La Guirlande | 1er décembre
Le ciel s'était habillé de couleurs incongrues pour l'occasion. Il avait enfilé une toge de satin et de soie qui retombait sur ses épaules en mille et un plis brillants, en autant de reflets colorés. Les broderies d'émeraude se mêlaient à celles de saphir et de rhodonite, cachant presque les centaines de points étoilés qu'un fil doré agile avait appliqués sur la peau noire de la nuit.
Le temps était doux, froid, et le vent chantait des odes d'amour aux accents désespérés, hurlant parmi les arbres, faisant frémir les feuilles, s'agiter les aiguilles des sapins bleus.
Un soir de fête et de joie, un soir de bal dans le Royaume des Cieux, et pourtant c'est ce soir-là qu'Aubin choisit de tomber.
Il s'approcha timidement du bord et, comme tous ses frères, comme toutes ses sœurs, avant et après lui, en même temps que lui à ses côtés, passa un pied mal-assuré derrière la frontière des nuages. Il sentit son corps basculer, son propre poids l'entraîner en avant, l'emporter vers une terre enneigée qu'il ne connaissait pas mais qu'il avait hâte de parcourir.
Il traversa l'aurore, glissa au travers des couleurs chatoyantes, scintilla comme un diamant sous les rayons du soleil levant, petite paillette glacée et irisée.
En ce matin d'hiver, il neigeait.
Aubin rassembla autour de lui ses jupes opalines, en secoua les restes d'aube colorée puis leva les yeux vers l'endroit d'où il venait. La soirée était finie, tout était redevenu simple. Seuls de paresseux nuages aux reflets rosés se pavanaient dans la pâleur d'un ciel à peine réveillé. L'astre du jour éclairait blanc et Aubin secoua sa tête de petit flocon. Il n'était pas venu ici pour ressasser, mais pour explorer ce monde qui s'offrait à ses yeux !
D'après ce qu'il en comprenait, il se trouvait sur le toit d'une maison égarée, perdue dans l'immensité de l'inlandsis. Tout autour de lui, ses frères et ses sœurs s'éveillaient, s'étiraient. Certains se laissaient déjà emporter par une brise froide, prêts à voyager et à s'en aller enneiger d'autres lieux plus lointains.
Aubin se redressa sur la pointe de ses bottines d'albâtre et commença à marcher. Il savait très bien que s'il ne quittait pas le faîte qu'il couvrait, il n'aurait même pas l'occasion d'exister : déjà il sentait ses forces fondre sous la chaleur distante du soleil. Il était libre, enfin !, et comptait bien en profiter. Il s'arrêta au bord du toit, laissa pendre une jambe, puis l'autre, et, finalement, se laissa glisser. Le vent le prit dans ses bras, le berça, l'emmena au loin. Aubin frissonnait de ravissement.
Le flocon valsa au-dessus des forêts de la taïga, parcourut la toundra. Il effleura du bout des doigts le haut des arbres, caressa des yeux la fourrure des animaux qui passèrent en courant dans la poudreuse, mais il continua sa route. Il virevoltait, dansait. Au loin, il devinait que ses frères et sœurs faisaient de même. Tous ensemble ils devenaient tempête de neige. Ils s'approchèrent des villes. Les humains rentraient la tête dans leur col, enfonçaient leur chapeau sur leurs oreilles, resserraient leur écharpe. Aubin et sa famille apportaient ici un froid encore plus mordant qu'à l'usuel et tous se pressaient pour rentrer chez eux.
Aubin avait hâte de continuer son voyage et pourtant, ce fut ici qu'il s'arrêta. Car, du haut de la bourrasque, il avait entr'aperçu un éclat familier, amical.
La lueur diffuse d'une étoile blessée.
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