Le cadeau parfait

« Toi qui vit, meurs et rit
Toi qui prit, sœur d'envie,
Étions-nous donc si proches
Que l'envie nous écorche.

Tout pour recommencer,
Mains et poings reliés
Mais il faudrait plus d'une vie,
Pour vaincre cet ennuyant ennemi.
L'usage de vie nouvelle
N'arrête en rien l'éternel.

Pourtant, avides, combattre
Ne mènera qu'à l'infâme
Il n'y a point à débattre
Dans cet éternel jeu de flammes.
De l'inconstance ami
Il n'en reste que ma mie.

Toi qui vit, meurs et rit
Toi qui prit, sœur d'envie,
Étions-nous donc si proches
Que l'envie nous écorche.

Petits soldats de plomb
Bien sûr nous confondons
Ce que nous sommes
Mais pour qu'elle ne somme
De son funeste éclat
Notre fin, à toi et moi.

De notre aveuglement
Nous jouissons
Si fort heureusement
Nous balançons
Aux corps impurs
Ces mots trop durs

Toi qui vit, meurs et rit
Toi qui prit, sœur d'envie,
Étions-nous donc si proches
Que l'envie nous écorche.

Nous qui ne faisions qu'un
Une seule et même unicité.
Sans jamais voir au-delà de l'un
Sans jamais, de nous, peut-être douter,
Pourtant nous voilà disparate
Loin de celle qui, de nous, est marâtre.

Ce n'est que la joie
Lorsque je te vois,
Envahissant mon âme
Détruisant toutes ses lames
Qui nous prend et qui nous blessent
Pour que jamais rien ne nous délaisse

Toi qui vit, meurs et rit
Toi qui prit, sœur d'envie,
Étions-nous donc si proches
Que l'envie nous écorche. »

Night regarda attentivement sa forme corrompue restée muette de stupeur après avoir entendu la douce voix de gardien des sentiments négatifs déclamer de sa douce voix cette divine ode à l'amour.

La corruption ne trouvait à redire sur la chanson chantée a capella par celui qui se reflétait dans le miroir face à lui. C'était d'une tendresse écorchée, une douceur meurtrie par l'attente que le plus adulte des deux instaurait malgré lui.

Ces mots certainement mille fois couchés sur un parchemin couvert des stigmates d'une plume rongée par le doute et la peur du ridicule qui montait en ce moment même pour gagner l'âme du plus petit.

Ces mots tant recherchés à travers des centaines de correspondances pour que sonnent aux cavités auditives du tentaculaire l'émotion renfermée en leur sein, qu'il comprenne l'état de transe dans lequel il plongeait le couronné dès qu'il fixait ses prunelles violines.

Ces mots qui n'aveint pas de réponses, si ce n'est le choc palpable chez le destinataire qui causait toute la détresse du commanditaire. Avait-il été d'une arrogance trop folle, d'un fanatique aplomb bien trop audacieux et dont la hardiesse impudente ferait d'une fougue un affront ultime. D'une inconvenance indécente faisant pâlir l'assurance sans présomption d'innocence, aurait-il eu l'impudicité d'un culot trop effronté ?

Non, sa vaillance avait mille mérites dont celui que fut la fougue et l'impétuosité du baiser que Nightmare déposa sur les dents au goût de sel divin, petites perles de cristal qu'il se fustigeait d'avoir eu la bêtise d'en être l'ultime auteur.

Pourtant, le corrompu n'était pas en reste ; pleurant lui aussi mais uniquement d'un bonheur sans nul autre pareille, une douce euphorie d'allégresses passées, présentes et futures pour cette inclinaison réciproque.

Mais toute cette calligraphie, ce graphisme conventionné en arabesques littéraires pour former le bafouillage bâtard nommé « lettre » condensé en un insolent et stupide acronyme désignant un « mot » saturé à l'état de suite indéfectible et pourtant aléatoire du sobriquet « phrase », n'est -et ne restera à travers les âges- qu'une suite illogique de tâches d'encre sur un parchemin rendu indéchiffrable pour l'analphabète non érudit de ce code entre les civilisations.

Tous les discours du monde ne pourront toucher à l'âme que les initiés et, fort heureusement, Nightmare connaissait Night sur le bout des phalanges qui frôlaient la surface vitrée qui les séparait encore mais pour peu de temps.

Nightmare : Demain sera le jour de ton renouveau mon adorée petite Nuit, dit-il avec une tendresse qui fit monter un peu plus le mauve déjà présent sur les pommettes de la forme passive. Demain nous ne serons plus nous, mais chacun nous serons des « uns ».

Night : Je ne suis pas sûr de comprendre Nightmare, murmura-t-il avec une douceur qui était, de son amant de la nuit, le seul complice.

Nightmare : Il y a de cela plusieurs décennies à compter d'un jour jadis, tu m'as offert ce que j'acceptais comme le plus beau des présents. Tu m'as laissé être ton ombre avant de devenir celui que chacun voit quand il nous regarde au présent. Le jour non loin de demeurer funeste où tu as enfin entendu ma voix et où tu as mangé ces pommes, tu m'as permis de t'offrir le règne qui t'était tien dès ta venue dans ton univers, à DreamTale. Ce règne que d'autres souhaitaient dégrader de leurs ignares pensées indignes de ta dominance préexistante. Ton prestige à venir à aveugler leurs stupides brutalités. D'impies menaces devenues crimes à ton encontre les ont mené à leur propre perdition. Mais te voilà aujourd'hui, foulant bientôt d'un jour neuf ce monde désœuvré et dépeuplé de tes benêts bourreaux. La vraie nomination qui fait place en mon âme ce jour n'est que ton ultime choix ; acceptes-tu de revenir parmi nous, de siéger à mes côtés pour recommencer l'acte le plus hardi de tous, celui de vivre ?

Night : C'est impossible Nightmare. Nous ne pouvons coexister dans un même lieu ensemble, dans la fantasmagorique possibilité hurluberlue que nous soyons dans deux corps distincts. Et autrement, je refuse que tu me concèdes la place qui est la tienne. Un monde sans toi n'existe plus dans mon étriquée lucidité.

Nightmare : Et pourtant ma chère intarissable ivresse fantaisiste, ce n'est d'un jeu de marivaudage que je t'offre la possibilité de nous unir par deux corps séparés en ce jour sacré des civilisations qui nous sont diverses. Tu verras au lendemain nos corps enlacés te prouveront la véridicité de mon entreprise. Maintenant dors mon ange de la nuit ; qu'au-delà du réveil, tu trouves toute la manifestation de mon affection pour toi.

Sur cette allocution d'un poulpe à son miroir, se finit la journée du réveillon. Offrir à l'être aimé la possibilité de retourner à son état d'origine, quand le monde ne l'eut point encore abimé de leurs aigres volontés dissidentes.

Être soi ; en accord avec son ipséité, ce qui fait qu'une personne, par des caractères strictement individuels, est non réductible à une autre. Être seul maître de ses décisions prises en complaisances avec qui l'individu est ou n'est pas, ne fut point et ne sera jamais. Certain quidam ne puit et ne devrait jamais, d'une volonté supérieure exprimer volonté d'autrui. Mais il est des théologies bien trop idéologistes aux théories réalistes.

Oublier la volonté des tiers, oublier de qu'ILS voulaient que leurs marionnettes soient, oublier ces arbitraires absolutismes autocratiques d'un autoritarisme exigüe. Jeter aux clous ces despotes et leurs diktats illégitimes faisant office de lois dont la suprématie n'est qu'une injuste et fantasque tyrannie.

Que ces marionnettes rompent promptement leurs liens pour que, poupées de chiffons, elles évoluent enfin dans LEURS mondes aux caprices artificiels. Qu'ils ne soient bientôt plus EUX pour ne devenir qu'eux sans cette maudite particule à l'arrière-goût âcre d'obligeance absolue.

S'ils sont des anomalies, alors soit ! Mais n'écartez point que NOUS sommes des anomalies au même titre que polichinelles à notre image déformée. Ils sont ce que nous sommes, tout comme nous sommes ce qu'ils sont.

Mais la monstruosité ne peut et ne devrait nous définir a fortiori que nous sommes le dictionnaire de nos propres définitions. Ab esse ad posse valet, a posse ad esse non valet consequentia -ou en français, de l'existence d'une chose on conclut à sa possibilité et de la possibilité d'une chose on ne doit en conclure à son existence. Il est primordial de condamner aux immorales qui circonstancient un individu sur ses propres termes sans y apposer ses propres définitions.

D'un coup du destin, serions-nous, d'une volonté qui nous échappe, né mendiant sans possibilité de rêver à un autre futur que celui de la rue ? Foutaises ! Prendre à bras le corps son destin en mains pour affirmer d'une voix vibrante d'une tonalité nouvelle qui nous sommes est la seule raison valable de vivre et de se battre en ce bas monde.

Pourquoi serions-nous là juste pour souffrir de notre seule présence ? Dans l'abattoir qu'est le monde, naître pour mourir. Pourquoi serions-nous là derrière ces hauts murs taciturnes que notre esprit conditionné à obéir selon LEURS règles érige pour nous protéger de LEURS sanctions ?

Privé d'horizon, privé de futur de par un rôle qui le prédestine à la haine et rancœur, sans défense ni moyen de s'envoler hors de leurs filets dorés, sa corruption sera ses ailes, comme elle fut son épée et son bouclier. Corruption qui chantonne à nouveau sous l'utopique rêve de sa conscience

« Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Touchant le ciel, tu saisis le droit d'espérer
Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Guide-moi loin de cette cage ensanglantée. »

Devenue son ombre, assassin discret dans la nuit qui, de la tendre et réconfortante étreinte, sèche peu à peu ses larmes désormais taries. Aura-t-il fallu, pour surpasser les raisons de ses pleurs, laisser les rênes à ses monstres intérieurs ?

« Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Touchant le ciel, tu saisis le droit d'espérer
Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Guide-moi loin de cette cage ensanglantée.

Laisse-moi
Être l'arme transperçant en plein cœur
Laisse-moi
Être lame à côté de son chasseur. »

Tout comme lui, secrètement, il dut attendre le moment, il dut attendre l'heure où la proie devint prédateur, l'heure fatidique où le harcelé devint bourreau. Peut-on croire que le cycle de la haine s'arrêtera ? Peut-on croire que le monde l'acceptera ? Mais le cauchemar n'offre aucune autre issue pour l'heure puisque la proie est devenue prédateur, le chassé est devenu le chasseur.

« Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Touchant le ciel, tu saisis le droit d'espérer
Oiseau sans ailes, laisse-moi te porter
Guide-moi loin de cette cage ensanglantée.

Abrogata lege abrogante non reviviscit lex abrogata
Une loi qui a été abrogée ne renaît pas du seul fait de l'abrogation de la loi abrogative
Absit omen
Que cela ne soit pas une malédiction.»

Que de fastes et somptueux décors pour la réalisation au jour nouveau du bien-fondé des dires de la veille. Night put ainsi voir de ses yeux à l'extraordinaire virginité le monde qu'il ne faisait qu'entrapercevoir par les miroirs réfléchissantes des temps passés.

Il ne put qu'admirer les décorations d'un regard émerveillé de nouveau-né. La salle à manger au cœur des festivités, point de retrouvailles et de partages du repas. La tradition voulait qu'à la fin de l'année, les Bad Guys -ou plutôt Bad Gays- se retrouvent autour de la table pour festoyer gayement et boire à outrance, faisant fi des gueules de bois et migraines au petit matin.

Assiettes de porcelaine pas encore garnies côtoyaient verres de cristal et argenterie élégamment drapée d'une nappe de soie joliment pliée. Quelques bougies faisaient office de seules lumières pour le lustre d'acier, source de lumière douce et discrète proposant pour cette fois une ambiance intime aux rencontres de minuit.

Ils leur fallait peu pour se sentir eux. Ils n'avaient pas investis leur temps et leur argent dans de luminescentes cascades de fleuritures aux allures plus rocambolesques à chaque nouvelle officine mise sur leur sillage ; ils n'avaient point opté non plus pour ces arbres meurtris ou mis en pot dont l'odeur de sapin n'a pour but que de rappeler aux convives de longues soirées d'attente au coin du feu.

Ils laissaient aux enfants le soin évident d'honorer la mémoire de cet arbre en l'agrémentant de mille et une babilles fantasques. Papier, carton, tissu, bois, plastique et polystyrène n'avaient guère la forme de pommes de pin, flocons de neige, origamis, couronnes, fleurs, boules, étoiles -ou encore qu'en sais-je ?- en ces lieux.

Point non plus de petits sapins de bois, de rubans trônant de leur suprématie avec les bougies de tailles, senteurs et couleurs aussi diverses et variées, et encore moins grande couronne de Noël surplombant de multiples chaussettes -sales assurément- accrochées à la robuste cheminée.

Non. Le plus important pour Dust, Horror, Killer et Cross était fort heureusement de se retrouver dans ce qui était devenu au fil des années une vraie famille avec son lot de casseroles mais aussi d'amour avec notamment deux couples distincts parmi les squelettes : Horror et Dust puis Killer et Cross.

Pour Horror et Dust, la mise en couple s'était faite naturellement, c'est-à-dire après un soir de beuverie. Bon on dira donc plutôt qu'ils ont leur propre notion du « naturel ». Ne leur en voulons pas après tant d'années à se tourner autour. Une taquinerie de l'encapuchonné dans la cuisine, une petite attention particulière de l'horrorien par là ; en résulte donc la mise en couple d'un plumeau et d'un cannibale.

Pour Killer et Cross, la mise en couple était bien plus drôle ; enfin surtout pour l'un des deux. Ça avait débuté quand Cross était arrivé, évidemment me direz-vous, ça ne pouvait en être autrement puisqu'ils ne se connaissaient pas avant la bienvenue du bicolore.

Incessamment sous peu, tous comprirent que le nouveau mercenaire avait une peur assez peu commune : la phobie des vaches. Et si Dust et Horror n'en ont eu que faire, Killer s'en est donné à cœur joie pour « taquiner » sa nouvelle victime. Le fanatique des couteaux n'avait eu de cesse de planquer des peluches de mignons petits bovins un peu partout, lançait des petites sonneries aux multiples mugissements à toute heure du jour et de la nuit ou alors il se pointait simplement avec un pyjama kigurumi vache très apprécié du fan de chocolat -enfin plus tellement du chocolat au lait depuis que Killer avait pris un malin plaisir à lui expliquer l'origine du lait contenu dans la tablette sucrée-.

Killer avait tourné autour de Cross pendant de longs mois, jouant au chat et à la souris avec sa petite proie de noir et de blanc parée. Mais il n'avait jamais été plus loin, aimant juste asseoir sa « dominance » sur le petit nouveau. Comme ça lui fut étrange quand il se retrouva un beau matin plaqué au mur par le fan des tacos qui exigea une explication que le fan des lapins n'avait pas.

C'est d'énervement que leurs dents s'entrechoquèrent. Si Killer pensait dominer, ce fut l'exact opposé ; et cela plût grandement à Cross qui força habilement l'accès à la bouche de son collègue pour jouer subtilement avec sa langue, collant leurs deux corps rapidement téléportés dans une chambre pour la suite évidente.

Présentement, ils étaient tous quatre dans le salon, chacun habillés de pulls plus moches les uns que les autres -merci Error qui doit être en train de farcir un certain Squid pour Noël- ils n'attendaient plus que leur boss pour s'échanger leurs présents, passée la surprise de l'invité timide qui accompagnait le céphalopode.

De Cross, Killer eut un petit lapin des neiges du nom de -Lady-. L'effet fut immédiat, il gazouilla immédiatement avec la petite boule de boule. Il tailla beaucoup moins la bavette quand il reçut -en guise de cadeau nécessaire- des capotes de la part des autres Bad Gays qui rirent beaucoup de sa tête écarlate devant le sourire pervers de son compagnon.

En retour, Cross eut une figurine en modèle unique d'un manga au nom inconnu de tous les autres squelettes ici présents mis à part Killy qui entendait parler de la passion de son amant à longueur de journée. Une série de rires plut quand le deuxième cadeau au bruit de vache fut offert.

Pour le second couple, les cadeaux furent tout autant riches en émotions car quand Dust offrit un livre de cuisine sur les humains, il eut en retour de Horror une petite boite contenant un test de grossesse positif.

Après bon nombre de pleurs et d'embrassades, les dernières remises furent faites : un plumeau pour la Petite Poussière et un poisson aux écailles bleutées pour le génocidaire des Undyne. Nightmare eut même une petite tasse pour son café avec un -#1 DAD- barré au marqueur pour la marque nouvelle -#1 BOSS-.

Ce fut en soi un Noël tout à fait normal pour des Bad tout à fait normaux.
Enfin dont la normalité était relative à leur propre définition enfin dirons-nous.

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