La Guirlande | 2 décembre

Aubin s'empara alors du téléphone portable orange citrouille qu'il cachait habituellement dans la poche intérieure de sa toge. Le flocon y tapota un rapide message qu'il envoya à Étienne, aussi appelé Monsieur le Vent. Aubin et Étienne s'étaient rencontrés un après-midi d'hiver, l'an passé alors que ce dernier livrait un colis à la Reine des Cieux. C'était une histoire tout à fait banale. Le flocon blanc s'amusait sur la balançoire de la Grande Place en chantant « Un p'tit flocon vert ». Monsieur le Vent l'avait entendu et félicité pour sa superbe harmonie et, ensemble, ils avaient entonné cet air le reste de la journée. Comment c'était, déjà ? Ah, oui.

« Un p'tit flocon vert,
Qui volait dans l'ciel,
Je l'attrape par l'côté
Je le montre à Majesté.

Sa Majesté me dit :
Trempe-le dans l'chocolat,
Donne-lui de la pizza,
Il sera un bon gâteau,
Tout gros ! »

A cette pensée, Aubin sentit le vent tourbillonner de droite à gauche et de gauche à droite. De plus en plus vite, de plus en plus fort ! Étienne avait accepté la requête de son ami. Et le flocon s'envola, s'envola si vite ! Si haut ! Bien plus haut que tous les oiseaux du ciel. Si haut qu'il commençait à avoir la tête en coton. Le flocon s'écria en tenant fermement son sac à main rose qui manquait de valdinguer dans tous les sens.

— Étieeeeenne ! Pas si viiiiite !

— Pardon, mon ami, s'excusa Monsieur le Vent de sa voix ronde et lente. Ton voyage s'arrête ici, à bientôt.

Le vent s'arrêta de souffler. Aubin en profita pour recoiffer ses boucles d'or, lisser les plis de sa toge et s'assurer que ses bottines d'albâtre étaient toujours bien accrochées à ses pieds. Parfait, il allait enfin pouvoir rejoindre la lueur diffuse de l'étoile blessée. Mais comment la retrouver ? Le ciel était plein d'astres brillants qui illuminaient la Terre les soirs d'hiver. Aubin soupira, désespéré de ne pas savoir par où commencer quand tout à coup, une légère odeur de cannelle s'imposa à ses narines délicates. Voilà ! C'était elle ! Il en était sûr ! La seule étoile à la cannelle accrochée au bleu nuit du ciel !

Le flocon se mit à renifler l'air comme un chien pisteur. Deux pas à gauche. Cinq pas à droite. Tourner dix fois sur soi-même. Tituber sans tomber sur huit pas... La voilà ! La magnifique étoile à la cannelle qui sentait bon et qui avait la couleur du pain d'épice ! Elle était assise sur une chaise et semblait bouder.

— Bonjour petite étoile, pourquoi es-tu triste ?

— Bonjour flocon, je suis triste parce qu'il me manque une pointe sur la tête. Je suis moche. Laide. Les autres étoiles sont tellement plus jolies que moi. Personne ne m'aime.

Aubin détailla l'étoile à la cannelle d'un air songeur. Qui avait bien pu croquer sa cinquième pointe ? Il s'assit à côté d'elle et posa une main réconfortante sur son dos.

— Tu sais, sa Majesté m'a toujours répété que la beauté est dans l'œil de celui qui regarde. Je crois que tu devrais t'admirer avec plus d'indulgence. Moi, je te trouve très jolie, et c'est pour toi que j'ai entrepris un voyage aussi secouant ! Je voulais te rencontrer.

— Pour moi ? Mais je n'ai rien de spécial. Personne ne me dit jamais que je mérite d'être regardée, ni ne me trouve belle. Je suis fade. Et il me manque un coin.

— Tu vois la Terre qui est en face de nous ? Elle est magnifique, n'est-ce pas ? Pourtant, elle aussi, elle croit avoir des défauts. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que les autres la voient différemment. Ils la trouvent incroyable. Et l'aiment. Tu sais, jolie étoile, on n'est jamais moche. On se regarde toujours comme si on était la pire horreur au monde alors que les autres, eux, ne voient que les choses qui nous rendent belles. Il te manque un coin ? Et alors ? Tu es merveilleuse.

— Je crois que tu as raison. Dorénavant, je m'apprécierai !

Soudainement, PIF, PAF, POUF ! Une pluie de paillettes tourbillonnante entoura l'étoile à la cannelle et l'éblouit un instant.

— Mais qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-elle.

— Ça alors ! Ton cinquième côté ! Personne ne l'avait dévoré, il était juste bien caché !

— Tu as raison, il suffisait simplement de s'aimer !

Les deux amis se mirent à danser ensemble sur un air de boogie woogie. Quelle bonne nouvelle ! Ils firent la fête quelques heures durant, rejoints par les autres étoiles, et dévorèrent plein de biscuits au goût d'orange. Mais Aubin devrait bientôt rejoindre ses frères et sœurs. Alors, il fit un câlin à son amie l'étoile à la cannelle.

— Tiens, je t'offre une poignée de paillettes qui sont apparues grâce à toi. Au revoir, mon petit flocon, à bientôt !

Aubin mit la poignée de paillettes dans son sac à main rose, fit un dernier signe de la main à l'étoile et se jeta dans le vide afin de retomber sur Terre, rejoindre sa famille. Il vit à nouveau les cimes des arbres dont les branches vertes étaient recouvertes de blanc. Il caressa des yeux la fourrure des animaux qui passèrent en courant dans la poudreuse. Puis, il rejoignit les autres flocons pour leur raconter l'aventure qu'il venait de vivre et l'amie éternelle qu'il avait rencontrée. Il allait entamer passionnément la partie sur la fête quand une horde de bambins, toutes frimousses pleines de chocolat chaud sorties, s'approcha d'eux en courant et hurlant.

— Des flocons ! Attrapons-les !

Oh non ! Pas des monstres ! Ils étaient effrayants avec leurs bonnets colorés et leurs gants dépareillés. Vite, vite, il fallait fuir ! Les gamins allaient les piéger avec leurs immenses filets à papillons.

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