La Guirlande | 16 décembre

Aubin se figea, sa lame creusant une petite égratignure étincelante dans la peau de glace du Général.

— Princesse ?! Que voulez-vous dire ? Nous ne pouvons pas laisser le Royaume à la merci de cet ignoble traître, vous savez aussi bien que moi qu'il faut en finir !

Le regard du Général passait frénétiquement du petit flocon qui le tenait à sa merci au visage déformé par la douleur d'Odélia, dont la taille diminuait de seconde en seconde. Aubin, bien que stupéfait et dans l'expectative, ne se laissait pas distraire, ne lui laissant pas la moindre possibilité de s'enfuir.

Sous le regard horrifié du petit flocon, la royale stalactite commença alors à pleurer, accélérant encore la fonte de son corps gracieux. Aubin commit alors une terrible erreur : sa loyauté pour la princesse ayant raison de son sang froid, il esquissa un mouvement dans sa direction, oubliant le piège qui le séparait d'elle et les dizaines d'armes hérissant la pièce. Le Général Gelé s'engouffra immédiatement dans l'ouverture qui lui était ainsi offerte, reprenant en un instant le dessus sur son minuscule assaillant.

Alors qu'un combat acharné reprenait, malgré l'épuisement évident des deux ennemis, Odélia usa de ses dernières forces pour lancer un cri déformé par la douleur :

— Arrêtez ! Arrêtez de vous battre ! Général, je sais que vous allez gagner, Aubin est bien trop faible. Mais il tiendra encore un moment, et je n'y survivrais pas. Je vous en prie, emportez-moi et fuyez ! Avec mon aide, renverser la Reine sera un jeu d'enfant !

Le petit flocon lâcha son arme sous le choc. Il n'en fallut pas plus au Général pour dominer immédiatement son adversaire, brisant net deux des branches du petit être pétrifié par l'incompréhension en le plaquant contre le sol.

Terrassé de douleur et de chaleur, incapable de réaliser ce qu'il venait de se passer et violemment maintenu au sol par le plat de l'épée du Général, Aubin ne put que le voir se redresser victorieusement, un rictus moqueur sur ses lèvres de glace.

— Qu'aurais-je à faire de l'aide d'une ridicule princesse à moitié morte, prête à trahir son peuple sans l'ombre d'une hésitation pour sauver sa peau ? Je vous écraserai tous, et sans me rabaisser au niveau d'une détestable petite lâche comme toi, Eminence.

Crachant avec mépris le dernier mot, il se releva d'un bond, trancha d'un coup d'épée les flèches enflammées et les toiles d'araignées qui cernaient Odélia et se précipita vers la petite fenêtre du donjon, qu'il brisa d'un coup d'épaule.

Alors, sous le regard désespéré de la royale stalactite et sans plus se soucier du petit flocon blessé encore étendu sur le sol, il sauta dans le vide impressionnant qui le séparait de la terre.

Odélia poussa un cri perçant et se précipita vers la fenêtre, l'air glacial qui s'y engouffrait restaurant immédiatement une partie de ses forces. À des dizaines de mètres plus bas, dans les douves enneigées qui entouraient la forteresse et à travers le blizzard opaque qui soufflait furieusement, impossible de déterminer si le Général avait survécu ou non à la chute.

Se détournant sans plus attendre, non sans prendre au préalable une grande inspiration revigorante, la princesse s'approcha d'Aubin, hésitante. Le petit flocon gisait misérablement sur le sol, de minuscules perles étincelantes jaillissant sans discontinuer des deux vides béants où se dressaient auparavant les magnifiques branches qui faisaient sa fierté de flocon.

Odélia sentit une larme de glace rouler sur sa joue. Qu'avait-elle fait ? Comment pourrait-elle vivre en sachant qu'elle avait failli vendre son royaume pour sauver sa vie ? Qu'à cause d'elle, le valeureux Aubin ne serait plus jamais le même ?

Dévastée, pétrie de doutes, elle passa doucement la main dans les boucles d'or du petit être, si vulnérable en cet instant, qui se serait sacrifié sans hésiter pour elle. Perdu dans les profondeurs délirantes de la douleur, Aubin marmonnait des phrases sans queue ni tête, dont on distinguait parfois des "Non !", "Odélia", et "Princesse".

Des sons répétés se firent alors entendre du côté de la porte. Quelqu'un venait, et pas seul, à en croire le bruit. Odélia se redressa prestement. Elle ne pouvait pas rester là, pas après ce qu'elle avait fait – ou au moins failli faire.

Des larmes de glace roulant sur son beau visage, se mêlant sur le sol aux perles étincelantes qui s'écoulaient toujours des blessures d'Aubin, elle déposa un doux baiser sur le front glacé du petit flocon, avant de s'avancer à nouveau vers la fenêtre.

Lorsqu'une horde de flocons inquiets pénétra dans la pièce, accompagnés d'un Etienne qui les supportait de toute la force de son souffle, elle se tenait encore en équilibre sur le rebord de la fenêtre, dos au blizzard semblant la couronner de son sifflement furieux.

L'instant d'après, elle se laissait tomber dans le vide, ses lèvres bleutées murmurant un "Je suis désolée" empli d'une immense tristesse.

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