Chapitre 8 - Balade entre amis

La nouvelle s'est répandue comme une trainée de poudre. Un élève qui sort de l'école en trainant les jambes, le teint pâle, les yeux vitreux et le tout avec du sang qui coule à profusion, ça a tout l'air d'un zombie au premier abord et c'est bien ça qui fait le buzz ! Tout Facebook en parle, les photos sont commentés, étudiés, partagés. Mais qui a bien pu lui faire ça ? L'hypocrisie en arrive à son paroxysme : ce jeune étudiant de 5ème, moqué, bafoué et inconnu au bataillon jusque-là en devient un héros national. Un martyre inconnu, sans nom.

Nicolas, lui, se réveille avec une grosse douleur au cou et à la nuque. Sa vision dans le miroir lui arrache une grimace : il a une grosse trace de strangulation. Le gorille n'y est vraiment pas allé de main morte. Il a quelques éraflures sur les avant-bras mais rien de bien méchant, surtout s'il se compare au 5ème. Rien que de l'imaginer dans sa chambre d'hôpital lui tire un frisson. La culpabilité le ronge. Il va falloir qu'il trouve une solution.

La discussion de la veille au soir ne s'est toujours pas faite. La porte de sa chambre, son sanctuaire, est resté verrouillée malgré les plaintes, les cris, les coups. Il sait que son attitude est égoïste, mais il n'est pas prêt à affronter la vérité. Comme si les éviter pouvait retarder l'échéance, comme si c'était lui qui devait apposer le sceau de la séparation. Il n'est pas naïf, cette fameuse discussion devra bien se faire un jour ou l'autre, mais à l'heure actuelle, Nicolas se demande plutôt comment il va faire pour aller en cours sans croiser ses parents.

Il attrape une écharpe fine qu'il noue autour de son cou. Un regard dans le miroir lui confirme que c'est bon, on ne voit pas les marques. Pas question de leur offrir des prétextes de moquerie gratuite. Son sac prêt, il ouvre la fenêtre et se penche au-dessus de la gouttière. Est-il vraiment en train de fuir la maison, et pour aller à l'école de surcroit ? C'est le monde à l'envers. Il saute.

Le fond de l'air est frais et le vent souffle de plus en plus fort. Nicolas resserre sa veste autour de son cou puis ouvre le portail de la maison. Il traverse la rue au pas de course, de peur de se faire voir par ses parents à travers la fenêtre de la salle à manger, et c'est là qu'il l'entend venir.

— Je savais bien que t'habitais là, p'tit Nicolas.

Henry. Adossé sur le mur d'en face, un sourire suffisant sur son visage. Merde.

— Hey, part pas trop vite copain, on va marcher ensemble !

— Qu'est-ce que tu me veux ? Tu m'espionnes ?

— J'pense pas que ta vie soit assez intéressante pour qu'elle ait le mérite d'être espionné. Non, je voulais juste... discuter avec toi !

— J'en ai pas du tout envie.

— Oh, t'es pas drôle !

Nicolas s'arrête sur place. Il est gonflé.

— Drôle ? Arrête de faire comme-ci on était potes.

— On pourrait le devenir !

— Ça va pas ou quoi ?

— Ça va très bien, merci.

Les deux se regardent quelques secondes, puis Nicolas recommence à marcher.

— T'as le feu aux fesses on dirait.

— J'ai juste pas envie de te voir.

— Bon, ça suffit maintenant.

Henry lui attrape le bras et le retourne dans son dos. La douleur est intense, il échappe un petit cri. Nicolas se retrouve la joue plaquée contre le mur, et la bouche d'Henry à quelques centimètres de son oreille.

— J'ai essayé d'être patient avec toi mais j'en ai ras le cul de ton attitude. Tu vas m'écouter maintenant. Pigé ?

— Va te... faire... FOUTRE ! TOI ET TON GORILLE !

Un craquement dans son épaule. La main de Henry est plaquée sur la bouche de Nicolas, son hurlement est étouffé.

— Fais pas le malin ou tu vas avoir très mal.

— C'est bon, lâche-moi putain !

— Tout doux.

Nicolas retrouve l'usage de son bras, mais une douleur terrible l'envahit. Des larmes perlent à ses yeux tellement il souffre.

— Tu vas arrêter de faire le con maintenant ?

Il ne répond pas. Un mélange de rage et de peur le paralyse de la tête aux pieds. Il se fait plaquer violemment contre le mur.

— Si je voulais te voir, c'était pour te faire une proposition.

— N... NON !

— Et pourquoi ? Tu sais même pas ce que je vais te dire !

— Pourquoi faire ? Tu vas me péter la gueule comme l'autre gamin.

— Ok, comment il s'appelle ?

— Hein ?

— Comment il s'appelle ?

— Mais... j'en sais rien, qu'est-ce qu'on s'en fout !

— Exactement. T'en sais rien, et t'as quand même voulu l'aider. Pourquoi ? Pour jouer les héros ?

Il n'en sait rien. Tout a commencé à cause de lui, alors qu'il ne le connaissait même pas. Il essaye de se rappeler les commentaires qu'il a pu lire sur internet mais non, cet élève est inconnu. Il a seulement souvenir d'un vague 5ème F, ce qui ne l'aide pas beaucoup.

Mais ça ne change rien.

— Parce que c'était injuste.

— Tu sais ce qui est injuste ? Se faire virer un mois, connard.

— Pas ma faute.

— On y arrive, soit patient !

Henry le relâche un peu. Il a l'air de prendre beaucoup de plaisir à ce petit jeu. Une petite tape sur la joue de Nicolas lui confirme que c'est lui, son jouet.

— J'pense que t'es quelqu'un de bien, et tu pensais pas à mal. On t'a un peu malmené alors que t'avais rien cafté mais eh, tu m'as quand même fais virer une semaine après tout, nan ?

Il éclate de rire. C'est vraiment un psychopathe.

— J'te propose un p'tit boulot pour te racheter. Quelque chose pour nous prouver que t'es pas rancunier.

Pour Nicolas, l'angoisse atteint son maximum. Son bourreau, sous son calme et son dédain apparent, s'amuse à la manipulation des esprits plus faibles. Le pire c'est qu'il a l'air de ne pas être le dernier des cons, mais il fallait qu'il utilise son cerveau pour torturer les gens.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— J'veux que tu défonces la gueule à David.

— David ?

— Figure-toi que le gamin qui est à l'hôpital à un nom. Et c'est David.

— Pourquoi je ferais ça ?

— Tu m'as dit que tu t'en foutais de ce mec, c'est plus le cas ?

— Mais je m'en fous pas... je... enfin je le connais pas, merde quoi j'vais pas le frapper gratuitement !

— Rien n'est gratuit. On arrête de t'emmerder, y'a plus de soupçons sur Patapouf, tout le monde est content !

— J'le ferai pas.

— Bon.

Henry fouille délicatement dans son blouson et en sors... un couteau.

— Si tu le fais pas, je plante tes parents. Je sais où tu habites. C'est toi qui décide.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top