Chapitre 13 : Gymnopédie, invitation et complot

Avant même de se présenter, il demanda à la jeune fille :

- Ma chère, savez-vous danser ?

- Non, pas encore, mais je pense que vous serez un bon professeur, même dans ce domaine qui n'est pas habituellement le vôtre...

Roxane lui esquissa un clin d'œil. Le vieillard sourit et cligna le l'œil à son tour.

- Vous savez, la danse est aussi un type d'art, bien différent que la peinture, la sculpture, et même la littérature, certes, mais c'est bien de l'art. Et pour vous donner raison, car aujourd'hui j'aimerai éviter les débats, je ne suis effectivement pas qualifié en danse, mais je vais essayer de faire de mon mieux... Changeons donc de musique afin de nous entraîner à ce nouveau domaine.

Léopold ouvrit une boite cubique qui était derrière le tourne disque. Il feuilletait les pochettes jusqu'à trouver le disque qui lui convenait. Il en prit un, un grand vinyle noir, le déposa sur le plateau, prit du bout des doigts le bras afin d'accompagner le porte cellule sur la piste musicale.

- Gymnopédie No.1, d'un certain... Satie, Erik Satie. Écoutons donc les premières secondes afin de nous mettre dans l'ambiance...

Roxane, pour la première fois depuis le début de leur conversation, commençait à entrer dans l'univers du vieil homme. Les deux personnages fermèrent leurs paupières et tendirent l'oreille. Un tempo lent, une basse régulière et une mélodie douce et enivrante.

- Jeune fille, déposez votre main droite dans ma main gauche, et votre main gauche sur mon épaule droite.

Roxane s'exécuta. Léopold posa sa main libre sur la hanche de la jeune fille.

- Maintenant, en rythme avec les basses, je vais vous guider. Un pas en avant, pivotez à quatre-vingt-dix degrés vers ma droite, un pas en arrière, au second pivotez dans la même direction... Renouvelez l'action indéfiniment. Je pense que c'est un bon début, non ?

La jeune fille hocha la tête et se laissa guider. Ils commencèrent alors à danser.

- Mademoiselle Musset ... Enfin, Roxane. C'est bien ça ? Puis-je t'appeler Roxane ? Puis-je simplement te tutoyer ?

- Bien sûr, aucun problème.

- Fais de même alors. Appelle-moi Léopold. De toute façon, entre Léopold et monsieur, le choix n'est pas très compliqué... (Il réfléchit un instant) Sinon on m'appelle Le Vieux, Barbe Blanche, La Taupe... (Il soupira) et bien plus. Mais Léopold suffira, Léo pour les intimes.

- Roxane, ou Rox', pour faire plus court.

- Rox' ... ça fait penser à ... Fox, renard en anglais.

- J'ai une tête de renard ? demanda Roxane rieuse.

- Loin de là ma chère, vous avez un visage des plus magnifiques.

Roxane détourna du regard, gêné.

- Mais pour ce qui est du renard, continua Léopold, tu as l'air plutôt rusé.

Elle finit finalement par le regarder dans les yeux. Roxane ne savait pas où il voulait en venir mais elle ne chercha pas plus loin.

- Tu vas devoir te faire discrète ici, de manière à ce qu'il n'y ait pas de problème. Mais tu vas également devoir vous faire remarquer, afin que ta présence nous soit utile.

- Que voulez-vous... Que veux-tu dire par « utile » ?

Le vieillard approcha sa bouche de l'oreille de la jeune fille. Il lui chuchota :

- Les murs ont des oreilles et les ombres ont des griffes. Parfois, mieux vaut parler des choses importantes lorsqu'il y a du brouhaha. Et ici, ce n'est pas le cas.

Roxane avala sa salive. Un frisson la parcouru. Le grincement de la porte d'entrée se fut entendre.

- C'est fermé ! Cria Léopold qui continuait à danser.

- Apparemment pas pour les jolies dames.

C'était Rosalind, bras croisés, qui venait de faire son entrée.

- Je vois que ça bosse dur ! déclara-t-elle ironiquement

Ils s'arrêtèrent finalement de danser.

- Tu as bien fait de me l'envoyer ! Je l'aime bien ta petite nouvelle !

- Ma petite nouvelle ? Celle de Néo je te rappelle.

- Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai mon petit doigt qui me dit (il agita son auriculaire près de son oreille) qu'elle n'a pas encore réellement parlé avec Néo, je ne me trompe, ma chère Rosalind ?

- Rosa, juste Rosa, et ton petit doigt semble avoir raison.

- Ajoute-la à la liste des invités de ce soir... j'aimerai l'accompagner.

- Toi ? Tu veux aller à la soirée de ce soir ? (elle rit) Laisse-moi rire ! Tu refuses toujours d'habitude ! Et maintenant, tu veux !

- Je veux voir l'entrée du poulain dans l'écurie des étalons, si tu vois ce que je veux dire. Et de plus, j'ai pas mal de chose à lui expliquer.

- C'est la première fois que je te vois aussi pédagogue avec un de tes élèves !

- Ce n'est pas un simple hasard si tu l'as envoyé chez moi, je ne me trompe ?

Rosalind se tut.

- Ce n'est pas qu'une simple élève, continua-t-il, et tu le sais. C'est notre clef.

Elle hocha la tête.

- Je vais réunir les bergers, sauf Néo bien sûr. Il faut lui montrer Proudhon...

- Madame complote contre son frère ? provoqua Léopold.

- Il est plus intelligent que mon père, je te l'avouerai, mais beaucoup plus dompté et moins révolutionnaire.

- Attendez ! cria Roxane. Quelqu'un peut m'expliquer ?! Je ne comprends rien ! Qui est Néo ? Pourquoi vous dites que je suis une clef ? Et quoi ou qui est Proudhon ?

- Chaque chose en son temps ma belle, la stoppa Léopold.

- C'est d'accord, déclara Rosalind, pour l'invitation ce soir. Rendez-vous à vingt heures ce soir au Musset.

- Au quoi ? demanda Roxane.

- Ah, euh... J'avais oublié que tu t'appelles Musset... Et bien...

- Laisse-moi lui expliquer, retourne à tes finances et occupe-toi des listes. Roxane et moi avons pas mal de chose à nous dire je pense.

Rosalind hocha la tête et sortit.

- Assieds-toi ma petite, je vais t'expliquer comment ça marche ici.

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