Chapitre 16 : ...un pas en arrière
Comme Peter se levait pour aller attendre son nouvel invité devant son ascenseur privé, Tristan glissa à l'oreille de Lou :
- Qu'est-ce que je t'avais dit...
Elle ne lui répondit pas, trop perturbée. Elle n'avait plus revu Marc depuis l'histoire dans ce bar et on peut dire que cette dernière rencontre lui avait plutôt laissé un goût amer. Le jeune homme les rejoignit bientôt, bien apprêté dans son costume gris anthracite et toujours aussi imbu de lui-même. Lou comprenait maintenant pourquoi son père l'adorait : ils se ressemblaient tellement ! « Et sur bien des points », pensa-t-elle, sarcastique.
- Marc, je te présente Tristan, le... hum... petit-ami de Louise.
- On s'est déjà rencontré, précisa Marc avec un dédain à peine voilé.
- En effet, lui répondit Tristan sur le même ton.
Il lui serra brièvement la main avant de se tourner vers elle avec plus d'émotion.
- Louise, comme je suis heureux de te voir, lui dit-il en la serrant dans ses bras pour lui faire la bise.
Elle se dégagea vivement, retenant une remarque bien sentie devant son père.
- C'est Lou, grommela Tristan à ses côtés.
En dehors de son père, Marc était le seul à l'appeler Louise. Il savait pertinemment qu'elle détestait ça, mais il n'en avait jamais tenu compte.
Il s'assit en face d'elle et Tristan lui agrippa doucement le genou pour lui prouver son soutien. Elle mit sa main sur la sienne en lui jetant un regard de gratitude. Elle fut d'autant plus satisfaite quand elle vit que ça ne plaisait pas à celui qui lui servait d'ex.
- Tristan était en train de me parler de ses nombreux reportages dans des pays étrangers..., commença son père.
- Tiens donc, attaqua directement Marc. Et ça marche bien ? Je veux dire... ça rapporte d'écrire des articles qui, il faut bien l'avouer, n'intéressent pas grand monde... ?
Elle sentit Tristan se raidir sous le coup bas, il devait bouillonner à l'intérieur. Elle resserra sa poigne sur sa main et le supplia du regard de ne pas faire un esclandre.
- Je gagne bien ma vie, si c'est ça la question, répliqua-t-il d'un ton sec.
- Alors comme ça, tu te promenais dans le quartier, comme par hasard, et tu t'es dit que tu allais venir dire bonjour à mon père ?, insinua Lou sournoisement pour mettre Marc mal à l'aise à son tour.
Elle le vit jeter un coup d'œil inquiet à Peter. Ils devaient comprendre qu'elle n'était pas dupe de la manœuvre et savait très bien où ils voulaient en venir.
- Je crois que ça ne sert à rien de faire semblant, décréta son père en riant doucement. Ma fille est trop intelligente pour se laisser berner.
Elle croisa les bras, attendant ce qui allait suivre.
- Ecoute, Louise, ton départ nous a beaucoup surpris..., commença son père.
- C'est vrai, renchérit Marc, tu es partie comme ça, sans raison. Imagine un peu les rumeurs qui circulent à ce sujet dans l'entreprise !
- Sérieusement ? Sans raison !?
Elle n'en revenait pas du culot de son ex. Toujours prêt à se faire passer pour la victime aux yeux de son père...
- Je ne veux pas me mêler de vos histoires de couple, coupa Peter. Mais tu dois comprendre que tu nous as mis dans une sale position. On a fini par prétexter une maladie pour justifier ton absence auprès des investisseurs !
Lou se sentit coupable ; son but n'avait jamais été de mettre son père en difficulté.
- J'ai expliqué à ton père à quel point tu avais été déçue de ne pas avoir le poste de directeur artistique, continua Marc, plus conciliant. Si c'est ce que tu veux pour revenir travailler, je te le laisse !
- Quoi ? Tu abandonnerais ce poste ? Pourquoi ?
- Allons, ma puce, reprit Peter, tu sais bien que je fais passer ton bonheur avant tout. Alors, j'ai proposé un compromis à Marc : je vais en faire un associé. C'est de toute façon ce qui était prévu après votre mariage.
Tristan, qui écoutait passivement jusque là, se redressa immédiatement.
- Mariage ?, demanda-t-il en les regardant tour à tour.
- Nous étions... enfin nous sommes toujours... fiancés... Le mariage est prévu en avril l'année prochaine. Louise ne t'en avait pas parlé ?
Lou lui jeta un regard noir avant de se retourner vers son compagnon.
- C'est vrai ça ?
- Oui, on devait l'annoncer pendant la soirée de Noël, lui expliqua-t-elle succinctement.
Elle baissa la tête en sentant le désarroi du jeune homme. Comment lui faire comprendre qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'aborder le sujet jusque là ?
- D'ailleurs, ce serait bien qu'on en parle, Louise, intervint Marc. Il y a des choses qui doivent être réglées...
Peter se leva alors et s'adressa à Tristan :
- Je crois que nous ferions bien de les laisser seuls, jeune homme. Ça nous permettra par la même occasion de faire plus ample connaissance, d'homme à homme.
Tristan se tourna vers elle. Il semblait hésiter. Elle le décida :
- Vas-y.
- Tu es sûre ?, demanda-t-il.
- Oui, ça va aller.
Elle essaya de lui sourire pour le rassurer et il quitta la pièce non sans un dernier regard d'avertissement à Marc.
- On va aller dans mon bureau, lui proposa son père.
Quand ils furent partis, elle prit une profonde aspiration pour affronter l'homme en face d'elle.
- Louise..., commença-t-il.
- C'est Lou, le coupa-t-elle sèchement.
- Ok... Lou..., continua-t-il en posant sa tasse fumante sur le plateau de la table basse en chêne massif. J'ai bien compris que j'avais merdé. Tu me l'as suffisamment fait payer en quittant la maison, mais pourquoi t'affiches-tu maintenant avec ce... cet... ?
- Il s'appelle Tristan.
- Ecoute, je comprends que tu veuilles me faire payer mon... écart de conduite. Et c'est bon, j'ai bien compris le message. Je...
- Toi, toi et toujours toi, hein ?, soupira la jeune fille. Tu t'es demandé un peu ce que moi je ressentais ? Mais non voyons, tu te sers des gens et tu te fiches de ce que tu leur fais subir.
- Ne dis pas ça, je t'assure que je m'en veux beaucoup ! Je ne recommencerais pas, c'est promis. Je veux que tu reviennes à la maison, Lou.
- Pourquoi ? Parce que notre mariage servira à l'entreprise ?
Marc secoua la tête d'un air vraiment navré. Il se leva et vint s'asseoir à côté d'elle. Il lui prit la main et la porta à sa bouche pour l'embrasser.
- Bien sûr que non ! Je tiens à toi, contrairement à ce que tu sembles penser.
- Alors pourquoi n'as-tu pas expliqué à mon père la véritable raison pour laquelle je suis partie ?
Il soupira.
- Tu as raison, je lui expliquerais tout, si tel est ton désir, ajouta-t-il d'un air si désespéré que la belle assurance de Lou commença à flancher.
- Tu lui dirais pour « Desire » et... tout le reste ? Vraiment ?
Il dut sentir qu'il commençait à gagner la partie car il s'approcha un peu plus près et se mit à caresser sa joue.
- Je suis prêt à tout pour te récupérer, ma chérie. Tu me manques tellement !
- Je... je ne sais pas quoi te dire... Il y a Tristan maintenant et...
- Je sais... mais ce n'est pas vraiment sérieux entre vous, si ? Tu ne vas pas balayer deux ans de vie commune pour une amourette avec un homme qui est à l'autre bout du monde la moitié du temps ! Je suis prêt à tout oublier si tu décides de revenir à la maison. Tu verras, je deviendrai un fiancé, et puis un mari exemplaire.
- Je ne sais pas quoi te dire, Marc. Tu me prends au dépourvu, là.
- Je sais, mais réfléchis-y, je suis sûr que tu prendras la bonne décision.
Au même moment, Tristan et son père sortirent du bureau et les surprirent. Elle vit son compagnon serrer la mâchoire en le voyant trop proche d'elle.
- On devrait y aller, dit-il sèchement.
- Oui, bien sûr, répondit-elle en se levant rapidement.
Ils récupérèrent leurs manteaux et saluèrent leur hôte.
- Réfléchis bien à ma proposition, ma puce, dit son père en l'embrassant. Ne gâche pas ton avenir sur un coup de tête.
- Ok, papa, merci.
Le voyage dans l'ascenseur se fit dans un silence religieux. Chacun d'eux semblait plongé dans ses réflexions.
Après un moment qui lui parut très long dans le silence pesant qui régnait dans la voiture, Tristan daigna finalement desserrer les dents quand elle lui demanda :
- Ça s'est bien passé avec mon père ?
- On va dire ça.
- Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
- Je préfère ne pas en parler, répondit-il laconiquement.
Lou supposa que la discussion n'avait pas dû être des plus agréables. Peter espère sans doute que leur histoire ne durera pas...
- Et de ton côté ? Il me semble que ça a été avec Marc, énonça-t-il amèrement. Vous aviez l'air très proches...
- Je... oui, on a discuté, dit-elle prudemment.
- Discuté...
- Il m'a demandé de lui pardonner et de revenir à la maison, avoua-t-elle finalement.
- Et qu'est-ce que tu lui as répondu ?
- Que j'allais y réfléchir.
Elle préférait être sincère et ne pas le lui cacher.
- Il ne faut surtout pas te gêner pour moi, ironisa-t-il.
- Arrête, Tristan...
Mais il continua avec amertume :
- Après tout, « nous », ça n'existe pas vraiment, n'est-ce pas ?
Elle eut l'impression d'un coup qu'il lui envoyait dans l'estomac tant sa remarque la blessa. Mais hors de question de lui montrer à quel point elle était touchée.
- Si tu le dis !, répliqua-t-elle alors.
- Vivement que tout ça soit terminé ! C'était vraiment un plan à la con !
- Tu sais quoi ?, s'énerva-t-elle. Rien ne t'oblige à continuer si tu as envie de partir ! Je ne te retiens pas !
- C'est comme ça que tu le prends ? Très bien. Je vais te laisser chez tes parents et aller dormir chez les miens. Tu pourras ainsi « réfléchir » tranquillement !
- On fait comme ça !, rétorqua-t-elle en croisant les bras.
Tristan la déposa donc chez sa mère avant de partir comme une furie. Quand il fut hors de vue, elle eut un pincement au cœur. Elle y avait cru le temps d'une journée. Mais Marc avait raison : il n'y avait rien de sérieux entre eux. Leur « relation » découlait d'un mensonge.
Elle se dirigea vers le perron et rentra tristement chez elle.
Et si Marc avait réellement changé ? Après tout, rien n'est impossible...
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