Chapitre 3
Journal de Lester - Rapport post-hiver - 1 mars :
L'hiver fut plus dur que prévu, beaucoup plus dur.
La mort nous entoure comme une vieille amie à présent. Le froid a emporté des dizaines de personnes, souvent des inconnus, mais chacune de leurs vies pèse à présent sur mes épaules. Encore maintenant, la maladie ronge quelques demis-dieux dans l'infirmerie malgré les efforts de mes enfants. En plus, nos stocks de nourriture sont quasiment à plat. J'aurais aimé dire que nous nous soutenions donc tous les coudes pour avoir une organisation juste mais je sais que plus d'un vole dans la réserve, diminuant le temps qui nous est compté avant la famine. Nos patrouilles volent un maximum et les Déméters continuent de faire pousser des légumes ou des fruits mais ça reste rudimentaire. Nous devons trouver une solution le plus vite possible mais cela semble impossible. Effectivement, en plus des vols, nous devons faire face à des tensions incontrôlables. À cette allure, nous finirons tous fous dans 3 mois.
Également, de plus en plus de réfugiés partent "parce qu'ils feront mieux par eux-mêmes". Beaucoup d'entre eux sont devenus des esclaves, malheureusement. Enfin, je ne peux pas leur jeter la première pierre, plus depuis la mort de Sally. Elle ne méritait pas de décéder et, encore une fois, c'était de ma faute. Comme je l'ai déjà dit, elle nous envoyait des provisions. Malheureusement, les services spéciaux impériaux l'ont découvert et l'ont envoyé au bûcher à Central Park. Suite à cet article était imprimé une photo de Néron portant dans ses bras la jeune Estelle, suivie de la légende : "L'Empereur adopte Estelle Jackson (-Germanicus) après la trahison contre l'Empire qu'ont prodigués sa mère et son père dans un élan de miséricorde". Cet événement a posé énormément de problèmes dans notre organisation : beaucoup de familles ont voulu partir pour se protéger, entraînant un vaste et soudain mouvement de population qui entraîna une nouvelle attribution de rôles. Également, Percy et Annabeth nous ont quittés. Le fils de Poséidon avait pété un câble après la parution de l'article et avait décidé de se présenter au Triumvirat Holdings pour défier les Empereurs malgré toutes les tentatives de sa petite-amie pour l'arrêter. Depuis, ils sont entrés en tant que gladiateurs et je prie chaque jour Niké et Arès de leur être favorables.
Je n'ai toujours pas de nouvelles de Meg ou d'Austin, à croire que Hypnos préfère me torturer que de m'être utile. J'espère en apprendre bientôt plus sur eux. Enfin, j'ai déjà trop de proches qui souffrent pour le moment. Déjà, il y a mes enfants. Mes dieux, ils sont tous si ternes. Ce n'est pas naturel pour eux de ne pas être exposés au soleil et cela commence déjà à avoir des effets négatifs. Kayla s'en sort mieux que les autres grâce à ses nombreuses expéditions. Will par contre... La santé de son copain le ronge. En effet, Nico n'est plus tout à fait lui-même depuis un ou deux mois. À ce que j'ai compris, depuis presque un an, il entend des appels à l'aide venant du Tartare et, depuis décembre, ça empire. Nous avons même dû l'isoler dans une grotte plus profonde car les demis-dieux n'en pouvaient plus de ses cris nocturnes. Heureusement, mon frère fait de son mieux pour l'aider, allant jusqu'à dormir devant sa caverne au cas où il y aurait un problème. Parfois, je ne les revois pas pendant deux ou trois jours tellement ses crises sont importantes. Cependant, tout cela a un impact considérable sur Dionysos. Lui qui était autrefois le dieu de la fête, il semble maintenant à l'antipode total de ce personnage : ses traits sont constamment tirés, ses yeux enfoncés dans leurs orbites comme deux coquilles vides et ses mains tremblent en continu. Il va presque de paire avec Nico maintenant. Je le retrouve parfois assis dans une galerie en plein milieu de la nuit à pleurer à chaudes larmes ou à regarder dans le vide. Bien qu'il ne m'ait jamais dit le sujet de ses cauchemars, je sais qu'ils parlent tous de son fils. Mon frère essaye de se montrer utile à notre micro-société du mieux qu'il peut, travaillant cent fois plus qu'un réfugié lambda et cela a ses effets. J'ai peur qu'un jour il ne s'effondre de fatigue avec tout ce qu'il fait : il suit parfois plusieurs jours sans fermer l'oeil ou se reposer, partagé entre les réceptions des Empereurs dans lesquelles il se glisse pour récolter des infos, ses tours de gardes, ses journées à s'occuper de Nico et ses heures de combats. Va-t-il un jour comprendre qu'il est dorénavant mortel ?
Au moins, ses escapades nous offrent nombre d'infos sur la sphère gravitant autour du Triumvirat. Déjà, grâce à Python, ils font revenir à la vie certains de leurs contemporains, comme Sénèque, Claude ou Marc-Aurèle*. Ensuite, les Empereurs travaillent sur un projet afin de mettre l'Europe à leurs genoux. La Suisse, la France, la Belgique, l'Allemagne et la Grèce sont déjà tombées, certaines à cause d'un gouvernement bancal et d'autres à cause des nombreuses dettes que seule une alliance pareille pouvait résoudre. Aussi, de plus en plus de demis-dieux se font capturer et, comme je l'ai vu dans mon rêve, ils finissent souvent en servant avec un collier autour du cou, comme durant l'Empire. J'ai demandé à Dionysos de regarder si certains avaient des bleus sur le corps mais il n'en a pas encore vus pour le moment. Je ne sais pas ce qu'a fait Néron à mon fiston, mais cela m'inquiète de plus en plus. Enfin, Sénèque a toujours eu le don de calmer sa folie donc j'espère que cela portera encore ses fruits. Par contre, je redoute le moment où Néron se rendra compte que Dionysos assiste à chacune de ses réceptions sous sa nouvelle apparence. Mon frère m'assure qu'il se cache du mieux qu'il peut et qu'il ne traîne qu'avec les suppôts des Empereurs mais je le connais et je suis au courant de la nature de la relation qu'il entretenait avec Néron. Je suis peut-être un peu trop mère-poule mais je suis réellement inquiet pour lui.
Puisse l'avenir nous apporter la victoire.
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* Sénèque fut un stoïcien et le précepteur de Néron. Il se tua à la demande de ce dernier. Claude est l'oncle de Caius (Caligula) et le grand-oncle / beau-père de Néron (Ne cherchez pas la logique dans l'arbre familial Julio-Claudien) ainsi que le quatrième Empereur de cette lignée. Marc-Aurèle, quand à lui, est le père et prédécesseur de Commode
Meretrix* - 11 mars :
/!\ Cette nouvelle contient des thèmes pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes tels que le viol, la manipulation ou la pédophilie. Si vous êtes sensibles à ces sujets, évitez de lire jusqu'à la nouvelle "Pardonne-moi" (incluse) /!\
Ma laisse me retenait sur un piquet, en plein milieu d'une anti-chambre exiguë, depuis une bonne dizaine de minutes, d'heures, ou peut-être même d'années... Le temps passait si lentement ici. Mon collier semblait si fragile que l'envie de le casser et de m'enfuir me vint. Ce n'était pas le cas, les traces zébrant mon cou en étaient la preuve. De toutes manières, même si je le pouvais, je ne le ferais pas : il m'a promis de me laisser aller sur la terrasse si je me comportais bien et je ne pouvais pas laisser cette opportunité filer. La bête, comme si elle lisait dans mes pensées, ce qui était peut-être le cas, ouvrit la porte avant de me détacher et de me pousser violemment vers l'intérieur, comme à chaque fois. Elle s'approcha de moi avec un sourire carnassier jusqu'à ce qu'un pauvre millimètre nous sépare, déposant ensuite un baiser langoureux sur mes lèvres qui s'entreouvrirent selon sa volonté. Elle me dégoûtait, mes actes me dégoûtaient, je me dégoûtais, mais je ne me défendis pas : c'était impossible contre ce monstre. Qui aurait pu le défier ? Il était le monde. Non, il était le maître de l'univers, plus grand encore que Zeus ou que Gaia. Rien ne pourrait jamais le défier. Quand il commença à déboutonner ma chemise, je ne pus retenir une foutue larme qu'il prit la peine de m'enlever, lui arrachant une moue boudeuse.
- Qu'y a-t-il mon amour ?
"Mon amour"... Mais quelle blague, je n'étais qu'une vengeance mesquine à ses yeux. Au fait, je ne savais même pas pourquoi je pleurais. Cela faisait si longtemps qu'on répétait chaque jour le même scénario, alors pourquoi maintenant ? Surtout devant lui. Se battre ne servait plus à rien. Espérer que ma famille me vienne en aide non plus, elle ne veut plus de moi, il me l'avait dit. Ce n'était plus que nous deux maintenant. Peut-être que c'était ça ma destinée : être la pute de l'homme le plus puissant de ce monde. Après tout, n'était-il pas ami avec le nouveau transmetteur de la volonté de Delphes ?
- Rien, mon Empereur.
- Alors souris. Tu me dois bien ça après tout ce que je fais pour toi. Je croyais que c'était ton passe-temps favori, Austin.
Il me plaqua alors contre le cadre du lit et continua à m'enlever mon haut sous mes frissons de répulsion. La nuit allait être longue, très longue.
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*Littéralement prostituée en latin.
Fiche médicale numéro 421 :
Nom : Lake
Prénom : Austin
Âge : 15 ans
Sexe : Masculin
Statut : Mortel
Groupe sanguin : A
Allergie(s) : Agneau, poils de chat et tabac
Blessure(s) : Fissure anale, nombreuses brûlures et cicatrices autour d'un collier en or
Traitement(s) : - Fissure anale : Crème spécifique (à voler). Pouvoirs du bungalow 7 si et seulement si consentement du patient. Prise de laxatif régulière pour éviter le passage de selles dures.
- Brûlures et cicatrices : Pouvoirs du bungalow 7
Notes : Il a été retrouvé à la colonie totalement désorienté par les patrouilles. Ne pas brusquer sur ce qu'il a vécu (à compléter avec les notes de Mr.D.). Ne surtout pas tenter de retirer le collier, risque d'électrocution grave. Surveiller la prise des repas et ses selles.
Pardonne-moi - 17 mars :
Je le regarde depuis maintenant une quinzaine de minutes, déterminé à imprimer son image dans ma rétine comme dans ces illusions où il faut fixer un point et après fermer les yeux. J'aurais tant aimé l'entourer de mes bras et le bercer jusqu'à ce qu'il trouve la paix mais, d'après Kayla, il repousse le moindre contact, ne serait-ce qu'un frôlement, et se renferme au plus profond de son esprit suite à ceux-ci. Enfin, pour le dernier point, c'était devenu normal ces derniers jours. Encore maintenant, il fixe un point dans le vide tout en faisant craquer inlassablement ses doigts. Mes dieux, qu'était-il donc advenu de mon enfant si joyeux, qui avait toujours son saxophone en main pour jouer quelques notes ? Il n'en reste qu'une coquille vide. Ses traits autrefois si doux sont maintenant tranchants et chacune de ses molécules semble transpirer la fatigue. Comme dans mon rêve, il porte des vêtements puant le luxe qui se seraient mariés avec perfection avec ceux de Néron ou d'un autre membre du Triumvirat. Néron... Je l'aurais atomisé de mes propres mains si j'en avais eu le pouvoir.
Nous n'avions pas tardé à découvrir ce qu'il lui avait fait et pourquoi il nous l'avait rendu. Sa blessure... Mes dieux, je n'avais jamais vu ça. Même en tant qu'ancienne divinité, je ne savais pas que ça pouvait être aussi profond. Et ce connard avait agi comme un gamin pourri-gâté et l'avait jeté. Maintenant, Austin refuse de parler au moindre membre de sa famille et c'est parfois compliqué avec Dionysos. Il dit simplement et continuellement qu'il faut l'emmener à Néron car, au cas contraire, il allait tous nous tuer et que, en plus, il lui avait promis de le laisser aller dehors durant dix magnifiques minutes s'il se comportait bien. Je l'ai déjà vu supplier Dionysos de l'y conduire, qu'il ferait tout ce qu'il voudrait pour accéder à ce souhait. Se rend-t-il compte qu'il nous demande de l'envoyer à l'abatoire ? Je ne veux plus le perdre, ce serait trop dur. Mon frère me dit de lui laisser le temps de se remettre de ses traumatismes mais j'ai peur qu'il se trompe.
Malgré mon pessimisme, Dionysos a déjà fait quelques progrès. Déjà, Austin a enfin accepté de se laver. Depuis son arrivée (il y a une petite semaine), il refuse de ne serait-ce se changer, et c'est toujours le cas, mais, au moins, il s'est douché. En plus, mon fils lui a confié quelques trucs par rapport à ses neuf mois en Enfers. Je sais que je ne devrais pas mais je ne peux pas m'empêcher d'être jaloux de mon frère. Je suis son père, je devrais être celui en train de le pousser vers le haut ! En attendant, je suis là, à le détailler inlassablement.
- Pourquoi vous ne me détestez pas ?
J'ai mis du temps à comprendre que mon fils venait de parler. Ses yeux étaient encore posés sur le vide absolu et pourtant il venait de m'adresser la parole. Je ne sais même pas quoi dire tellement les émotions me submergent.
- Je vous ai trahi, j'ai... fait des choses avec notre pire ennemi et pourtant vous êtes tous là à vous relayer pour voir si je mange ou si je chie bien. Pourquoi ? Vous- vous risquez la mort rien qu'en m'adressant la parole.
- Austin, nous savons tous que tu n'as jamais voulu "faire des choses" avec lui. Tu es la victime de l'histoire donc nous n'avons aucune raison de te détester.
Il commence à pleurer et je ne peux rien faire. Je suis figé à le regarder s'effondrer comme un château de cartes. Même si je le pouvais, je n'oserais pas entrer dans son espace personnel sans son accord. Cela avait été réalisé trop de fois en trop peu de temps.
- Pardonne-moi, je- je suis le pire fils au monde. Si tu ne veux plus de moi, je comprendrai.
- Austin, je t'aime autant qu'un père peut aimer son enfant. S'il y avait l'un de nous deux à blâmer, ce serait moi : je t'ai laissé durant 5 mois vivre ça sans deviner l'enfer que tu vivais alors que je t'avais vu en rêve. Alors, pardonne-moi... Je- Je t'aime mon fils.
Mes larmes tombent enfin, me libérant d'un fardeau dont je ne connaissais même pas l'existence. Malgré les quelques mètres nous séparant, je ne me suis jamais senti aussi proche de mon enfant. Je suis vraiment un père merdique. Pardonne-moi aussi pour ça Austin, et pour tout ce que j'ai pu infliger à ta mère et toi.
Pardonne-moi.
"There is always some madness in love" * - 26 mars :
Je parcourrai le plus rapidement possible les galeries, encore empatouillé dans mon sommeil. C'était Lester qui m'avait réveillé, totalement paniqué par des cris de plus en plus forts. À ce que j'avais compris dans ma hâte, il avait longtemps hésité à le faire, convaincu que mes heures de sommeil valait mieux que ça. Mes dieux, parfois je doutais franchement de l'intelligence de mon frère. On parlait de la santé mentale d'un campeur, pas d'un bête événement tel qu'un conseil olympique bordel ! Alors que je m'appuyais contre une parois pour reprendre mon souffle, Will émergea de l'antre où Nico résidait et, si en sortant il avait l'air terrifié, son expression se métamorphosa à ma vue en un masque de colère. Ces mois d'errance l'avait changé : il n'aurait jamais exprimé ses sentiments d'une telle manière avant et maintenant une sorte de rancœur résidait dans son âme, sûrement alimentée par la folie qui prenait peu à peu possession de son petit-ami. Une nouvelle salve de cris, alimentée de "Arrêtez" ou de "Laissez-moi", résonna dans la pièce et, alors que Will restait dehors, je rentrai dans la grotte.
Une aura de panique hantait littéralement les lieux, me retournant l'estomac en moins de deux secondes. L'obscurité régnait en maîtresse en ce lieu, comme si je m'étais téléporté au centre de Nyx elle-même. Je mis du temps à voir Nico, qui n'était pas allongé sur son lit mais debout et semblant totalement conscient. Ça ne sentait pas bon du tout... Je m'avançai jusqu'à lui mais il bougeait en continu. Je l'appelai par son nom, lui demandai de se réveiller et lui dis que rien de tout cela n'était réel tout en approchant maladroitement des herbes calmantes, ce qui marchait de base très bien, mais, cette fois-ci, cela n'eut aucun effet. Si j'avais été un dieu, tout cela aurait été très rapidement réglé. Cependant, à l'heure actuelle, il ne me restait plus grand chose à faire. Mes dieux, il allait me détester. Après une ultime inspiration, je posai ma main sur son bras. Alors, d'un geste, Nico se retourna sur moi, arborant une expression mi-paniqué mi-furieuse, le tout baigné d'une cascade de larmes. Mes doigts commençaient d'ores et déjà à perdre leurs couleurs, se couvrant d'un filtre bleuté qui n'envisageait rien de bon.
- Nico, tu dois m'écouter.
- Je suis en train d'écouter ! Arrêtez tous de me dire ça et lâcher le morceau putain.
- Nico Di Angelo, je suis ton "ami", Mr.D. Reviens vers la surface, tu n'es pas au Tartare mais avec moi, aux cavernes.
- Mr.D. ? Mais... Vous venez de me traîter de fou et de me dire de ne plus jamais vous approchez car cela causerait votre mort. Vous arborez déjà l'odeur de Thanatos.
Causer ma mort ? Nico ne m'avait jamais parlé d'une pareille inquiétude auparavant. Sentait-il, comme il me l'avait quelques fois décrit, une aura de mort autour de moi ? S'il pensait que le dieu des décès allait m'empêcher de protéger ces morveux de campeurs, il se foutait le doigt dans l'œil. Mais cela te permettrait de retrouver tes fils.
- C'était un cauchemar, pas la réalité. C'est comme un vol d'ombre, tu dois réfléchir au fait que tu es dans ta grotte et non au Tartare. Les monstres d'en-bas n'oseront pas venir ici sous peine de recevoir des coups de thyrse.
Une masse d'ombre, encore plus sombre que l'atmosphère si c'était possible, se leva autour de lui pour aussitôt s'affaisser. La suivant, il bascula dans le vide et je le réceptionnai dans mes bras juste avant qu'il ne touche le sol. Son visage était soudainement dépourvu de stress et de panique, semblant tout à fait paisible si l'on retirait les larmes maculant ses joues et son léger froncement de sourcil. Sa paix intérieure me permit de le poser dans son lit et de lui placer un drap humide sur son front. Quand ma tâche fut enfin terminée, je basculai au sol, épris soudain d'une immense fatigue
- Tu es déjà fatigué ? Que tu es faible et incapable. C'est vraiment une honte d'être du même sang que toi.
Cette voix... je l'aurais reconnue entre mille, ou presque. Pollux. Je fouillai du regard chaque repli de la grotte pour le voir mais seul le vide était présent. Pourtant, j'aurais juré l'avoir entendu. Le dieu de la folie sucomberait donc à son poison ? Cependant, je ne pus laisser libre court à mes pensées car une lampe apparut au pas de la porte et se précipita vers son copain pour vérifier s'il allait bien. Je m'éloignais vers la sortie pour retrouver mon lit quand Will m'interpella :
- Pourquoi ne va-t-il pas mieux ? Cela fait des mois qu'il vous a en tant que psy et cela n'a fait qu'empirer.
- Bill, tu dois comprendre que soigner le mental est différent que soigner une coupure. Cela peut prendre des années avant de voir de net progrès.
- Nous n'avons pas autant de temps ! Nico perd chaque jour un peu plus la raison. Il y a encore quelques minutes, il criait à la mort. Vous devez faire quelque chose.
- Je suis désolé petit mais je ne peux rien faire. Même si j'avais été un dieu, toucher à son cerveau aurait entraîné des résultats que je ne peux imaginer.
- Il est donc destiné à rester comme ça jusqu'à la fin de sa vie ?
- Si Nico arrive à résoudre ce qu'il se passe au Tartare, il pourra possiblement retrouver la raison.
Will se dirigea précipitamment vers moi et s'arrêta à quelques centimètres de moi, le visage transpercé par la douleur. Mes dieux, j'avais vu cette expression trop de fois : des fidèles qui se voyaient refuser le soin de leurs proches, des amants devant être séparés, des familles détruites... La folie avait des raisons que les mortels ne pourront jamais comprendre, tout comme le destin.
- Vous blaguez j'espère. Nous sommes enfermés sous terre depuis des mois. Chaque jour ici repousse nos chances de réussite et vous savez autant que moi que seule celle-ci pourra engager son voyage au Tartare. En plus, une telle entreprise coûte à elle seule la raison. Que va-t-il lui advenir s'il est déjà fou ?
- Je te promets que je fais de mon mieux et que-
- MAIS JE M'EN FOUS DE VOS PROMESSES !
Il recula de quelques pas, comme s'il prenait seulement compte de l'excès de fureur qui l'avait traversé. Will sera ses poings comme pour évacuer sa colère avant de partir, me bousculant involontairement.
- Je vais en patrouille, seul. N'envoyez personne avec moi, si vous savez au moins faire ça.
À ses paroles, j'eus un très, très, mauvais pressentiment.
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* "There is always some madness in love. But there is also always some reason in madness" - Friedrich Nietzsche
Traduction : "Il y a toujours un peu de folie dans l'amour. Mais il y a toujours un peu de raison dans la folie"
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