CHAPITRE QUATRE
Rédactrice : @Siou_Nonie9768
"Regardez, c'est lui ! Le voilà !"
Progressivement, plusieurs autres habitants se retournèrent et coururèrent* assez vite en direction de Joaquim et Loïc.
Ils n'eurent pas le temps de se poser énormément de questions, ils prirent leurs jambes à leurs cous en premier lieu.
Une course effrénée commença alors, course qui les fit passer de rue en rue, en passant par la place centrale et par le bar d'Édouard J.
La totalité du village les suivait, se séparant en plusieurs groupes pour essayer de bloquer la route aux deux pourchassés.
Joaquim avait bien émis l'idée d'aller se cacher dans la grange de Capucine G., une "vieille chouette" qui a perdu la raison il y a de cela des années et qui ne bouge plus de son canapé - faisant donc partie de la minorité des habitants à ne pas suivre le nouvellement veuf - mais monsieur F. avait tout simplement répliqué que la grange était déjà occupée par Rita A., qui ne manquerait pas des les dénoncer.
Ils tournèrent dans une ruelle, croyant déboucher sur quelque part, mais ils se rendirent compte trop tard qu'ils avaient atterri dans un cul-de-sac.
"Montons." Désigna Joaquim en montant déjà à l'échelle qui les conduirait au toit de la maison du maire.
Monsieur F. prit un certains temps à le contredire, montrant sa cheville à son vis-à-vis.
Blessure superficielle, il ne s'était à aucun moment brisé ou foulé la cheville mais était victime d'hallucinations dû au stress.
Joaquim D. tira sur son poignet pour essayer de le faire bouger et de le forcer à monter, mais pour seule réaction, le veuf cria involontairement.
Il posa ses deux mains sur sa bouche, mais il était bien trop tard : il venait de révéler leur position.
"Par là, j'ai entendu du bruit ! Je parie qu'il a essayé d'le buter, faut l'brûler !"
La voix fut vite remplacé par des pas précipités et des cris, ce qui poussa monsieur D. à attraper à nouveau le poignet de Loïc F., essayant une nouvelle fois de le faire bouger, en vain.
"Mais bouge ! Ils vont t'tuer !"
Malgré sa force, Joaquim ne réussit pas à le soulever, le bonhomme en face de lui étant trop grand pour lui - et trop lourd, et ça, Loïc le devait sûrement à tout ces gâteaux qu'il mangeait en restant assit devant son télescope.
Ni une ni deux, Loïc fut attrapé par des villageois et embarqué loin de Joaquim, à qui on dit de ne pas s'inquiéter car il était à présent hors de danger.
On lui expliqua rapidement que les habitants étaient venus à la conclusion irréfutable suivante : Loïc F. avait tué sa femme. Et pour ça, on devait le tuer à son tour.
Le petit baraqué ne répondit rien, ne sachant que faire ou que penser. Trop d'informations étaient rentrés dans sa boîte crânienne en trop peu de temps.
Loïc F. gesticulait en essayant de se défaire de la prise de Fernand H., qui possédait les muscles de Joaquim mais avec une grande taille non-comparable à celle du petit baraqué.
On l'emmenait directement sur la place où il était passé quelques temps plus tôt en essayant de fuir - et il ne savait toujours pas pourquoi, d'ailleurs.
On l'installa sur un bûcher, attaché à un poteau et entouré de paille. Le maire, monsieur Philibert B., se trouvait non-loin sans aucune réelle expression sur le visage. Certains diront qu'il pensait que ce n'était pas une bonne idée, d'autres diront que le détraqué qu'il est pensait encore à cette pauvre Prune F. et à son corps déformé à ses pieds.
"Loïc F. Nous te rendons coupable du crime de ta femme, Prune F. Pour ce crime, tu dois être puni, et voici ta punition : la mort."
Les applaudissements et les sifflements commencèrent. Le veuf recommença à se débattre autant qu'il le pouvait, comprenant enfin dans quelle situation critique il était fourré.
"J'ai rien fait !
- C'est cela, oui. Pas la peine d'essayer, la justice est irrévocable. Bourreau, finissons-en."
Le bourreau improvisé, Thibalt W., prit le flambeau entre ses mains et sembla beaucoup se plaire à jouer ce rôle. Un sado-masochiste jouissant de faire souffrir n'importe qui, et curieusement assez ami avec le maire.
Il mit le feu au bûcher et les cris des spectateurs reprirent, cachant presque ceux du puni.
"Vous l'regretterez ! Il r'commencera et vous r'gretterez !"
Le spectacle dura, et les mises en gardes du défunt ne furent pas prises comme telles, totalement ignorées par tous les habitants présents.
Joaquim fut chargé de débarrasser le corps et de l'emmener au cimetière où on le jeta dans un trou.
Joaquim D. n'avait pas pris la parole depuis qu'on l'avait mené sur le bûcher, son cerveau fulminant d'idées et de théories sur son ancien coéquipier. L'avait-Il vraiment tué ? Le jugement avait peut-être été un peu trop rapide.
La journée prit fin et tout reprit sa place, les habitants étant persuadés d'avoir mis la main sur le coupable.
▪▪▪▪▪
Un cri. Un horrible cri avait fendu l'air.
Celui de Capucine G., qui s'était exceptionnellement rendu dans sa grange en cette journée nuageuse. Rapidement, les voisins de la vielle chouette étaient venu voir ce qui avait provoqué son cri, alors qu'elle ne parlait presque plus et qu'elle n'avait aucune raison d'être dans sa grange.
Édouard J. menait la petite troupe de curieux vers la source du bruit. Sinistre fut la scène qui se présenta à eux.
"C'est pas vrai... ça r'commence."
Le corps de la femme, corps difforme et nu, comme celui de Prune F., était exposé.
Elle avait de toute évidence les membres désarticulés en vue de la position dans laquelle elle était disposée dans la paille.
Elle avait la gorge tranchée, les yeux inexistants, sortis de leurs orbites.
Cette vision avait fait tomber dans les pommes la vielle propriétaire de la grange.
Édouard J. était resté de glace, incapable d'accomplir un simple mouvement ou d'émettre un simple son.
On demanda le maire, qui arriva sur les lieux peu de temps après.
Édouard J. lui avait demandé de rester loin du corps, pour simplement qu'il ne réagisse plus autant qu'il l'avait fait la première fois.
On reconnut alors Rita A., occupante de la grange et accro à bon nombres de drogues diverses.
Le maire ordonna précipitamment qu'on réunisse les habitants dans le bar d'Édouard J., afin qu'il leur communique directement la mort de Rita - bien que presque toute la population était déjà au courant.
Le bruit des chuchotements et des verres qu'on remplissait, vidait, puis tapait contre le bar ou les tables en bois une fois vide couvrait tout autre bruit extérieur à la pièce. Philibert B. était monté sur l'une d'entre elle, pour être sûr que tout le monde le verrait et l'entendrait bien.
"Mes très chers amis, ennemis, voisins. Vous avez peut-être déjà entendu parler de la nouvelle qui nous est parvenue ce matin : Rita A. est morte, dans les même circonstances troublantes que Prune F. Vous comprendrez que nous ne pouvons plus croire que Loïc F. était responsable de la mort de sa femme, mais bien que l'un d'entre nous a tué ces deux femmes."
Il s'arrêta pour demander de stopper les messes-basses qui reprenaient le dessus sur les autres bruits, dont sa voix.
"Nous sommes dans l'obligation de réouvrir une enquête. Je proclame donc Loïc F. Bien innocent et vous demande d'aider au maximum l'avancée de l'enquête en témoignant et en vous méfiant de chacun."
Les premiers regards de méfiance furent échangés entre les résidents. Premiers d'une longue série, en vu de ce qui s'annonçait être une véritable chasse à l'homme.
La confiance n'avait jamais été très présente à Gribourg, mais voilà qu'elle était définitivement compromise.
Assis non loin de l'estrade improvisée, Joaquim D. réfléchissait ; il se souvenait des notes qu'il avait faites avec Loïc F., mais commençait à croire qu'elles ne serviraient jamais à rien. Si le coupable se cachait ici, il connaissait les secrets et problèmes de tout le monde et saurait s'en servir pour brouiller les pistes.
Quelqu'un d'intelligent était forcément derrière tout ça.
Mais comment trouver une personne intelligente, un savant parmi tant de fous ? Il devrait être facile à trouver. Or, si il n'y avait pas de pistes, cela voulait dire qu'il était lui-même fou, ou qu'il savait se cacher.
Un... savant fou ? L'idée effraya légèrement Joaquim et des idées violentes lui vinrent alors.
Ça avait toujours été son problème : la violence.
Une pulsion et il pouvait tuer un homme de la façon la plus horrible qui soit sans se contrôler.
Édouard J. lui réserva un verre de whisky, ce qui n'était peut-être pas une excellente idée vu l'état déjà peu correct du plus musclé.
Le bar était vide, maintenant. Tout le monde était reparti s'enfermer chez lui, pour se cacher ou se protéger, ça dépendait des théories, d'une personne à une autre.
Le propriétaire du bar mit alors Joaquim dehors, pour quelques raisons obscures qu'il ignorait et ne voulait pas savoir.
Le maire n'avait pas parlé de qui reprendrait l'enquête, et Joaquim se demandait bien qui le ferait, en connaissant l'absence de gardiens de la paix dans le village.
Un habitant, c'était sûr. Reste à ne pas désigner le coupable et à faire un choix judicieux. La population entière ayant tous des troubles psychiatriques, le choix s'avérait cornélien.
Ou alors, il fallait s'attendre au pire. Mais comment pouvait-il en être autrement dans un village rempli uniquement d'anciens pensionnaires d'un asile psychiatrique ? C'était inévitable.
La dépouille de Rita A. fut "débarrassée." Le maire ne désigna personne pour reprendre l'enquête, et ce durant plusieurs jours.
C'était comme si il attendait que ça se reproduise pour pouvoir à nouveau en... "profiter."
Capucine G., assise dans son fauteuil roulant qu'on lui avait donné quelques jours plus tôt, faisait une fois de plus le tour du village.
Certains parlaient de "traumatisme profond" - et ils n'avaient pas tort.
La dépouille sanglante et difforme de Rita A. flottait toujours dans son esprit et elle ressemblait d'avantage à un légume ramolli qu'à autre chose.
On avait chargé Gustave R. de s'occuper d'elle, mais il semblerait qu'il passe la plupart de son temps à traîner autour de la jeune Jeanne D.
Un pédophile récidiviste, voilà tout.
Mireille L. était donc désormais en charge d'elle, mais la veille chouette réussissait à sortir faire ses ronds incessants alors que Mireille s'infligeait toutes sortes de blessures.
On l'a reconduisait alors à son domicile, recommandant à Mireille de faire plus attention, pour qu'au final elle ressorte le lendemain faire sa même routine.
Alors qu'elle tournait en rond une nouvelle fois, le maire fit à nouveau réunir les habitants sur la place pour leur annoncer - enfin - qui serait en charge de l'enquête.
"Amis, ennemis-
- Abrège, la poire !"
Le maire toussota légèrement pour s'éclaircir la voix, puis reprit calmement la parole :
"J'ai mis un certain temps à choisir qui serait en charge de cette enquête, pour finalement faire confiance à Édouard J."
Le concerné arqua un sourcil, refusant catégoriquement la demande du maire.
Édouard J. était barman, pas enquêteur.
"Tout le monde te fait confiance, Édouard, nous comptons sur toi pour attraper ce monstre."
Il l'ignora simplement, continuant son monologue sur la confiance incroyable - pas si incroyable que ça - que les habitants de Gribourg avaient en lui.
"Bien ! J'ai compris, j'le ferais.
- Parfait. Je te donne l'autorisation d'interroger tout les suspects que tu souhaites."
Édouard J. partit déjà en direction de son bar pour se préparer à attaquer son enquête. Cette pensée le fit un peu rire, juste l'idée qu'il puisse être enquêteur le faisait bien rire.
Il avait droit à un coéquipier, selon les dires de Philibert B.
Il avait donc pensé à Joaquim, en premier lieu. Non pas que ce garçon soit une lumière - loin de là - mais il avait déjà enquêté avec Loïc F., et savait peut-être encore des choses.
Il avait vite rayé de sa liste des gens comme Capucine G., Paul M. et autres personnes incapable de parler ou de bouger.
Mireille L. s'occupait - normalement - de Capucine G., Fernand H. était bien trop vide d'esprit.
Puis, il pensa à Thibalt W., le bourreau du défunt Loïc. Un psychopathe, certes, -comme tout les autres habitants - mais il saurait peut-être l'aider...
Il tapa violemment sa tête contre le bois du bar et ne sembla pas sentir la douleur, alors que sa tête ne trouvait toujours pas de coéquipier parfait dans un village rempli de gens dérangés.
"Il n'existe pas, et c'est p't'être pas si mal..."
*NDC : je laisse cette version du verbe coururer parce que c'est juste trop beau
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