13. Liam
— Alors. Remettons les choses au clair veux-tu.
Il appuya ses coudes sur ses genoux, ses mains jointes en un poing ferme.
— Je veux mes trois cent mille balles, déclara-t-il d'une voix rauque.
Liam s'efforça de respirer. Il savait que ce moment allait arriver. Il avait laissé Elena partir avec l'argent, et le voilà dans la merde aujourd'hui. C'était prévisible. En un sens, il avait presque attendu ce moment.
— Je ne les ai pas, avoua-t-il.
Les ventes ne lui avaient pas rapportées assez. Et la police resserrait chaque fois plus son emprise, ce qui étouffait son commerce. Les gens n'osaient plus faire appel à lui pour des commandes. Ils préféraient des petits groupes plus discrets, plus faibles. Quant aux marchés, ils l'écartaient de plus en plus des transactions. L'affaire Rovel avait sali son image. Ils craignaient tous de se retrouver avec la police à leurs trousses par sa faute.
— Nous avons un problème, Restrie.
Erza passa sa langue au-dessus de ses dents blanches. Les tatouages recouvraient la moindre parcelle de son visage, jusqu'au coin de l'œil. Il ne l'intimidait pas. Liam avait fait face à des types bien plus dangereux et il n'avait pas tremblé une seule fois. Seulement, c'était sa propre situation qui l'inquiétait. Il avait toujours su honorer ses promesses pour justement ne pas se retrouver dans de telles situations.
— Donne moi deux semaines, négotia-t-il.
— Je t'ai déjà donné un mois. Et ça me fait vraiment de la peine de te dire ça, après tant d'années de collaboration, mais si tu traînes encore, je vais devoir passer au niveau supérieur.
— Me tuer ?
La seule raison pour laquelle il ne voulait pas quitter ce monde, c'était parce qu'il voulait savoir comment son cousin s'en sortait. Pour le reste ? Une balle dans la tête serait bienvenue. Il était foutu de toute façon. La police ne tarderait pas à lui tomber dessus, si ce n'était pas son commerce qui s'effondrait avant.
Mais Erza se mit à rire tout en secouant la tête.
— Non, ce serait bien trop simple.
— Alors quoi ?
Le sourire de son rival s'évanouit. Son regard se fit sérieux, légèrement jouissif.
— Je vais craquer la porte d'Elena. Je vais rentrer dans son appartement. Je vais la baiser comme une chienne, et ensuite, je l'égorgerai.
Liam sentit sa cage thoracique se resserrer, mais il s'efforça de rester neutre.
— Elena se trouve en Allemagne à l'heure qu'il est.
— Tu crois ? fit-il avec un sourire qui en disait long.
Elle lui avait dit qu'elle devait partir. Depuis des semaines. Et il lui avait laissé l'argent pour lui permettre de s'en aller. En premier, pour leur fils, en deuxième, parce qu'il savait qu'on l'utiliserait contre lui. Il avait été à deux doigt de la tuer quand il avait découvert sa tentative d'assassinat sur William. Mais toute cette histoire se trouvait loin dans le passé. Et il s'était promis, autrefois, de ne jamais laisser personne la toucher. Si quelqu'un devait la tuer, ce serait de sa main.
— Elle n'a rien à voir là-dedans. Laisse-la en dehors de tout ça.
C'était un mensonge mais il ne s'en doutait pas.
— Je me fiche de ça. Il y a une seule règle à respecter dans notre monde. Ne jamais aimer. Tu sais pourquoi, n'est-ce pas ?
Il avait appris ça plus jeune. Un dealer de la prison lui avait dit, une fois "l'obscurité finit toujours par engloutir les gens que l'on aime" puis il lui avait tapé sur l'épaule : "ne tombe jamais amoureux, Liam. N'entraîne jamais une personne que tu aimes dans cet enfer."
Erza n'attendit pas qu'il lui réponde. Il avança son torse, plongea son regard profondément dans le sien.
— Parce qu'ils sont les premiers à mourir.
Puis il éclata de rire. Liam n'esquissa pas un seul geste. Il resta de marbre, préférant se muer dans un silence endeuillé. Erza se fatigua vite de sa réplique et se frotta la lèvre inférieure.
— Dans une semaine, si je ne reçois pas mes trois cent mille balles, je mets ma menace à exécution.
— Dix jours.
— Une semaine, trancha-t-il sur un ton sec.
Il n'aurait pas le temps.
Erza se leva. Ses deux acolytes se redressèrent de leurs chaises, prêts à partir. Liam garda son regard fixé sur le mur d'en face. D'habitude, c'était lui qui s'amusait à menacer. Les blagues sanglantes, les rires méchants, les faux espoirs, c'était son truc. Il n'avait jamais été de l'autre côté. Le côté des vaincus.
— La fin approche, Liam, lui rappela Erza. Nous avons tous nos propres carrières, et un jour où l'autre, elle doit s'arrêter.
— Quelle a été ma plus grande erreur, tu crois ?
Il le dévisagea, en attente de sa réponse. Erza et lui passaient des marchés depuis longtemps. Ils avaient fini par se connaitre, du moins dans leur domaine. Liam avait toujours été meilleur que lui, recevant plus de bénéfices, établissant plus de connexions dans la ville pour effrayer ses clients. Erza avait choisi la discrétion. Et peut-être qu'au final, c'était la meilleure stratégie.
— Ton cousin a été ton erreur.
Il serait prêt à tuer chaque homme sur terre pour sauver William. L'amour qu'il lui portait l'avait perdu.
— Ne t'en prends pas à Elena, tenta-t-il une seconde fois.
— Tu n'es pas mon pote, Liam. Te voir pleurer sur le corps de ta copine ne me fera aucune peine.
Il songea à lui dévoiler l'existence de son fils, à lui demander de ne pas priver un enfant de sa mère, mais il sut que ça ne changerait rien. Il connaissait les règles. Pas d'appitoiement.
— On se revoit dans une semaine, annonça Ezra avec un air satisfait.
La maison devint silencieuse. Il enfouit son visage dans ses mains. Une semaine n'était pas suffisant. Plus personne n'osait lui prêter de l'argent, ni osait lui faire une grosse commande. Les trois quart de ses clients étaient partis. Tout ça pour un sac de trois cent mille euros qu'il aurait du recevoir, mais qu'Elena avait pris avec elle.
Il se redressa et sortit son téléphone de sa poche. Il l'avait trafiqué, changé la carte SIM, fait toutes les manipulations nécessaires pour ne pas se faire retrouver par la police. Il devait être trois fois plus prudent à présent. Tous les numéros qu'il avait eu s'étaient effacés dans le processus, mais il connaissait celui d'Elena par cœur. Il le composa puis appela.
Elle répondit quelques secondes plus tard.
— Liam ?
— Où es-tu ?
Un bref silence.
— Pourquoi ?
Elle était méfiante. Bien.
— En Allemagne ou en France ?
— Encore en France. La prise en charge a été retardée parce qu'il manquait des papiers sanitaires que j'ai fait faire. Et je... je ne sais toujours pas comment m'y rendre.
S'il ne se trouvait pas dans une situation aussi merdique, il lui aurait laissé une voiture. Mais pour l'instant, il n'en avait qu'une, et il ne pouvait pas se permettre d'en emprunter une autre.
— Quand est-ce tu comptes partir ?
— Je pensais que tu ne voulais plus me voir.
— Elena, répond à ma putain de question.
Elle soupira.
— J'en sais rien. Je n'ai même pas reçu les documents encore, mais dès que je les ai, je pars. Ça devrait prendre une ou deux semaines encore.
Trop long. Bien trop long. Et il ne pouvait pas se risquer de la laisser à découvert.
— Viens ici en attendant.
Il l'entendit étouffer un rire incrédule.
— Tu déconnes là ? C'est toi qui m'a dit que la prochaine fois que tu me verrais, tu me tuerais.
— J'étais en colère.
— Ouais, en colère. Tu es tout le temps en colère de toute façon. Contre moi, contre tes hommes, contre le...
— Viens ici. Avec le petit. Tu seras plus en sécurité.
Il n'avait aucune envie de l'entendre déblatérer un discours philosophique sur ses sauts d'humeur.
— En sécurité de quoi ? insista-t-elle.
— Est-ce que tu peux faire ce que je te dis pour une fois ou c'est trop difficile ? s'agaça-t-il.
— Je n'ai de voiture et je ne compte pas prendre Victor avec moi sur la moto.
— J'irai te chercher. Tu as deux heures.
— Liam, qu'est-ce qui se passe ?
— Sois prête quand j'arrive, se contenta-t-il de dire.
Il raccrocha.
Deux heures plus tard, il était garé devant chez elle, les feux de détresse allumés. Il fixait la porte de l'appartement d'un air impatient. Rester à découvert trop longtemps le mettrait en danger. Il vérifia son téléphone pour une quelconque notification, mais Elena ne lui avait rien envoyé. Enfin, après plusieurs minutes d'attente, elle sortit. Sa main était enveloppée dans une autre, un garçon aux cheveux châtains déjà grand, mais dont le regard reluisait d'innocence. Elena portait un sac de voyage sur l'épaule, la couleur claire de ses cheveux resplandissant sous des rayons de soleil oubliés. Il s'était promis de ne jamais la revoir. Il s'était promis.
Ses doigts se resserèrent autour du volant. La voix d'Ezra résonnait dans son crâne. Je vais la baiser comme une chienne, et ensuite, je l'égorgerai. Il n'avait pas le choix. C'était soit il brisait sa promesse, soit elle mourait. Et que se passe-t-il si elle meurt, Liam ? En quoi cela t'importe-t-il ?
La portière arrière s'ouvrit. Le garçon s'installa sur le siège, lui jetant un regard curieux.
— Bonjour, dit-il.
Liam garda le silence. Elena s'engouffra aussitôt côté passager. Elle laissa échapper un soupir, calla les sacs à ses pieds. Puis elle coinça ses cheveux derrière ses oreilles, tournant son visage vers lui.
— Tu vas devoir m'expliquer.
Il redémarra, ignorant sa requête. À mi-chemin, il ouvrit la fenêtre de sa portière et sortit de la poche arrière de son pantalon un paquet de cigarette. Il parvint à l'ouvrir d'une main puis soustraire une tige. Il la coinça entre ses dents, délaissant le paquet dans le compartiment du milieu. Il se rendit compte trop tard qu'il n'avait pas de briquet sur lui. Victor analysait ses moindres faits et gestes depuis l'arrière. Ce petit le déstabilisait. Depuis le rétroviseur central, il sentait ses yeux le transpercer. Liam se reconcentra sur sa recherche de briquet dans le chaos de la boîte centrale. Ses yeux ne se détachaient pas de la route, mais sa main remuait maladroitement dans le compartiment.
— Attends, l'arrêta Elena d'un air las.
Elle referma la boîte et sortit de son propre sac un briquet. Son bras se tendit vers lui, la flamme jaillit. Le papier prit feu. Elle ne regardait pas la cigarette. Elle le regardait lui. Il éloigna lui-même sa main quand ce fut suffisant.
— Merci, marmonna-t-il.
Son intérêt se reporta à la route de manière forcée. Il recracha la fumée du côté de la fenêtre, se délestant d'un poids invisible. Il sut qu'à l'instant où il arrêterait de fumer, son estomac se tordrait à nouveau. Mais ce fut un soulagement, même si celui-ci était passager.
— On va où ? demanda enfin le garçon.
Un bref silence suivit.
— Chez ton père, annonça Elena.
Il poussa un rire amer. La fumée lui brûla les poumons. Ses doigts se crispaient tellement au volant que ses muscles commençaient à lui envoyer des signaux de douleur. Il eut envie d'enfonçer la pédale d'accélération et de foncer dans un arbre. Seule la présence de Victor l'en empêcha.
Celui-ci assimilait la réponse avec une légère appréhension. Il jetait des coups d'œil entre sa mère et lui comme s'ils allaient tout à coup se mettre à lui expliquer leur histoire dans tous ses détails. Ce qu'aucun des deux ne fit.
Une fois arrivés, Elena mena Victor à l'étage, lui assignant la chambre la plus isolée de toute la maison. Liam vérifia une dernière fois qu'il n'y ait aucun paquet de cocaïne ou d'une autre sustance qui traîne. Lola était passée la veille pour lui fournir les dernières réserves, celles-ci précieusement gardées dans la cave. Elle n'avait rien laissé dans la partie principale.
Elena redescendit plusieurs minutes plus tard. Son débardeur noir remontait au-dessus de ses hanches, ses épaules recouvertes d'une veste grise. Elle appuya son épaule sur l'encadrement de la porte du salon.
Il était assis sur le canapé, la place qu'Ezra avait occupé plus tôt dans la journée. Plusieurs mètres les séparaient, et pourtant, il jugea cette distance trop petite.
— Alors ? insista-t-elle.
Il fit craquer ses doigts.
— Vous serez plus en sécurité ici.
— En sécurité de quoi ?
Il allait tout perdre. Tout. Son commerce, sa réputation, peut-être même sa liberté. Il recouvrit son visage de ses mains. S'il pouvait sauver quelque chose du moins, il le ferait. Son fils. Il pouvait sauver son fils, lui donner un avenir meilleur que le sien. Et pour cela, Elena devait s'occuper de lui. Elle était une bonne mère. C'était elle qui devait vivre, et lui mourir, pas l'inverse.
Le canapé s'affesça à ses côtés. Elle venait de s'asseoir à sa gauche, le visage toujours aussi inexpressif. Cependant, ses yeux trahissaient d'une certaine inquiétude.
— Liam, prononça-t-elle.
Des morceaux de souvenir le frappèrent. Sa silhouette de l'autre côté du lit, son sourire matinale et sa voix qui l'appelait. Liam. Liam ! Puis elle partait en courant, son rire résonnant entre les parois de l'appartement. Elle lui avait donné envie de reprendre sa vie en main. D'escalader la société au lieu de se laisser étrangler par elle. D'avancer au lieu de s'enfoncer. Dix ans étaient passés et sa présence faisait encore ressurgir l'humanité qui restait de lui. Rien n'avait changé.
— Je n'ai plus rien, souffla-t-il. Je ne peux pas rembourser ma dette. Tu sais comment ça marche. Ce n'est pas à moi qu'ils vont s'en prendre.
Elle posa sa main sur son genoux.
— C'est moi qui t'ai pris l'argent.
— Pour le petit.
— Mais j'ai aussi l'argent de Duvois. Si je te rends l'argent, il me suffirait de travailler quelques mois dans un bar ou un restaurant pour pouvoir partir. Et une fois en Allemagne, je travaillerai aussi. Ça ira.
— Tu parles allemand peut-être ? répliqua-t-il d'un ton sec.
Elle ne parlait même pas anglais. Travailler dans un pays sans parler la langue était impossible.
— Ce n'est pas seulement ça, continua-t-il. Mon marché est foutu. La police exerce une trop grande pression et plus personne n'ose s'associer à mon nom.
Il savait que ce jour viendrait. Mais pas aussi soudainement. Le meurtre d'Emma avait signé la fin de son entière carrière. Elena planta ses yeux vers sur lui.
— Et si tu partais en Allemagne avec nous ?
Il la dévisagea sans y croire. Fuir n'était pas une option. Des hommes comme Ezra finissaient toujours par retrouver la trace de leurs proies.
— Non.
— Lia...
Il se releva mais elle accrocha sa main, le poussa à se rasseoir. Il n'eut pas la volonté de lutter. Plus maintenant, plus après avoir constaté la destruction de tout ce qu'il avait construit. Elle s'agenouilla sur le canapé pour prendre plus de hauteur, plaqua sa main sur sa joue. Son nez effleura sa tempe, ses cheveux frôlèrent son épaule. Elle approcha son corps de si près qu'il crut la sentir se fondre en lui. Son parfum l'enveloppa et le perdit. Il aurait dû la repousser. Lui dire que c'était fini. Qu'il ne l'avait accueillie ici que pour Victor.
Mais il aurait menti. Il l'avait menée ici parce qu'il l'aimait. Il l'avait toujours aimée, peu importe la distance ou les années qui les séparaient.
— Viens avec nous, souffla-t-elle contre son visage. S'il te plaît.
Il voulut reformuler son "non", mais il n'y arriva pas. Ses lèvres parcoururent le creux de sa joue, puis s'approchèrent de sa bouche. Alors il glissa ses doigts dans ses cheveux et l'embrassa, passionément, bestialement. Elle échappa un hoquet de surprise mais se laissa aussitôt faire. Leur baiser eut quelque chose de déchirant, comme s'ils se disaient adieu. Liam laissa ses émotions prendre le dessus et ravager ses choix. Il se jeta désespéremment sur elle, referma son emprise sur sa nuque, colla son corps contre lui. Elle répondit à ses demandes, comme elle l'avait toujours fait. Elle agrippa ses cheveux courts, respira en accéléré. Sa peau brûla contre lui, et il la dévorait dans ses baisers.
Son désir d'antant ressurgit, s'empara de chaque parcelle de son âme. Il goûta à ses lèvres, à sa peau, aux courbes de son corps. Il la touchait comme s'il sculptait lui-même son œuvre d'art, mais d'une manière impulsive, presque enragée. Enragé par le peu de temps qu'il leur restait, enragé par toutes ces années qu'ils avaient gâchés. Il l'enserra, mordit sa lèvre, tout pour ne plus la voir partir. Parce qu'elle était la dernière chose qu'il lui restait entre les ruines de son empire.
— Liam, murmura-t-elle en s'écartant légèrement.
Il saisit son crâne entre ses deux mains, la suppliant silencieusement de ne prononcer aucun mot qui impliquerait leur séparation. Elle reprit son souffle. Ses paupières tombantes battaient des cils comme si elle venait de se réveiller d'un rêve. Puis elle souffla :
— Je suis désolée. D'être partie sans rien te dire, de t'avoir caché l'existence de Victor. Il y a tellement de choses...
Sa voix se brisa, mais elle déglutit et reprit :
— Tellement de choses que j'aimerais changer. J'ai tiré sur Sasha et je m'en suis voulue la minute d'après. Trop de fois j'ai été tentée de me ruer chez toi et de me rassurer comme tu le faisais avant. J'ai été une mauvaise amante, une mauvaise mère, j'ai...
— Tu n'es pas une mauvaise mère.
— Je lui ai menti pendant dix ans sur qui était son père.
Il écarta une mèche blonde de son visage.
— Nous sommes ce que la vie nous force à être.
Elle déposa son front contre le sien. Le silence les recouvrit, profond et calme. Il n'y avait plus rien à dire. S'ils devaient s'excuser pour tout le mal qu'ils avaient fait, ils n'en finiraient jamais. Non, ils n'avaient pas été les héros de cette histoire. Au lieu de se sacrifier, ils avaient tués. Au lieu de protéger, ils avaient détruit. Ils n'avaient fait que des erreurs. Mais c'était ce qu'ils étaient. Des êtres imparfaits qui aimaient plus les défauts que les qualités. Et peu importe comment le monde les jugeraient, ils connaissaient leurs raisons.
— Je viens.
Elle ouvrit brusquement les yeux.
— Quoi ?
— Je viens, répéta-t-il.
Alors un sourire étira ses lèvres et elle se jeta à son cou. Il glissa sa main sous son débardeur et enfouit son nez dans le creu de son épaule. Il n'y avait plus rien pour lui ici. Ses propres hommes s'en iraient travailler ailleurs. Il prendrait l'argent restant avec lui et toutes les armes qu'ils lui faudraient pour se défendre. Puis il disparaitrait. Il pouvait même simuler un suicide, Ezra ne se fatiguerait ainsi pas à le poursuivre.
— Merci, l'entendit-elle dire.
Soudain, une toux résonna à quelques mètres. Elena se décrocha presque immédiatement. Liam aperçut Victor, son teint devenu étrangent pâle. Il toussait comme s'il s'arrachait les poumons. Ses yeux se gorgeaient de larmes.
— Mon bébé, viens là, l'appela Elena.
Il se rua dans ses bras. Elle l'enlaça comme s'il s'agissait d'un morceau d'elle. Il continua de tousser contre son épaule tandis qu'elle frottait son dos. C'était donc ça, son étrange maladie. Sa toux grasse lui rappela les constantes crises de son père, du sang recouvrant ses doigts, une cigarette à moitié consommée posée sur la table. Il avait vu ses parents succomber à la toux. Il ne verrait pas son fils tomber dans cette même affliction.
Victor déposa sa joue contre l'épaule d'Elena, plantant ses yeux bruns sur lui. Des larmes dévalaient son visage. Liam ne sut quoi dire. Il aurait du prononcer des mots de réconfort, lui dire que tout irait bien même s'il s'agissait de mensonge, ce qu'un père ferait. Mais il n'avait pas appris à être père. Il faisait face à son fils de dix ans pour la première fois, sans savoir si celui-ci le détestait ou l'aimait.
Victor du percevoir son malaise, car il détacha sa main du cou de sa mère et la laissa tomber à côté de lui. Il lui offrait l'opportunité d'établir un lien. Liam la saisit. Il enferma ses doigts dans sa paume. Et il y exerça une faible pression. Victor esquissa un sourire discret. Sa toux avait cessé.
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