Chapitre 1

La chute - 12 juin :

Ses yeux me fixaient cruellement tandis que chacune de ses veines se colorait du doré caractéristique de l'ichor. Pendant ce temps, je sentais toutes mes forces me quitter : mes muscles se froissaient à un point que je croyais impossible et mon esprit s'embrumait lentement. Mon pouvoir convergeait petit à petit vers ce monstre et il s'en régalait. Quand je ne sentis en moi plus que le vide et que chaque partie du corps mon ennemi étincela, je m'autorisai enfin à prendre la parole, bien que sa main refermée sur ma gorge transformait mes mots en gargouillis.

- Ne fais pas de mal à Meg, connard.

- Oh, mais je n'y compte pas mon cher.

Ensuite, Néron me balança à travers la vitre.

Fiche médicale numéro 131 :

Nom : Papadopoulos

Prénom : Lester / Apollon

Âge : 16 / + de 4000 ans

Sexe : Masculin

Statut : Mortel

Groupe sanguin : O+

Allergie(s) : Ambroisie et nectar

Blessure(s) : Fracture des deux jambes. Multiples coupures au dos, aux bras et à l'arrière du crâne. Mutisme (volontaire ou à cause de strangulation ?).

Traitement(s) : Pouvoirs du bungalow 7 (se concentrer sur l'une des deux pour que le patient puisse un minimum marcher). Port de béquilles. Procédés mortels si besoin.

Notes : À compléter

Premier journal télévisé de la Fox de l'ère impériale - 13 juin :

Les lumières s'allument sur le visage grave du président. Pour la première fois, aucun artifice n'embellit son visage : il n'a pas eu le temps de se préparer à cause de l'urgence de la situation. Des gouttes de sueur constellent son visage, masquées par les lights l'éclairant intelligemment. Les spectateurs tomberont sûrement dans le panneau de sa fausse confiance mais pas moi.

- Chers concitoyens, chères concitoyennes, aujourd'hui est un jour grave. Comme vous l'avez sûrement lu dans les journaux, il a été prouvé que le panthéon gréco-romain existe réellement et que circulent dans nos villes et nos campagnes des demi-dieux, des individus extrêmement dangereux et imprévisibles. Au vu de la situation, je ne suis plus en mesure d'assurer la sécurité des Nations Unies. J'ai donc choisi d'abdiquer et de donner le pouvoir à une personne bien plus compétente que moi.

Silence. Un homme arrive alors sur le plateau, vêtu d'un costume pourpre parfaitement taillé montrant son opulence. Une aura ancienne l'entoure, comme si c'était une pièce de collection cachée dans les archives d'un musée. Une lueur inquiétante illumine ses yeux alors qu'il sourit à l'objectif.

- Cher habitants des États-Unis d'Amérique, accueillez chaleureusement votre nouveau président, Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus. Un mot ?

- Si vous me le permettez, Monsieur. Bien, par où commencer ? Vous me connaissez sûrement comme "le pyromane de Rome" ou encore comme "l'Empereur le plus fou de l'histoire". Mais ne vous inquiétez pas, tout cela ne sont que des rumeurs inventées par mes ennemis pour me détrôner. Si je suis encore ici parmi vous, c'est que les Parques m'ont jugé apte à vous protéger. Et je le ferai, coûte que coûte : je sais mieux que quiconque ce que les demis-dieux sont capables de faire. Effectivement, ils ont enlevé ma fille, ma douce Meg, et l'ont manipulée pour qu'elle me tue. Heureusement, elle est revenue à la raison à temps. Cependant, je ne leur pardonnerai pas et je ne cesserai jamais de lutter pour tous les arrêter.

Une fausse larme raye sa joue à la mention de sa fille. Il a l'air vraiment ému, tellement que certains membres du staff tirent des têtes choquées. Si Néron les voyait, et c'est sûrement le cas, il en serait ravi. Sur cette scène "émouvante", la caméra s'éteint. Un effrayant sourire éclaire alors le visage de l'Empereur, expression totalement opposée à celle de l'ancien président qui reste figé sur place. Comment pourrait-il bouger alors qu'une dizaine d'arbalètes est pointée sur lui ? Après une ultime jubilation de joie, Néron semble enfin le remarquer :

- J'espère que notre accord tiendra. N'oubliez pas que je tiens votre fils entre mes mains. Et, croyez-moi, vous n'avez pas envie de savoir le nombre de moyens que j'ai sous la main. Pas vrai Hunter ?

À ma mention, je gesticule, ce malgré les menottes m'entravant les mains et le bâillon rendant hors d'utilisation ma bouche, me valant le regard apitoyé de mon père. Ce dernier est bien vite escorté en dehors de la salle, avant de pouvoir me dire le moindre mot. Le président Biden n'est plus, sa détermination enterrée sous les menaces de l'Empereur. Celui-ci daigne enfin à me regarder dans les yeux et, à ma vue, il prend une expression amusée qui me glace le sang.

- Nous allons bien nous amuser, toi et moi.

Un merveilleux après-midi d'été - 15 juin :

Malgré la brise sucrée apportant une fraîcheur bienvenue, le haut soleil tapait sur la colonie, contraignant les demis-dieux à se réfugier à l'ombre des bâtiments. À leur instar, je me tenais sur la terrasse de la Grande Maison, protégé par le toit et le litre de crème solaire que Will m'avait imposé. Mes enfants étaient si inquiets pour moi... ça aurait sûrement plu à l'ancien moi mais cela me faisait juste chier à présent : je n'étais pas en sucre, je n'allais pas me briser au moindre courant d'air car j'étais redevenu un mortel et que j'étais en béquille. En plus, je n'étais pas une priorité : nous avions un nombre de blessés non-négligeable suite à la bataille, nous empêchant de riposter avant les vacances d'été et donc le retour d'une ribambelle de demi-dieux. S'ils n'étaient pas attrapés par Néron avant leur arrivée.

- Apollon, c'est à toi de jouer, j'attends depuis cinq minutes.

- Je ne m'appelle pas Apollon.

- Okay, Lester. Si l'excentricité de changer de nom après 4 000 d'existence te fait plaisir...

- Je ne mérite plus d'être appelé Apollon, et j'espère que tu comprends mon choix, Dionysos.

Je décortiquai chaque syllabe de son nom, ce qui me valut un haussement de sourcil. Après l'apparition d'une énième canette de coca light et un soupir fatigué, il continua la discussion :

- Tu as moins mal aux jambes ? Je sais que Zéphyr a amorti l'impact mais, crois-moi, ce n'était pas beau à voir.

- Je n'ai plus à me traîner dans un stupide fauteuil roulant, c'est déjà ça. Selon les estimations de Kayla, ma jambe droite sera réparée dans une petite semaine. Tu as eu des nouvelles de l'Olympe ?

- Ils ont fermé les portes et je n'ai aucun moyen de les contacter. Il semblerait que Zeus ait jeté ses deux fils galeux en dehors de son paradis doré.

Il ricana doucement à sa "blague" (qui ne m'a même pas fait esquisser de sourire) en regardant son jeu pour voir à quel point il pouvait me mettre dans la misère.

- Pars Dionysos, pars tant que tu sais. Va retrouver Ariane et Pollux, mettez-vous à l'abri sur Naxos et attendez que la guerre passe. Il ne doit pas te trouver, il deviendra trop fort et tu seras comme moi : un stupide mortel.

Son rire et son geste se stoppèrent, sa main suspendue dans le vide avec sûrement un très bon jeu dedans. Son expression se durcit comme jamais auparavant, faisant apparaître une ressemblance indéniable avec notre père. Ses doigts se refermèrent alors sur sa canette vide jusqu'à en faire blanchir ses jointures et, même quand celle-ci ne fut qu'une coquille sans forme, la fureur transperçait encore son visage. Je l'avais rarement vu dans un état pareil, si bien que je pris peur.

- Non. Je me suis juré il y a une dizaine d'années de protéger les demi-dieux du mieux que je le pouvais, même si je devais y passer. Ce n'est pas maintenant que je trahirai ma promesse. Je ne me désisterai pas cette fois-ci.

- Tu dois te protéger. Protéger ta famille, pour qu'il ne leur arrive rien. Personne ne t'en voudra.

- Ça pue.

- C'est ta seule réaction ? Je te demande de te réfugier pour le bien de ta femme et de ton fils et-

- Non, il y a quelque chose qui approche, un truc immense. Je n'arrive pas à voir quoi mais ça pue la fumée.

Son regard se détourna vers l'entrée de la colonie mais rien ne changeait de d'habitude. Cependant, avant qu'il ne puisse développer son mauvais pressentiment, une muraille humaine apparut et entoura les frontières. Il y avait des hommes, armés de révolvers ou de glaive, mais aussi des pandai et des nymphes à l'air farouche, toutes et tous cuirassés jusqu'au cou. Et puis il arriva, souriant, avec ses vêtements fraîchement amidonnés malgré la forêt qu'il venait de traverser. J'aurais voulu le traiter de monstre mais ça aurait été hypocrite : j'étais celui qui lui avait donné sa divinité, j'étais la seule monstruosité ici présente. Je vis les demis-dieux courir sans vraiment comprendre, encore perdu dans mes pensées. Je le fus jusqu'à ce que mon frère se lève et fasse apparaître son thyrse pendant qu'une explosion retentissait, m'indiquant l'urgence de la situation. Je me levai à sa suite, me traînant avec mes béquilles et essayant de me dégoter ne serait-ce qu'un poignard, me valant un regard sévère de la part de Dionysos. Cependant, je devais aider : tout était de ma faute après tout. Une deuxième explosion eut lieu, ébranlant le sol, mais je continuais à avancer. Mon frère soupira et des vignes me lièrent à un des poteaux de la terrasse.

- Je suis désolé Lester, mais je ne veux pas avoir ta mort sur ma conscience.

Il se dirigea ensuite vers l'Empereur, s'attirant les regards interloqués des campeurs qu'il bousculait sans égard. Cependant, quand la barrière explosa, que nos adversaires se jetèrent sur nous et que les deux premières rangées se changèrent en dauphin, déstabilisant les troupes ennemies, je vis plus d'un demi-dieu être soudainement ravi de sa présence. La bataille ne dura pas, malgré la vaillance de mes alliés. L'ennemi revenait toujours en surnombre et les campeurs semblèrent le comprendre car les plus jeunes partirent sous la protection des aînés, qui eux-mêmes ne mirent pas beaucoup de temps à s'enfuir vers ce qui me semblait être une entrée du Labyrinthe. Harley prit la peine de me détacher de mes entraves mais, au lieu de le suivre vers la cachette, je me dirigeai cahin-caha vers mon frère qui ligotait, transformait, alcoolisait ou rendait fou tout ce qui bougeait pour faire gagner du temps. La rage brillait dans ses yeux et, après chaque sortilège, il laissait sortir une myriade de jurons envers son ennemi principal, Néron. Celui-ci regardait le spectacle sans tilter sur les insultes, semblant même s'enjouer sur la puissance du dieu qui massacrait pourtant son armée. Cependant, quand il me vit approcher, sa mimique se transforma en un rictus satisfait et il commença à applaudir comme s'il s'agissait du climax impressionnant d'un film au budget misérable sur lequel personne n'aurait misé.

- Mais qui voilà ? La brebis galeuse vient aider son léopard de frère à coup de pattes brisées ? Que c'est touchant...

- Lester, casse-toi bordel !

Mon frère commit alors l'erreur de me regarder, me fixant de ses yeux mêlant la fureur à la tristesse. À cause de cela, il ne vit pas l'Empereur lui sauter dessus. À cause de cela, il ne put réagir avant que l'inévitable ne se passe. À cause de cela, Néron l'empoigna par la nuque. Dionysos se débattit comme un beau diable, certes, mais la puissance de l'Empereur annihilait tous ses efforts. Avant de réfléchir à l'utilité de mes propres actions, je m'immisçai entre les deux et, dans un équilibre plus que précaire, j'abattis ma béquille dans l'entre-jambes de Néron qui recula de quelques pas, me laissant le loisir de voir si mon frère allait bien, ce qui n'était pas du tout le cas au vu des gouttes de sueur perlant sur son visage. Pourtant, il me prit par la main et nous transporta dans des souterrains humides que j'identifiai rapidement comme ceux du Labyrinthe. Alors que je nous croyais enfin hors de danger, Mr.D. s'effondra dans une quinte de toux, semblant aussi mortel à cet instant que divin quelques minutes plus tôt. J'eus peur que Néron avait réussi son coup, que la mortalité sillonnait maintenant ses veines comme un poison suite à la consommation de son dernier éclat de pouvoir mais, quand il fit apparaître une canette de coca light, je sus que ce n'était pas le cas, bien qu'une grimace apparut sur son visage à cause de cette si simple action. Je m'assis maladroitement à ses côtés, profitant du bruit répétitif des gouttes tombant au sol quelques mètres plus loin. Je m'avachis contre lui, me laissant guider par sa respiration saccadée qui m'inquiéta vachement. Il était un dieu, il n'était pas censé s'épuiser pour si peu. Où était passée la belle époque où nous vainquions les villes qui refusaient de nous honorer le matin et que nous partions à l'assaut de dauphins volants l'après-midi sans une once de fatigue ?

- Dionysos, ça va ?

- Ton vieux frère se porte comme un charme, tu ne le vois pas ? Juste un peu fatigué mais rien d'insurmontable.

- Tu es sûr tu as l'air... tu vois.

- Mortel ? Pfff, le grand Dionysos a toujours été un peu mortel au fond. Ma mère l'était après tout.

- Arrête de rire, je suis sérieux. T'a-t-il pris une partie de tes pouvoirs ?

- Lester, depuis que je suis à la colonie, l'utilisation de mes pouvoirs me fatigue de plus en plus. Ce n'est pas nouveau et ce n'est pas près de changer.

Il se leva difficilement, s'appuyant de tout son poids sur le mur en pierre. Et c'est comme ça que nous arrivâmes ensemble jusqu'à une multitude de grottes qui m'était inconnue. Dionysos m'expliqua en chemin, entre deux respirations difficiles, que, durant ma convalescence, Nico avait trouvé des parties du Labyrinthe relativement préservées des Empereurs et que nous y avions stocké le maximum de ressources possibles. Avant même d'arriver, mon frère réutilisa ses pouvoirs pour dresser une barrière tout autour du refuge, lui coûtant une nouvelle quinte de toux. Et c'est comme ça que commença la révolte.

Un réveil difficile - 22 juin :

Ne cherchez pas de qui est ce pdv, c'est celui d'un pnj random que j'ai inventé pour cette nouvelle

La nuit était tombée mais on aurait dit que le soleil se couchait seulement. Des flammes vertigineuses s'élevaient vers les cieux partout où je posais le regard, consumant maintes et maintes vies dans des crépitements couvrant à peine les plaintes de ce qui était alors ma famille ou mes amis. La poussière me collait comme une seconde peau, créant une pâte visqueuse là où du sang souillait mon corps. Je ne savais même plus si c'était le mien où celui d'un ou d'une autre. Il y avait eu trop de blessés, trop de morts, pour un seul jour. Mon cerveau était étrangement vide, malgré l'horreur de la situation. Ou alors peut-être que c'était à cause d'elle, que j'en avais tellement vu que mon esprit refusait de comprendre. Cependant, il me restait une mission à accomplir avant de pouvoir me laisser aller à ma mélancolie. J'arrachai une épée des mains d'un corps à moitié brûlé, les restes de mon petit-ami, avant de me diriger, seul, vers la grotte. Je marchai en ligne droite malgré les cadavres qui se dressaient sur mon chemin et les ruines des bâtiments. Mes dieux, si la guerre ressemblait à ça, et bien je la détestais, même si par cette haine j'outrageais mon divin père.

Quand j'arrivai devant la caverne, je sus qu'il était déjà trop tard. Néron se dressait d'ores et déjà victorieux, lumineux comme les flammes de ses chers bûchers. Il se tenait sur l'éboulement qui, il y a quelques mois, avait emporté ces deux compagnons. Ou en tout cas, que je pensais avoir emporté le reste du triumvirat. Car, ce que je n'avais pas vu de prime abord, c'était que des pierres commençaient doucement à se soulever, comme si quelqu'un essayait de s'en extraire. Une main sortit, puis une autre, beaucoup plus robuste et sombre que la première. Je voulus fuir, mais j'étais tétanisé par la peur. Nous étions tous perdus. Tout espoir était dérisoire. Et alors sortirent de la roche les deux Empereurs que nous croyions tous décédés, en parfaite santé et rayonnant eux-aussi dans l'obscurité. L'un d'eux, Caligula me semblait-il, commença à ricaner tandis que Commode prit le glaive que lui tendait Néron et qui, je l'aurais juré, n'était pas là deux minutes auparavant. Avant que mon cerveau ne comprenne quoi que ce soit, il s'approcha de moi et me détailla de haut en bas comme si je n'étais qu'un ridicule insecte l'ayant outragé. C'était peut-être le cas au fond. Alors, il m'enfonça l'arme dans le ventre, me provoquant un haut le cœur qui fut plus constitué de sang que de bile et qui éclaboussa le visage de l'Empereur. Il ne tilta même pas, une folie digne de son titre dans le regard.

- C'est comme ça qu'on traite les soldats déloyaux envers leurs souverains, traditor.

Je ne pleurai pas, je ne le suppliai pas d'être gracié, je ne me mis même pas en colère. Je souris simplement, attendant de revoir mon compagnon. 

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