La Guirlande | 5 décembre

Il fallait réfléchir, et vite. Ou plutôt, agir vite. Pour quelques secondes encore, les enfants regarderaient leurs amis au plafond sans comprendre. Aubin n'avait qu'à s'avancer et ouvrir le sac. La plupart de ses frères et sœurs s'en sortiraient, et peut-être que les enfants, dégagés de l'influence démoniaque de Jade, ne leur feraient aucun mal. Mieux valait quelques camarades blessés que tous disparus.

Sa décision prise, il se dépêcha de courir pour ouvrir le sac, mais... trop tard. Les enfants criaient déjà après lui. Il n'aurait pas le temps ! D'un bond, il parvint aux ficelles et les dénoua. Dans le sac, les flocons tremblaient en imaginant le pire et les premiers garnements se penchaient avec leurs énormes doigts avides sur eux lorsqu'enfin, le nœud se défit. Là-haut, au plafond, Princesse Moon aboya férocement, et éternua de plus belle, produisant un bruit si terrifiant que tout le monde se figea.

Aubin n'en croyait pas ses yeux : la bourrasque causée par ce son furieux venait de disperser toute la poussière d'étoile et Jade et son maudit chien commençaient déjà à redescendre ! Sans compter que tous les flocons étaient dispersés dans tous les sens ! Quelle catastrophe !

— Venez, par ici ! cria soudain une voix venue de l'extérieur.

Cette intervention providentielle permit aux premiers flocons de s'échapper par la serrure de la porte. Mais bientôt, ils furent trop nombreux et cette issue de secours fut bouchée.

— Les flocons s'en vont ! s'exclama un enfant d'un air déçu.

Et il se précipita à l'extérieur... en ouvrant la porte en grand ! Jade fulminait, mais elle n'avait pas atteint le sol et ne pouvait pas empêcher ces irresponsables de tout gâcher ! Car une fois une si grande ouverture vers le dehors, les flocons s'empressèrent de sortir. Ils étaient si nombreux et si apeurés qu'ils giflaient les mains, griffaient les joues et s'immisçaient partout dans leur espoir d'échapper au destin funèbre de prisonniers qu'on leur réservait.

— Pourquoi est-ce qu'ils font si mal ? pleura un bambin blond en se protégeant la tête.

À l'extérieur, le chaos le plus total régnait et Aubin ne savait plus où donner de la tête. D'un côté, les enfants couraient dans tous les sens et risquaient de blesser du monde, de l'autre se dressait une haute silhouette qu'il ne reconnaissait pas et dont les autres flocons ne semblaient pas vouloir s'approcher malgré tout le danger de leur situation.

Il se tenait pour responsable du capharnaüm, c'était donc à lui de le régler. Il devait affronter cette entité qui refusait de les laisser partir. Aussi, il se drapa dans sa toge et marcha à contre courant, en direction de ce qui se révéla être une stalagmite de haute stature, toute emberlificotée dans un écharpe qui ne lui seyait visiblement pas. Enfin, Aubin put mettre un nom sur ce visage qui lui évoquait un vague souvenir pour l'avoir observé de loin, lors d'une livraison, et il comprit pourquoi ses frères et sœurs contournaient d'aussi loin que possible cet endroit.

— Odélia ! Princesse ! Quel plaisir de vous voir ! Que faites-vous ici ?

— Partez ! ordonna l'Éminence d'une petite voix. Il arrive !

Aubin fronça les sourcils :

— Qui ça ? Qui arrive ? Il n'est pas temps de s'inquiéter pour quelque chose d'hypothétique ! Nous devons fuir immédiatement ou ces enfants nous réduirons tous en petites flaques !

Il hésita, puis se rattrapa :

— Bien que vous seriez alors une plus jolie flaque que nous.

— Je ne peux pas bouger ! Ce tissu me ronge petit-à-petit et bientôt, il ne restera rien de moi alors partez !

— Je n'abandonnerai pas une princesse ici ! refusa Aubin. Tous ensemble, nous pouvons bouger cette écharpe, je vous le promets.

— Vous ne devez pas...

— C'est notre devoir !

Aussitôt, il courut vers le flocon le plus proche et demanda au nom de la princesse de partager ce message : « que tous ceux qui ont encore de la force se joignent à moi, nous allons sauver la princesse Odélia ! ».

En quelques secondes, l'alerte se diffusa et Aubin s'éloigna du tumulte causé par ces millions de voix pour se concentrer sur l'appareil orange qu'il extirpa de son sac rose.

— Que faites-vous ? demanda Odélia.

Sans répondre, Aubin composa un numéro et à l'autre bout du fil, quelqu'un décrocha très vite.

— Étienne, c'est Aubin ! Nous avons besoin de toi immédiatement !

— Je sais bien que c'est toi, c'est ton numéro ! Où es-tu ?

— Quelque part sur la Terre.

— C'est précis, dis-moi. Enfin bon... Je n'en ai pas pour long à faire le tour, j'arrive ! assura la voix chantante au travers de l'appareil avant de raccrocher.

Soulagé d'avoir accompli une partie de sa mission, Aubin se retourna et scruta les alentours. L'aide à la princesse se mettait petit-à-petit en place sous la supervision d'un énorme flocon qu'il n'avait jamais vu, mais dont il admira aussitôt le courage dans cette situation dramatique. Les derniers flocons voltigeaient autour des enfants pour attirer leur attention ailleurs que sur le sauvetage qui s'opérait : les flocons s'accrochaient un à un au tissu et poussaient de toutes leurs forces pour le soulever, tout en évitant de toucher la peau de leur princesse à qui ils devaient trop de respect.

Soudain, un formidable coup de vent bouscula les enfants et les renvoya dans la maison, claquant la porte derrière eux. On entendit Jade tambouriner, le husky aboyer, mais rien n'y fit : le battant resta clos. Dehors, Étienne tentait de se diviser du mieux qu'il pouvait pour aider. Il fournit beaucoup d'efforts, souffla et s'arc-bouta, et sa force permit finalement aux flocons d'ôter l'écharpe et Odélia récupéra toute sa vigueur en peu de temps.

Hélas, ils avaient déjà trop tardé. Une ombre les recouvrit soudain. Étienne et Odélia murmurèrent de concert avec un air effrayé :

— Il est là.

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