Chapitre 17 : La Victoire de Samothrase
La soirée de la veille n'avait pas été très concluante pour Roxane. Elle avait toujours autant de questions sans réponses et elle espérait que cela changerait dans les heures qui suivirent son réveil un peu brusqué. En effet, elle n'avait pas de nouvelles de Rosalind, n'avait toujours pas revu Néo depuis le premier jour où elle était entrée dans la Tour, et puis il y avait Proudhon, cette histoire de Clef de l'Anarchie, et il y avait Jayce et Anne qui lui manquait aussi, et la lumière du jour...
Roxane se réveilla dans le noir, elle ne savait pas quelle heure il était et ne s'en souciait pas. Espoir sauta sur son lit. Il ronronna en se frottant contre la jeune fille tout en tâtant les draps du bout de ses coussinets.
- Oh, t'es là toi ! chuchota la jeune fille
Il ronronnait encore et encore, sûrement en guise de réponse.
Tout à coup les lumières de la chambre s'allumèrent. La luminosité semblait plus faible, comme pour ne pas avoir mal aux yeux. Roxane releva la tête et regarda dans la pièce : Il n'y avait pourtant personne.
- Qui est là ? Cyril ? Rosa ?
Aucune réponse. Jusqu'à ce que...
- Bonjour, mademoiselle Musset. Excusez-moi pour ce réveil inhabituel mais...
C'était la voix de l'ascenseur, la fameuse intelligence artificielle.
- Je suis désolée, j'ai oublié de me présenter. Je suis IAnaelle. Il est déjà neuf-heure et demi et Cyril est déjà dans l'ascenseur, en direction de votre chambre. Vous deviez vous mettre quelque chose de plus présentable, non ? Ce n'est qu'une suggestion...
Roxane se leva d'un bond. Elle enfila un long gilet de laine beige, aux motifs octopus d'un bleu acier et engrenage en or, qui était sur un fauteuil près de son lit. Elle ne savait que dire.
- C'est beaucoup mieux comme ça, déclara la voix robotique. Attention, Cyril toquera dans cinq, quatre, trois, deux, un...
Trois coups se firent entendre sur la porte. Roxane resta bouche-bée. Trois coups à nouveau. Elle se hâta à la porte. Elle l'ouvrit.
- Pomme pomme pomme, pomme pomme pomme, chantait le jeune garçon. Qui veut des pommes ? Pomme pomme pomme.
Il secouait deux pommes rouges dans ses mains comme des maracasses. Il en tendit une à Roxane.
- Une p'tite pomme ? proposa-t-il avec un grand sourire.
Roxane l'attrapa et croqua dedans. Elle lui explosa en bouche. Croquante et juteuse. Comme elle les aimait.
-Vas-y, entre, dit la jeune fille en laissant le passage libre. Avant d'entrer, le jeune garçon prit sur son chariot à roulette en acier un grand sac qui protégeait sûrement une robe.
- Encore un joyau de la haute couture ! se moqua Cyril. C'est la sœur du Roi en personne qui me les donne chaque matin !
- Rosalind, des robes de Rosalind...
- Elle n'en veut pas, c'est pour toi maintenant !
Il ouvrit la pochette noire et ils y découvrirent la tenue : elle était en trois pièces. En bas, une jupe qui tombait jusqu'aux cheville. Elle était composée d'un ensemble avec plusieurs volants, chacun de motifs différents : un volant synthétique vert sapin, un second vert impérial uni, un autre noir ardoise avec des motifs floraux en velours, et un dernier, noir. Par-dessus cet ensemble, un corset. Il se portait avec les ficelles sur le devant. Celui-ci était beige avec des portées musicales en motifs, et le derrière était en velours noir. La pièce finale était un boléro, un petit gilet très court, rayé de deux bleus : un bleu fumée et un bleu bleuet.
*
La luminosité à l'étage Edison était très importante. Ici, la lumière éclairait les peintures, les sculptures et autres œuvres d'arts. Les néons utilisés ne détérioraient pas les œuvres : une technologie qui, dans les environs de 2020 avait révolutionné la sécurité des œuvres dans les musées et y avait été installée dans tous. La lumière était réputée pour détruire les œuvres, mais plus à partir du vingt et unième siècle. Au centre de plusieurs statues, une triomphait.
- C'est La Victoire De Samothrase, une sculpture grecque de l'époque héllénistique, représentation de la déesse Niké, dans la mythologie grecque, déesse de la victoire (en effet, Νίκη en grec signifie victoire), sœur de Cratos (Κράτος qui veut dire pouvoir), de Bia (Βία, la force) et de Zélos (Ζῆλος, le zèle). Sûrement qu'elle était posé à l'avant d'un navire... Elle est généralement représentée ailée et – comme le disait les légendes – avait sûrement des capacités de déplacement à grande vitesse. Elle a même inspiré une grande marque de chaussure du vingt et unième siècle, Nike. (Léopold fit une pause et reprit dans un souffle) Et dire que si le monde n'avait pas sombré sous les eaux, elle serait peut-être encore exposée au Palais Royal du Musée du Louvre, au cœur de Paris, en haut de ses grands escaliers de marbre... Mais aujourd'hui, elle résiste et se dresse encore et toujours, comme la Tour Montparnasse.
- Dommage qu'elle ne soit pas entière, elle aurait dû être belle...
- C'est vrai que sans tête, sans bras et avec une aile en moins...
- C'est tellement bien sculpté, on dirait que c'est une vraie femme mais recouverte d'un voile de marbre...
- En tout cas, si c'est une vraie femme, ça ne doit pas être facile de vivre là-dedans tous les jours et en étant aussi amoché !
Il riait. Roxane non. Elle était bien trop concentrée pour ça.
Quelqu'un fit irruption dans la salle : un jeune homme à lunettes bafouillait et suffoquait des phrases, ou plutôt des suites de mots, qui n'avaient aucun sens.
- Mais mon garçon ! grogna Léopold, calmez-vous ! Qu'est-ce qui vous prend ?!
- C'est ... Rosalind... Qui... M'envoie...
- Ooooh... Ma petite prunelle terrorise mes élèves...
Roxane ria cette fois-ci.
- Elle veut... vous voir... vous et la fille... au sujet... de son frère... et du grand A...
*
Cinquantième étage, Montesquieu, bienvenue.
L'ouverture de l'ascenseur donnait vers un sas. Ici, adieu les décors rustiques des années 20, place au digital, à la technologie et au robotisme. On se serait cru au cœur de la Tour, au cœur de la machine : des tuyaux et fils électriques au plafond, murs métalliques noirs et sol de la même matière. Léopold passa son badge sur un RED (Recognition Device : Dispositif de reconnaissance) ce qui l'identifia et ouvrit directement les portes de verre blindé. Roxane et le vieil homme marchèrent longtemps dans les couloirs sombres. Léopold semblait bien connaître le chemin. Ils arrivèrent dans des interminables couloirs ou derrière les vitres – toujours blindées – des hommes et des femmes travaillaient sur des robots, des armes et autres systèmes explosifs. La jeune fille suivait son berger de près, ayant peur de se faire toucher par un de ses fusils à matière noire, ou par des grenades électromagnétiques.
Dans une salle de réunion, Rosalind et Evelynn discutaient côte à côte à une grande table. Evelynn était maintenant dans un habit beaucoup plus militaire, un équipement de l'armée.
- Toc toc toc, s'écria Léopold, c'est les artistes !
A peine Léopold avait-il fait son entrée que Rosalind se leva et lui attrapa le bras. Elle l'emmena dans une petite salle à côté.
- Il y a un problème ? demanda Roxane à Evelynn.
- Un gros problème pour une magnifique solution, répondit la capitaine avec un clin d'œil.
Sans même vraiment savoir, Roxane comprit que c'était elle, la fameuse solution, mais elle doutait encore à savoir, qui ou quoi était le problème, et si ce n'était pas elle également. Roxane regardait Léopold et Rosalind qui parlaient, isolés, derrière la vitre. Elle ne les entendait pas.
- Qu'est-ce qui te prend Rosa ? Il y a un problème ? demanda Léopold inquiet.
- Oui, un gros problème : mon frère.
- Ton frère ? Il se passe quoi encore ?
- Il recommence à parler tout seul... Enfin, à la voix dans sa tête ou je ne sais qui...
- Ce n'est pas nouveau ça... Je te l'avais dit qu'il était vraiment fou ! C'est pas qu'un coup de fatigue, comme tu le disais.
- Léopold, s'il te plaît, moi-même je commence à craquer alors n'en rajoute pas une couche... Et c'est mon frère je te rappelle !
- Oui, oui... C'est bon... Et donc ?
- Il parlait de ciseaux...
- Pardon ? s'exclama Léopold, sous le choc.
- Tu m'as très bien entendue... Et le pire, c'est qu'il parlait de faire disparaître toutes les paires, de... Il a presque voulu m'attaquer avec !
Léopold regarda Roxane qui semblait perdue, les yeux dans le vide.
- Léopold, regarde-moi dans les yeux, ordonna la rousse. Elle ne doit rien savoir, sur toi.
- Elle n'en saura rien, acquiesça le vieil homme.
- J'ai vu comment tu la regardais. Malgré son innocence, il ne faut pas succomber...
- Je ne succomberai pas... Mais, si ton frère a eu la furie de s'attaquer à toi, alors il n'aura aucun mal à s'attaquer à elle.
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