mon chéri, bonjour Lou.

- Bonjour Lucia, dit Lou.

- Tout va bien ?

- Oui, oui. Qu'est-ce qu'il se passe, maman ?

- Je vous appelle pour vous prévenir de vous rendre directement chez les parents de Lou. Vous dormirez là-bas.

- Quoi ?, s'étonna Tristan alors que Lou lui jetait un regard épouvanté.

Ils n'avaient pas du tout prévu ça ! Ça devait être chacun chez soi !

- L'oncle Tonio va prendre ta chambre. Il a réussi à se libérer pour la fête et je n'allais pas lui dire d'aller à l'hôtel puisque, de toute façon, tu peux dormir chez Lou. Donc tout est arrangé !

- Bon, euh... ok alors, dut-il reconnaitre pour ne pas se faire griller avant même d'arriver.

- J'étais sûre que ça n'allait pas vous déranger ! Au fait, vous n'avez pas oublié votre Covid Safe, n'est-ce pas ? Le traiteur doit le contrôler à l'entrée de la salle.

- Non, non, on n'a pas oublié.

- Très bien ! Alors, je vous attends cet après-midi pour m'aider à installer la décoration de Noël.

- Tu peux compter sur nous, répondit Tristan. A tout à l'heure !

Il raccrocha et soupira.

- Ne t'inquiète pas, le rassura immédiatement Lou. Il y a une chambre d'ami chez nous.

Trois quarts d'heure plus tard, ils se garaient dans la cour de la maison de maitre d'Agnès. C'était un beau bâtiment imposant fraichement repeint en blanc et qui attestait du passé aristocratique et de la richesse de ses propriétaires. Un escalier en pierre de taille menait au porche d'entrée tandis que s'étendait à l'arrière un parc arboré. Cette bâtisse était dans la famille depuis plusieurs générations.

Agnès descendit le perron pour venir les accueillir dès qu'ils eurent garé la voiture.

- Que je suis contente de vous avoir à la maison !, s'exclama-t-elle en serrant sa fille dans ses bras. Venez, les enfants, entrez vite, vous allez prendre froid !

Elle entraina Lou avec elle pendant que Tristan s'occupait des bagages en maugréant. Dans le hall, elles rejoignirent Jean qui semblait tout aussi heureux de la revoir. Après l'avoir salué, elle jeta un oeil attentif autour d'elle. Elle adorait cette sensation de revenir chez elle.

- Vous avez un peu changé la déco, non ?, demanda-t-elle en passa la main sur une commode de style nordique dont elle n'avait aucun souvenir.

- Oui, acquiesça son beau-père. Ta mère avait envie de renouveau.

Il passa un bras protecteur autour des frêles épaules d'Agnès qui lui sourit avec complicité. Lou les regarda, attendrie. Elle était toujours aussi contente de voir sa mère épanouie dans les bras de Jean.

Tristan interrompit ce doux moment en faisant son apparition et en déposant avec fracas ses deux grosses valises. Il semblait essoufflé et lui demanda d'un ton aigre :

- Où est-ce que je vous mets tout ça, princesse ?

Elle seule perçut sa rancune derrière le surnom qu'il avait utilisé.

- Je vous ai préparé ta chambre, Lou, intervint sa mère sans se rendre compte de la bombe qu'elle venait de lâcher.

La jeune femme jeta un regard affolé à son compagnon d'infortune qui le lui rendit aussitôt.

- Je peux me contenter de la chambre d'ami, vous savez, proposa-t-il immédiatement.

- Allons, comme si !, rit Agnès. Je sais bien que je suis de la vieille école, mais quand même. Je ne vais pas vous obliger à dormir dans deux chambres séparées !

- De toute façon, on fait des travaux de peinture dans la chambre d'amis, donc ça règle la question, conclut Jean. A moins que ça ne vous ennuie ?

- Non, non, pas du tout, répondirent en chœur les jeunes gens.

- Très bien, alors on vous laisse vous installer, et puis vous viendrez prendre un petit café dans le salon. Je veux tout savoir !, sourit la mère de Lou en lui faisant un clin d'oeil auquel elle répondit par un petit sourire crispé.

Ils les laissèrent seuls et montèrent leurs bagages à l'étage.

- Tu as mis des cailloux dans ta valise ou quoi ?, demanda un Tristan en haletant en arrivant en haut de la volée d'escaliers. Elle pèse une tonne !

- Pas du tout ! Il serait peut-être temps de te remettre au sport, "chéri", lui répliqua-t-elle du tac au tac, elle-même chargée d'un plus petit sac de voyage.

Alors qu'il manifestait son mécontentement par des râles incessants, Lou ouvrit la marche jusqu'au bout du couloir où se trouvait sa chambre d'adolescente. Alors qu'il y pénétrait, elle vit que Tristan observait l'intérieur avec curiosité. Il détailla les murs rose poudré et l'immense lit au pied duquel un coffre en bois peint en blanc était installé. Sur la droite, se trouvait une coiffeuse et la porte d'un dressing de petite taille. Une salle de douche attenante complétait le tout. Un véritable univers rose et féminin dans lequel il ne semblait pas très à l'aise. Et, il fallait bien l'avouer, c'était aussi très étrange pour elle de le voir aller et venir dans ses meubles d'adolescente.

- Maintenant, c'est moi qui vais squatter ta chambre, dit-il pour détendre l'atmosphère.

- Ne t'avise surtout pas d'aller fouiller dans mon tiroir à sous-vêtements !, le prévint-elle tout en commençant à installer ses robes dans le dressing pour les défroisser.

Il rit doucement avant de se râcler la gorge, gêné. Il déposa son chargement au pied du lit et leva la tête vers le poster qui était accroché juste au-dessus.

- Mat Pokora ? Vraiment ?, se moqua-t-il.

- C'était il y a longtemps... En tout cas, ce soir, tu dormiras par terre, décréta-t-elle. Hors de question de partager mon lit avec toi !

- Alors là, tu rêves !, répondit-il en se jetant sur ledit lit. On est un couple, « chérie ». Tu ne voudrais quand même pas que ton cher petit-ami dorme sur le sol dur et froid. Déjà que tu m'obliges à dormir sur le canapé à l'appartement...

Il ajouta à tout ça un regard de cocker censé la faire culpabiliser et il fallait bien avouer que ça marchait... un peu ! Pas question toutefois de lui laisser l'avantage. Une lueur de défi dans le regard, elle lui rétorqua :

- Ah, tu veux la jouer comme ça ? Très bien, tu peux utiliser le lit, mais je vais de ce pas à la remise chercher un sécateur !

Ahuri, Tristan se redressa vivement :

- Un sécateur ? Mais pourquoi faire ?

- Au cas où tu t'aviserais de profiter de la situation, "chéri" !, lui lança-t-elle en haussant les sourcils de manière subgestive.

Et elle claqua la porte, fière de sa répartie, laissant un Tristan bouche bée qui avait eu le réflexe de poser une main pour protéger ses bijoux de famille.

Derrière la porte fermée, elle s'arrêta et l'entendit éclater de rire, ce qui eut pour effet de la faire sourire à son tour. "Bien joué, se félicita-t-elle, qu'il se le tienne pour dit !"

Tout en empruntant l'escalier, elle prit un instant pour réfléchir à la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle et Tristan, dans la même chambre... à devoir partager le même lit... pendant plus d'une semaine... Mais dans quelle galère s'était-elle embarquée ?

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Pas de chance pour Tristan et Lou, n'est-ce pas ?

Selon vous, comment va se passer leur cohabitation ?

A très vite !

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