La Guirlande | 6 décembre
Dans un blizzard des plus froids, marqué par une atmosphère gelée qui semblait pétrifier sur place tout ce petit monde, l'ombre approchait dangereusement. Puis, la menace apparut distinctement : ce n'était nul autre que le Général Gelé, un soldat aux traits durs et à la voix grave et dont le visage semblait sculpté dans la glace.
Une expression impassible, presque trop sérieuse, restait constamment présente sur son visage froid. Sa bouche formait une ligne droite incrustée dans une glace qui semblait incapable de fondre. Le Général avait également un pouvoir des plus impressionnants, mais aussi des plus effrayants : en maîtrisant les températures, il pouvait créer une armée de soldats de glace en un clin d'œil et quand bon lui semblait.
Que faisait-il ici, de manière aussi soudaine ? Aubin se forçait à croire qu'il ne s'agissait que d'un pur hasard, ou bien que le soldat n'était que de passage et s'était arrêté les saluer par politesse.
Mais les naïves pensées du petit flocon furent balayées par l'intonation féroce du Général, dont il fallait toujours se douter des intentions...
— Je vais faire court, commença-t-il brusquement, faisant taire d'un souffle glacé les chuchotements des dizaines de petits flocons qui se croyaient discrets. Je ne veux qu'une chose ici présente, et personne ne pourra m'empêcher de la prendre.
Tout le monde retint sa respiration face à la prestance du soldat, qui inspirait une terrible admiration, mais aussi une immense peur à tous les petits êtres hivernaux.
— J'ai toujours voulu renverser l'ordre de ce monde, continua-t-il. Alors, écoutez-moi bien, vous tous ! Je suis le Général Gelé, et je vais renverser la Reine des Cieux ! Bientôt, ce sera à moi que vous obéirez.
Odélia lâcha un grand cri de surprise à l'évocation de celle qui l'avait fait naître. Ce fichu soldat allait-il vraiment oser s'attaquer à la plus grande Majesté que leur petit monde avait connu ?
La stalactite royale n'eût cependant pas le temps de se questionner plus longtemps. Sans crier gare, le militaire fait de glace bloqua la porte de la maison dans une cascade de gel qu'il déversa tout contre le bâtiment, enfermant définitivement les enfants à l'intérieur. Puis, dans un élan qui fit frissonner tout le monde, il fendit l'air d'un coup de vent glacial du bout de ses doigts brillants avant d'abattre le même geste pour récupérer Odélia. La pauvre princesse se retrouva dans les airs, se débattant contre une puissance hivernale qu'elle n'était pas en mesure de combattre, tandis que le Général riait à gorge déployée.
— Voilà un parfait butin pour faire plier votre Reine des Cieux ! déclara-t-il d'un ton mesquin. Adieu, mes futurs sujets, on se retrouve bientôt !
Une pluie de gel plus tard, le Général Gelé avait disparu, emportant Odélia avec lui. Tout s'était déroulé si vite, que même Etienne ne sût quoi faire face à cette prise d'otage soudaine. Aubin fut quant à lui marqué par le kidnapping qui venait de se dérouler sous ses yeux. Lui qui avait tant œuvré pour sauver la belle princesse avec ses camarades, le voilà qui n'avait rien pu faire pour empêcher ce soldat monstrueux d'en faire un vulgaire élément de négociation pour obtenir le trône !
Le petit flocon sentit la pression s'accroître sur ses frêles épaules, et laissa quelques perles gelées s'échapper de ses yeux à mesure qu'il prenait conscience de la situation. Tout autour de lui, le silence régnait, réalisant l'ampleur du drame qui venait de se produire. Dans un mouvement rassurant, Etienne enveloppa les flocons avec douceur avant de les faire valser dans les airs. Puis, il s'approcha d'Aubin tendrement,
— Nous allons trouver un moyen de sauver Odélia, je te le promets, chuchota le Vent d'une voix presque paternelle.
Le flocon hocha la tête, encore choqué par la scène qui venait de se dérouler. Il se laissa ensuite aller à l'étreinte que lui offrait le souffle d'Etienne, qui l'emporta bien loin de la maison des enfants et du lieu de la tragédie.
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