Chapitre 5 - Sous les étoiles
Ses parents rentrèrent tard, très tard. Il le sait, il ne dormait pas. Les mains jointes sur son ventre, les yeux grand ouverts, il a tout essayé mais impossible de trouver le sommeil. Si seulement un cerveau pouvait s'éteindre manuellement pouvoir arrêter de cogiter. Toutes ces images, toutes ces pensées arrêteraient de lui pollué l'esprit. Quelle incroyable contradiction que d'avoir le corps qui hurle de fatigue et la tête qui bouillonne d'idées. Et si je n'avais pas aidé ce 5ème ? Et si j'avais tourné à gauche au lieu d'aller aux toilettes ? Et si je n'existais plus, est-ce que l'école serait triste ? Et mes parents ?
Il sent son portable vibrer sur sa table de nuit, encore et encore, sans interruption depuis qu'il a écrit son commentaire haineux. Il ne regardera pas. Peur de savoir ce qu'en pensent les gens ? Évidemment. Il a pensé à supprimer son commentaire mais c'est sûrement trop tard maintenant. Le temps qu'il se calme un peu, toute l'école a déjà dû en discuter en long et en large. Les ados sont des spécialistes en termes de gossip, encore plus de nos jours avec les réseaux sociaux.
Son ami Benoît l'a contacté par-là, justement. Dans la même classe en primaire, ils ont été séparés en 6ème. Mutation du père, la famille a suivi dans le sud. Ils continuent à discuter régulièrement mais ce soir, il n'a pas envie de parler. Benoît à sûrement vu la photo, lui aussi. Il doit vouloir savoir de quoi il en retourne. Non, pas ce soir.
Il regarde son réveil. 4 heures du matin. À moins que Henry ne soit somnambule, il est sûrement chez lui maintenant. Est-ce qu'il dort paisiblement après sa dure journée de labeur ? Enfoiré, va. Il s'approche de la fenêtre avec un petit pincement au cœur tout de même mais non, personne. La nuit est magnifique ce soir. Il ouvre la fenêtre pour profiter de l'air frais. Il ferme les yeux et respire un grand coup.
Puis il passe un pied par-dessus bord.
Depuis petit, Nicolas a cette fâcheuse manie de grimper sur le toit de la maison. Sans vis à vis, légèrement incliné pour pouvoir regarder les étoiles, c'est son petit havre de paix rien qu'à lui. Il s'allonge et laisse doucement les bruits de la nuit et la fraiche brise du soir l'emporté loin de ses soucis.
Sauf que ce n'était pas prévu. C'est donc avec une extrême fatigue et un dos en compote qu'il se réveille en catastrophe sur le toit de sa maison, après avoir miraculeusement grappillé deux ou trois heures de sommeil. Il est en train de chercher une solution pour ne pas aller à l'école quand quelqu'un frappe à la porte. Son père, pour une fois.
- "Hey fiston. T'as vraiment une sale tête."
- Je tiens ça de mon père.
- T'as aussi hérité de ma répartie on dirait."
Les deux se regardent en silence. Lui et son père ne sont plus du tout aussi proche qu'avant, les conversations entre eux se font plutôt rares. Depuis quand ? Bonne question.
- "T'étais où hier soir ?
- Avec ta mère.
- Ah. Cool. Écoute papa, je...
- Tu veux que je t'emmène à l'école ?"
Wow. C'est nouveau ça. Qu'est-ce qu'il s'est passé hier soir ?
- "Je... pense que je suis un peu malade.
- Malade ? Tu me l'as feras pas à moi, allez, bouge tes fesses et prépare toi, je t'emmène.
- Euh... ok."
On a tendance à ne pas négocier devant son père. Sa boule au ventre reprend la place qu'elle occupe depuis deux jours maintenant, et son cerveau se met à carburer. Au moins il s'épargne le bus, mais il n'a pas du tout envie d'aller en cours. Il inspire doucement par le nez. De toute façon, il n'a pas vraiment le choix.
* * *
- "Bon alors, ça va ?
- Ça va.
- Les cours, tout ça ?
- Ouais."
Comme prévu, le trajet en voiture se fait dans un silence gêné. Nicolas regarde par la fenêtre pendant que son père fume une cigarette en écoutant RFM. Il déteste cette fumée, cette odeur qui empeste dans la voiture depuis de longues années. Il ouvre la fenêtre.
- "Écoute Nicolas, faudrait qu'on... il faut qu'on parle, tous les deux."
- Quand tu veux."
Il se doutait bien que ça cachait quelque chose. Rare sont les fois où Nicolas a une interaction avec son père sans qu'il y ait sa mère à côté.
- "C'est... pas évident.
- Dis-le sans réfléchir.
- Ta mère et moi, on a discuté hier soir."
Nicolas ne répond pas. Il sent venir la nouvelle à des kilomètres.
- "On va... se séparer."
La voiture restera silencieuse jusqu'au collège. Il s'en doutait, mais la nouvelle fait tout de même l'effet d'un couperet. Les larmes lui montent aux yeux mais il se force à ne rien montrer. De la fierté. De la bêtise plutôt.
- "Tu... en penses quoi ?
- Qu'est-ce que tu veux que je réponde ?
- Je sais pas, Nicolas.
- Ben moi non plus."
Il sort de la voiture et claque la porte plus fort qu'il n'aurait voulu. Il ne sait vraiment pas quoi en penser. Qu'est-ce qu'il va se passer pour lui ? Merde, pourquoi maintenant ? Ils jouaient vraiment bien la comédie en fait. Est-ce qu'il est en colère ? Dire le contraire serait mentir.
Ce qu'il ne sait pas, c'est que son père aussi pleure en regardant son fils marcher vers le collège.
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