10 // Draco
Je glissais le dernier formulaire dans la pile en soupirant, satisfait du travail effectué.
Les trois derniers jours, j'avais eu l'occasion de me retrouver seul, enfin.
Le premier jour, Quinn, Dan, Charlie et Harry étaient parti terminer leur repérage tandis que je préparais le marquage des dragons. Ensuite, ils étaient passés à l'acte et avaient entamé le marquage. Demain, ils auraient fini et nous pourrions préparer notre retour.
La deuxième expédition de repérage s'était mieux passée que la première, sans ma présence pour déranger l'équilibre de l'équipe. Ils étaient revenus avec les écailles de quatre dragons adultes. Quinn m'avait confirmée que la nichée abritait bien deux petits dragonneaux. Mais il était actuellement impossible de les marquer, car trop jeune.
J'avais passé la soirée et la nuit à préparer les écailles.
Le marquage des dragons était possible uniquement ainsi. Il fallait utiliser une écaille du dragon à marquer. Je devais connaitre toutes les informations qu'il était possible de récolter : taille, couleur, lignage, espèce, origine, age, etc. Avec ces renseignements, j'établissais un numéro unique ainsi qu'une formule magique. Je gravais le numéro dans l'écaille avant de l'imprégner de la formule.
En temps normal, j'aurais insisté pour que Harry m'assiste durant ce processus, mais suite aux derniers événements, j'avais préféré accomplir cette tâche seul. Je ne me sentais pas particulièrement prêt à me retrouver à nouveau seul à seul avec lui. De plus, il n'avait pas manifesté son envie de m'aider. À vrai dire, il ne m'avait même plus adressé la parole.
Après avoir préparé les écailles durant une nuit entière, je les avais rendues à l'équipe. Je m'étais reposé durant la totalité de la journée suivante, profitant de cette journée seul dans le campement et sans travail pour récupérer mes heures de sommeils.
Pendant ce temps, le reste de l'équipe retournait auprès de la nichée pour tenter d'apposer les écailles sur les dragons, de préférence sur le cou ou derrière la tête pour éviter qu'elles ne tombent. Cela demandait une bonne dose de courage et d'agilité, tout comme il fallait une certaine discrétion pour ne pas se faire immédiatement repérer par les dragons.
D'après les rapports transmis par Quinn, Harry n'avait plus eu de "mésaventure" et se montrait même particulièrement doué pour le travail d'équipe. Elle m'avait demandé de lui accorder le marquage d'une des créatures. J'avais évidement refusé, mais je ne me faisais pas trop d'illusions : Charlie allait de tout manière lui autoriser cette action, trop occupé à charmer le sorcier pour s'inquiéter de sa sécurité.
Lorsqu'ils revenaient du marquage de la journée, je devais m'asseoir à mon bureau et commencer à remplir les formulaires de marquage, transférant les informations tels que numéro et formule magique sur parchemins, en y ajoutant les caractéristiques de la créature. Ces formulaires étaient directement envoyés au Service de régulations des créatures magiques du MMR. Je recevais d'abord une confirmation de réceptions, ensuite une demande d'authentification du marquage.
Cette dernière était assez simple, il suffisait de répéter le sortilège pour confirmer le placement de l'écaille sur le dragon. Cette authentification était renvoyée, signée et datée au MMR. Après une dernière confirmation de réception, on pouvait considérer le dragon marqué. Cela permettait de le retrouver très facilement grâce à un sortilège de traçage, et de suivre ses déplacements ainsi que ses migrations. Le marquage jouait donc un rôle crucial dans l'étude des dragons.
J'étais satisfait de la charge de travail qui m'était tombée dessus avec l'avancée de notre mission. Cela m'empêchait de me perdre dans mes souvenirs... un en particulier.
Dès que je n'avais plus rien à faire, dès que mon esprit avait un instant de calme, je rejouais cette scène surréaliste. Ce baiser qui avait semblé faire trembler la Terre, tout en l'arrêtant dans sa trajectoire autour du soleil. Ce baiser qui avait chamboulé mes sens. Ce baiser qui hantait mon esprit, analysant chaque seconde, chaque geste, chaque sensation, encore et encore.
Je ne pouvais m'empêcher de me souvenir de la façon dont il m'avait tenu dans ses bras, évitant soigneusement de glisser ses mains dans mon dos, comme si j'étais précieux. Cette façon de suivre le rythme lent et nonchalant de mes lèvres, cette manière de laisser mes mains l'explorer doucement, sans me forcer à aller plus vite.
J'étais relativement inexpérimenté lorsqu'il s'agissait de contact physique, ayant du mal à l'accepter ou à l'initier. Harry avait semblé apprécier mes gestes lents, me permettant de m'accommoder à la sensation de ses bras, ses épaules et son torse sous mes mains, me permettant de me familiariser avec ce corps étranger et pourtant si séduisant. Il avait cependant eu l'air de devoir batailler avec soi-même lorsque j'avais finalement osé glisser mes mains dans ses cheveux.
Son bras était venu s'enrouler dans mon dos avec puissance, et pourtant il l'avait fait avec tellement de considération que je n'avais pas eu envie de protester. Évitant d'explorer cette partie de mon corps avec ses mains, il avait laissé son bras me serrer contre lui et j'avais exclusivement ressenti du désir, pas la moindre crainte ni honte.
Je m'étais senti si choyé dans ses bras, si respecté sous ses gestes doux, si désiré, que j'avais glissé ma langue contre la sienne. Je ne m'étais pas attendu à l'abandon immédiat du brun, il m'avait à nouveau laissé l'occasion de prendre mon temps, suivant mon rythme en l'appréciant silencieusement.
Je fus tiré de mes pensées par une silhouette faisant irruption dans mon espace de travail. Je sentis l'agacement m'envahir plus rapidement que d'habitude en avisant le sorcier devant moi. La silhouette musclée de Charlie Weasley se penchait sur mon bureau en y déposant une poignée d'objets.
Lui aussi, faisait partie des membres de l'équipe que j'avais soigneusement évité pendant 3 jours. Sa réaction en me surprenant avec Harry avait été assez significative sur ce qu'il pensait de cette situation. Il était évident, qu'il estimait que le jeune sorcier était sa chasse gardée. Je préférais donc éviter la confrontation et l'évitait, ayant du mal juger s'il allait aborder le sujet ou non.
- Quinn pensait que tu aimerais avoir ceci.
Je jetais un coup d'œil à ce qu'il avait étalé sur mon bureau en sentant une certaine gratitude envahir ma poitrine. Il s'agissait d'un assortiment d'écailles de différentes tailles et couleurs, un bout de griffe, ainsi qu'une coquille d'œuf de dragons. Je retins ma main de glisser sur les objets avec douceur.
C'était parfait.
- J'apprécie, dis-je en relevant le regard vers le roux.
- Ça te couterait quoi de dire "merci" ? Demanda-t-il d'une voix amère qui ne lui ressemblait pas.
Je haussais un sourcil, refusant de répondre.
Je ne remerciais pas les gens qui m'apportaient les cadeaux des autres. Tout comme je ne me répandais pas en excuses pour un rien. J'estimais la valeur des remerciement et des excuses, je ne les utilisais pas à tord et à travers. Je savais que cette attitude ne me rendait pas plus sympathique aux yeux de mes coéquipiers, mais rien ne le faisait.
- On t'a déjà dit que tu étais terriblement arrogant ? Demanda Charlie avec un sourire narquois de celui qui espère que ses mots soient blessant.
- Régulièrement, dis-je avec calme, très peu affecté par sa tentative d'insulte.
Nous y étions donc.
Ce combat de coq absolument futile pour savoir qui allait remporter les faveurs de Harry. Je n'avais pas la moindre envie de jouer à ce jeu avec le roux. Ce pour un certain nombre de raisons. La première, et plus importante, étant que Harry avait le choix, libre à lui de m'embrasser moi ou Charlie. Ce choix lui appartenait et je n'allais pas le lui prendre.
- Tu n'as pas adressé la parole à Harry depuis trois jours.
- Lui non-plus.
Je détournais le regard du roux pour me concentrer sur une écaille particulièrement luisante. Elle était d'un vert absolument fascinant, me rappelant le regard envoutant d'un certain sorcier chaotique. Je la fis glisser entre mes doigts, admirant sa douceur comparée aux autres écailles. Le dragon qui avait porté cette écaille devait l'avoir gardé longtemps sur lui avant de la perdre, sans doute des années avant qu'elle ne se détache de son corps pour finir dans ma main.
- Si tu as quelque chose à dire, dis-le. Je n'aime pas perdre mon temps.
Je relevais le regard vers le sorcier pour voir qu'il fronçait les sourcils, déformant les cicatrices de son visage. J'inspirais par le nez, il allait parler et ensuite je pourrais considérer le sujet comme clos. Je n'aimais pas m'attarder sur des débats pareil.
- J'aimerais savoir ce que tu veux de Harry ?
- À quoi cela t'avancerait ?
- Il a vu tant de gens aimé mourir, il a souffert pendant si longtemps de ces pertes. Il est constamment sous les lumières des projecteurs, célèbre pour quelque chose d'aussi désolant que la mort de ses parents. Il est entouré de tellement de choses négatives qu'il mérite le bonheur, l'insouciance et la facilité. Il est plus sensible qu'il n'y parait ! Je ne veux pas qu'il soit blessé. Il mérite d'être heureux et choyé.
Je restais silencieux, attendant la suite qui ne tardait pas à venir. Je serrais les lèvres pour retenir les remarques amères qui me brulaient la langue. J'appréciais énormément Charlie, mais doucement, cette affection se muait en écœurement, à l'entendre parler de Harry comme s'il était un objet fragile, incapable de prendre des décisions, un enfant qu'il fallait protéger du monde extérieur.
- Harry est .... Harry a vu la guerre de si prêt. Il était au centre d'une guerre d'un monde dont il ne connaissait même pas toute l'étendue. Il n'était même pas encore adulte qu'il a dû prendre la tête de la résistance. Il a vu ses amis mourir à ses côtés, il a vus sa famille la plus proche et la plus éloignée le quitter pour un monde où il ne pouvait pas les rejoindre.
Je levais ma main et il s'interrompit immédiatement, réalisant trop tard qu'il venait de dépasser les limites. Je me redressais de ma chaise, posant mes mains à plat sur mon bureau pour ne pas serrer les poings. Je sentais mes intestins se tordre sous l'effet de la colère et de la honte. Je n'aimais pas ces émotions, elles étaient trop envahissantes, trop compliquée à contrôler ou à opprimer. Je ne pus donc retenir l'amertume et la cruauté de vibrer dans mes cordes vocales alors que je lâchais ces phrases que je retenais depuis des années déjà.
- La guerre, c'est ça. C'est perdre des gens qu'on aime sans réellement savoir si cela à un sens. Tu y as perdu un frère, une amie. J'y ai perdu de la famille et des amis. Peu importe le camp dans lequel on combat, la guerre apporte son lot de mort et de deuil pour tous. Mais Harry était au centre de cette horreur uniquement parce que vous l'y avez placé, vous lui avez accordé cette importance, vous lui avez imposé ce choix. Alors, non, je ne te crois pas lorsque tu dis que Harry mérite d'être choyé et protégé. Je pense juste que, toi et tout les autres sorciers, vous réalisez les horreurs que ce garçon a dû voir à cause de vous. Vous essayez de vous faire pardonner, en le berçant dans une réalité qui n'est pas vraie, en le laissant croire qu'il n'a pas besoin de faire d'effort pour plaire, qu'il n'a pas besoin de faire le travail ennuyant, qu'il n'a pas besoin de se sentir coupable de ses erreurs.... vous tentez de vous faire pardonner de votre erreur et en ce faisant vous lui retirer une nouvelle fois son libre arbitre !
J'inspirais profondément en sentant ma gorge se serrer. Je ne voulais pas parler de mes sentiments, pas comme ça. Mais voilà que ces paroles passaient mes lèvres, et je sentais l'amertume faire vibrer mes mots encore plus que d'habitude. Ce n'était pourtant pas dans mes habitudes de m'énerver autant pour quelqu'un d'autre. Mais quand il s'agissait de la guerre et de ces souvenirs... je gardais rarement mon calme. Je sentais mes mains commencer à trembler et je les appuyais plus fermement à plat sur le bureau pour empêcher cette sensation familière de gagner le reste de mon corps.
Cette honte, cette colère... ce que j'étais des années plus tôt, me revenait sans arrêt à l'esprit lorsqu'on évoquait la guerre.
Je soutins le regard de Charlie alors que la colère déformais ses propres traits, j'avais l'impression de voir enfin toute cette aversion que je lui inspirait depuis des années faire surface. Il ne se cachait plus derrière des paroles comiques ou des sourires bienveillants. Il me montrait finalement ce que je lui inspirais réellement.
- Tu penses toujours tout savoir Draco, cracha Charlie. Mais un mangemort ne peut pas savoir ce qu'on perd dans une guerre, un mangemort ne peux pas savoir ce qu'on ressent quand on voit le corps mort de son frère a coté de celui de sa meilleure-amie. Non Drac', moi je ne te crois pas quand tu dis que cela est de notre faute.... c'est de la vôtre, de toi et tout les autres mangemorts, pour ne pas nous avoir laissé d'autre choix que de combattre.
- Sors de ma tente, dis-je à bout de nerfs.
Je sentais mes doigts me démanger, je sentais la tension dans mon estomac devenir insupportable alors que je me retenais de toutes mes forces de lui jeter le sort qui lui aurait fait ravaler ses propos blessants.
Ses paroles avaient été comme des couteaux dénichant mes plus grands doutes et mes plus grandes craintes pour les faire ressortir. Je sentais ma colère s'enflammer dans le creux de mon estomac. Je dus me faire violence pour ne pas me laisser submerger alors que le roux faisait demi-tour. Visiblement il en avait assez dit. Visiblement il avait gagné cet échange.
- Reste loin de Harry, crut-il néanmoins bon de me rappeler.
Sur ces dernières paroles, Charlie sortis de ma tente et je m'écroulais dans ma chaise en sentant mon cœur battre à m'en rompre les côtes. J'avais un gout d'acide en bouche. Mes mains tremblaient incontrolablement alors que je tentais de les calmer en les serrant contre ma poitrine.
Mangemort.
Depuis combien d'année ce mot n'était-il plus tombé dans mes oreilles ? Depuis combien d'année ne m'avait-on plus insulté ainsi ?
Mes yeux me démangeaient sous le désir de laisser libre cours aux émotions de tristesse, de colère et de honte qui me submergeaient. Mais je m'y refusais. J'avais suffisamment pleuré les erreurs du passé.
Doucement, je sortais un papier de mon bureau.
Voilà des mois que j'hésitais, que je trouvais des excuses, des raisons de prolonger ma présence dans cette équipe. Mais je venais d'avoir la confirmation que je n'y avais plus ma place, que je n'y avais sans doute jamais eu de place. Je pensais pourtant avoir appris de mes erreurs passée, de ne pas m'attacher à ces gens qui ne comprenaient pas qui j'étais, qui ne voyaient que cette façade froide que j'étais incapable de baisser. Je pensais qu'ils comprenaient.
Je saisis un plume et, les doigts tremblants, je signais ma lettre de démission.
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Feels...
J'ai vraiment eu du mal à écrire ce chapitre parce qu'il est tellement important à mes yeux ! Je ne sais toujours pas si je suis satisfaite du resultat mais je pense qu'il pose les bonnes base pour la suite de l'histoire.
Vous en pensez quoi ?
Bises sur vos fesses
- Lily
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