Chapitre 2 - Les premiers mensonges

Nicolas ne voit pas le premier coup venir et il se retrouve recroquevillé par terre, les mains sur les côtes et le souffle coupé. Il a du mal à respirer.

- "Fallait que tu viennes nous emmerder toi, hein ? C'est quoi ton problème ? T'es content que j'me sois fait virer ?".

Nicolas aimerait bien répondre mais rien ne sors de sa bouche. Il est terrorisé et il a mal. Très mal. Merde, c'est lui qui a cherché les embrouilles en premier lieu, non ?

- "Pourquoi tu... pourquoi tu...

- Quoi quoi, accouche là.

- Vous lui vouliez quoi à ce 5ème ? Il est deux fois plus p'tit que vous."

La foule hurle face à cette contre-attaque. Les trois compères se regardent et c'est le premier garde du corps de Henry qui va répondre. Il est grand mais très maigre, avec un long coup et un nez crochu. On dirait une fouine.

- "FERME-LA !"

Le coup de pieds est d'une violence inouïe. Nicolas se retrouve sur le dos et il n'en bougera plus. Tout son corps brule, de douleur mais également de honte. Il n'y a rien de pire que les spectateurs qui vous regardent comme un animal en cage et vous somment de vous relever pour retourner au combat. Ils rigolent entre eux, les yeux exorbités par la soif de violence. Il suffirait d'un seul d'entre eux pour tout arrêter, mais non. Personne ne bouge.

- "MERDE V'LA L'PION, CASSE TOI !"

- Fais chier. C'est loin d'être fini, le p'tit Nicolas. J'te jure que tu vas morfler si tu kaftes."

Cette grosse voix, c'était le deuxième garde du corps. Il n'y a pas que sa voix qui est énorme, il est obèse. On dirait un gros ours en surpoids. Les quatre mousquetaires détalent au loin, la foule se disperse faute de spectacle. Nicolas se relève péniblement et se retrouve nez-à-nez avec le surveillant.

- "Ça va petit ? Ils t'ont frappé, tu veux que j'appelle quelqu'un ?

- Non ça va, merci.

- T'es sûr ?

- Oui oui.

- C'était qui ?"

Nicolas se fige un instant. Il aimerait pouvoir simplement lui expliquer, qu'ils soient punis. Quelle est cette crainte de se confier aux adultes, comme s'ils n'avaient jamais pu connaitre ces problèmes de jeune ? Pourquoi cette loi du silence, ce sentiment que les bourreaux ont toute puissance face aux grands, que les représailles sont moins graves que d'avouer la faute ?

- "Personne."

Aussi il prend son sac et va prendre son bus. Il essaye de s'assoir mais déjà, les moqueries fusent sur lui.

- "Alors, on s'est fait tapé ?

- Tu t'es même pas défendu, lopette !

- T'es trop naze !"

Il essaye de faire comme si cela ne l'atteignait pas. Il est extrêmement dur de se construire un masque quand on a les entrailles gelées par la peur et les côtes qui brulent. Alors il ne répond pas. Il regarde par la fenêtre et revit la scène dans son esprit sous le prisme de l'angoisse.


Une fois arrivé chez lui, il se dirige tout de suite vers sa chambre. Il entend sa mère au loin qui lui demande comment elle va, mais elle ne s'étonne plus de ne pas avoir de réponse. Après tout, il a 14 ans, il grandit et il a besoin d'espace. Nicolas aurait bien aimé pouvoir s'affranchir de ces barrières sociales et se lover dans les bras de sa mère pour tout lui raconter. Mais il se bloque, il se braque, il doit garder ça pour lui. Il soulève doucement son pull et se regarde dans le miroir. Des grosses plaques rouges. Ils ne l'ont clairement pas raté.

Il a envie de croire qu'Henry s'est suffisamment vengé. Malheureusement, Nicolas n'en était pas au bout de ses peines et passera peut-être la dernière nuit à peu près tranquille de sa scolarité.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top