Partie 2

Bon, voici ma deuxième partie~ je n'ai rien à ajouter à part que j'ai mis plus de temps que prévu à la relire et que c'est actuellement le truc le plus long que j'ai écrit^^
La suite sortira sûrement le week-end prochain, sur ce, bonne lecture~

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Toute la journée qui avait suivi l'emménagement du petit rouquin, Oda n'avait cessé de voir son meilleur ami faire des allers-retours dans toute la maison, comme s'il s'était transformé en pile électrique.

Cela lui faisait plaisir, car au fond il ne l'avait jamais vu comme ça depuis maintenant deux ans, étant donné qu'il ne faisait que se morfondre, même s'il avait toujours cherché à la cacher. Son ami n'était pas dupe.

Et en même temps cela l'exaspérait. Car si ce n'était pas pour aller embêter Chuuya, vu qu'il se faisait jeter violemment et bruyamment à chaque fois, c'était pour tenter une nouvelle méthode d'approche et encore plus l'embêter.

Oda avait déjà pu prendre conscience de la patience d'ange du rouquin, aussi craignait-il vraiment qu'il ne finisse par exploser. Dazai revenait justement du débarras, une sorte de caisse à outils dans les mains. Mais qu'est-ce qu'il allait encore faire avec ?!

-Ohé, Dazai ! Tu ne voudrais pas le lâcher un peu, des fois ? finit par soupirer l'auburn, se sentant totalement impuissant.

Le brun arrêta subitement de marcher et fixa son meilleur ami, avant d'esquisser un sourire enjoliveur.

-S'il me disait enfin d'où il vient et ce qu'il trame ici, ça pourrait se négocier ~

Puis il repartit sans se départir de son sourire vers sa chambre, où il allait probablement tester de nouvelles méthodes avec ces outils.

Oda décida d'aller voir si son nouveau colocataire arrivait à supporter tout ce remue-ménage, mais lorsqu'il ouvrit la porte, il manqua de se faire assommer par... Un vase ?!

-Bon sang referme immédiatement cette porte enfoiré ! J'en ai ma claque, je te la fais bouffer la prochaine fois !

Il était face à la fenêtre et faisait dos au propriétaire des lieux, qui cligna d'abord des yeux plusieurs fois, avant de vraiment se rendre compte du fait qu'il avait failli mourir, ainsi que de l'état de la pièce. Le vase qu'il avait évité de justesse trônait désormais à ses pieds, même s'il n'avait, par un heureux coup du sort, pas cassé. Les oreillers autrefois sur le lit du rouquin jonchaient désormais le sol, comme lancés violemment, même la couette était à plus de cinq mètres de sa place originelle.

De plus la lampe ainsi que la table de chevet avaient mystérieusement voltigé jusque sous la fenêtre. Oda soupira. Si ce n'était pas la porte, c'était la fenêtre, hein ?

Chuuya, semblant enfin reconnaître celui qui se tenait sur le pas de sa porte, se retourna vivement, surpris et un peu gêné.

-Oh, Oda. Excuse-moi, ce n'était pas...

-Ne t'inquiète pas, j'avais compris, l'interrompit l'autre avec un signe de la main. Il peut être casse-pieds quand il s'y met.

-Ça tu l'as dit, grommela le rouquin.

Le plus âgé ferma la porte derrière lui, redressa la chaise -pourquoi était-elle renversée d'ailleurs ?- et s'assit face à son nouveau colocataire. C'est là qu'il remarqua le verre d'eau qui trônait devant lui, remplit à moitié.

Suivant son regard, le nouveau venu détourna la tête, peu désireux de s'épancher sur le sujet pour le moment. Oda n'insista pas et resta sans rien dire pendant plus de dix minutes. Trouvant probablement cela pesant, Chuuya finit quand même par répondre à son interrogation non formulée.

-Je m'entraîne à maîtriser ma capacité, lâcha-t-il dans un souffle.

-Pourquoi ? demanda en haussant un sourcil son interlocuteur. Tu n'avais pas l'air d'en avoir besoin l'autre jour.

Il y eut un nouveau blanc. Le rouquin ne voulait pas en parler, à l'origine. Quel intérêt cela pouvait-il représenter pour les Hommes de savoir cela ? D'autant que lui ne savait toujours pas pour son hôte et sa source d'information.

-Très bien, mais si je t'explique, promet moi que tu me diras tout également un jour, dit fermement Chuuya en reportant son regard azur dans celui de son aîné.

Ce dernier hocha la tête en signe d'assentiment, l'invitant à continuer. Le rouquin se racla la gorge et attendit encore un peu avant de commencer, un peu hésitant.

-Je t'ai dit que les anciens n'avaient pas eu la patience d'attendre quatre ans que mon pouvoir se soit totalement développé. Ce n'est qu'à moitié vrai. En fait, ils n'ont jamais souhaité me confier la tâche du portail, aussi est-ce la majorité de mon cadet qu'ils attendent.

-Mais... Pourquoi ? finit par demander le brun-roux après quelques instants de réflexion.

-Parce que je ne le maîtrise pas. Plus jeune, j'ai déjà noyé une partie du village. Ce n'est pas la puissance que je cherche en m'entraînant, mais la maîtrise. Lorsque je ne l'utilise pas, ça va. Mais si je commence à utiliser trop d'eau ou trop longtemps... Je ne l'explique pas mais elle m'échappe complètement et crée des ravages.

-Je vois. Mais pourquoi cela t'importe-t-il tant ? Les plantes, plus cet entraînement alors que tu pourrais simplement arrêter d'utiliser ton pouvoir, ça commence à faire beaucoup de sacrifices pour une simple tâche.

-Ce n'est pas qu'une simple tâche ! s'énerva le rouquin, avant de totalement se rétracter. Et puis mes motivations ne te regardent absolument pas !

Il se tourna complètement, comme pour clore la discussion. Oda resta silencieux, puis se leva finalement et se dirigea vers la porte, mais il ajouta, avant d'actionner la poignée :

-Tu sais, je ne suis pas idiot non plus. Tu m'as déjà dit que tes deux parents manipulaient l'eau, et qu'autrefois il y avait eu une première tentative. De plus tu ne parles que de ton père, et jamais de ta mère. En rapprochant toutes ces informations, plus cet attachement que tu voues à cette tâche et la peur que tu éprouves à perdre ton père, il n'est pas compliqué de deviner quel genre de drame a eu lieu il y a un peu plus de dix ans, sourit-il tristement en direction du rouquin.

Celui-ci pesta et détourna encore le regard, qu'il avait reporté sur son interlocuteur durant cette tirade, comme pour éviter ces reproches et ses souvenirs enfouis qui refaisaient encore et toujours surface.

Le pire, c'est qu'il avait touché en plein dans le mille. Le brun-roux sortit de la pièce, le laissant à ses réflexions. En effet, peu après avoir accouché de son petit frère, sa mère s'était vue confier la tâche d'ouvrir le portail.

Encore une fois, tous avaient été trop impatients. Ils venaient de découvrir une recette pour la soupe qui aurait dû fonctionner, et étaient enfin parvenus à reconstruire ce fichu masque. Seulement les plantes avaient été mal dosées, et une d'elles n'étaient pas la bonne. Or chaque ingrédient constituant le breuvage pouvait être nocif voire mortel.

Les jeunes de l'époque s'étaient bel et bien transformés en dauphin, alors qu'à l'époque Chuuya, âgé de seulement cinq ans, les observait prendre majestueusement leur envol dans le portail aquatique, un nourrisson dans les bras, tandis que sa mère achevait la danse sacrée sous les acclamations de tous.

Puis tout avait dégénéré en à peine un quart de seconde. Alors que le portail commençait à se rétracter, et que sa mère venait de tomber à genoux d'épuisement, les dauphins avaient commencé à agir bizarrement. Certains commençaient à se contorsionner dans tous les sens, comme souffrants, tandis que d'autres retrouvaient subitement un ou deux membres humains, voire la totalité, et commençaient à suffoquer. Certains avaient même craché du sang.

Tous avaient assisté à ce spectacle horrible, qui aurait pourtant dû être le symbole d'un nouveau départ pour eux, chacun se sentant impuissant au possible. Les dauphins agonisaient. Ils allaient tous mourir avant même d'avoir pu atteindre la surface, à ce rythme-là. Puis sa mère s'était relevée, et, dans un dernier élan d'énergie, avait réinvoqué en urgence le portail.

Grâce à son geste, tous les jeunes avaient pu s'en sortir à temps et être soignés sans subir de séquelles graves. Mais elle... Elle était déjà affaiblie avant, alors elle s'était écroulée sur le sol, sous le contrecoup de l'amas d'énergie qu'elle avait dû puiser en elle pour un tel effort.

Autrefois, ce n'était pas aussi compliqué d'invoquer le portail. Le masque était plus puissant, tout comme les manipulateurs d'eau. Mais l'époque avait changé. Chuuya avait accouru vers sa mère mourante, pensant, comme l'enfant qu'il était alors, qu'elle allait s'en sortir.

Elle avait caressé la joue de son jeune frère, qui avait poussé un petit gazouillement plaintif, puis la sienne. Enfin, probablement dans un vain espoir de rendre moins triste sa perte pour ses fils, elle avait murmuré «Pour nous, la mort n'est qu'une porte vers l'immortalité». Et elle s'était endormie à jamais.

Le père des deux garçons, qui avait eu une affaire urgente à régler presque à l'autre bout de leur petite carte, n'était revenu que deux jours plus tard. Il avait commencé à devenir maladif au possible, totalement abattu de ne pas avoir été là, de ne pas avoir pu l'assister dans sa tâche sacrée et donc de la sauver.

Alors le petit garçon qu'était le rouquin à cette époque s'était promis que cela n'arriverait plus jamais. Une fois les premiers jours passés, et malgré le chagrin qui persistait, il avait commencé à s'entraîner très durement, tout en en apprenant le maximum au sujet de son monde et de celui des hommes.

Puis il avait inondé les maisons les plus basses de l'arbre. A deux reprises. On l'avait excusé car on mettait ces actes sur le compte du chagrin, ce qu'il ne voulait d'ailleurs pas reconnaître, mais on l'avait interdit de s'entraîner aux alentours du bégonia, et commencé à le traiter de monstre dans son dos.

C'est ainsi qu'il s'était retrouvé à s'entraîner chez le gardien des âmes, chez qui il avait cru entrapercevoir une tristesse similaire à la sienne. Ils n'avaient pas beaucoup parlé mais ils s'entendaient plutôt bien, ce dernier ayant mystérieusement gardé une apparence juvénile malgré ses cent ans révolus. Les rares conversations qu'ils entretenaient avaient permis au rouquin de se confier enfin à quelqu'un.

Puis il avait abdiqué, personne ne sachant trop où il se trouvait désormais, même si le manipulateur d'eau avait sa petite idée. Ils avaient recueilli Atsushi et Chuuya avait pris en charge les deux garçons, son père toujours plus souffrant. Alors Fukuzawa, le nouveau gardien, avait beaucoup aidé le jeune garçon à se canaliser durant cette période, grâce à son calme et sa sagesse imposante.

C'était également là qu'il avait vraiment fait connaissance avec Ranpo, qui, malgré qu'il n'y ait aucun lien de parenté entre eux, était très attaché au nouveau gardien et venait souvent lui rendre visite pour éviter les « absurdités » qui se déroulaient au village. Ils s'étaient liés d'amitié car ils fuyaient l'un comme l'autre les reproches des villageois, au final.

Mais désormais, le rouquin craignait que son père n'ait rejoint sa mère de la même manière que cette dernière. Au fond, il s'était même toujours demandé si ce n'était pas ce qu'il souhaitait, mais qu'il se retenait car il avait ses fils à élever. Mais maintenant qu'ils étaient grands, et l'un disparu...

Chuuya n'en pouvait décidément plus de toutes ces interrogations. Il balança le verre d'eau à travers la pièce, qui s'explosa à quelques centimètres de là où se tenait Oda, qui venait à nouveau d'entrer dans la pièce, une idée lui trottant dans la tête, et visiblement blême après avoir vu ce verre passer si près de son visage.

~

Ranpo s'éloignait des habitations pour aller au bord de l'eau. Comment se faisait-il que ces gens soient tous si idiots et incompétents ?! Il n'était pas énervé, juste fatigué et désespéré de tenter de convaincre ces imbéciles.

Seulement huit des jeunes étaient rentrés sans encombre la veille. C'était bien peu, et moins de la moitié. Suite à cela, celui qui avait ouvert le portail, ne voyant pas son fils arriver, avait trop forcé et était encore plongé dans une sorte d'inconscience inquiétante.

Le village était en effervescence. Tous ceux âgé de quatorze et quinze ans tentaient de convaincre les adultes qu'il ne fallait plus jamais rouvrir le portail, qu'ils n'en avaient pas besoin. Les adultes étaient quand à eux abattus et dubitatifs, attendant que le manipulateur d'eau se réveille et commençant à envisager la possibilité de ne plus jamais aller à la surface.

Enfin, par rapport aux huit rescapés, aucun n'avait encore réussi à parler de sa propre expérience. Ils étaient pourtant tous revenus le sourire aux lèvres la veille. Mais maintenant qu'ils avaient pris conscience de la situation, qu'ils savaient qu'ils ne reverraient probablement jamais leurs amis disparus... L'une d'elles s'était même effondrée en larmes et ne s'était toujours pas relevée, sa jumelle faisant partie des disparus.

Pour les villageois, il était évident qu'ils étaient tous morts à cause de la fureur des Hommes, qui, sans surveillance, avaient commencé à se déchaîner. Une haine farouche envers ces derniers commençait donc progressivement à s'ancrer dans le cœur des habitants du monde d'en dessous.

C'est là que Ranpo avait tenté d'intervenir. Il savait que son ami le rouquin impulsif ne mourrait pas comme ça, laissant son père et son frère seuls. Il savait également que les effets du breuvage étaient largement diminués, et que c'était entièrement de la faute du conseil qui ne les avait pas écoutés. Enfin, il était évident que les Hommes ne pourraient pas avoir autant des leurs, une simple déduction lui permettait de savoir que seulement trois des disparus étaient vraiment morts, un noyé et deux autres tués.

Il en restait donc encore huit à pouvoir être sauvés. Mais le conseil ne l'écoutait pas de cette façon, ils n'avaient aucune preuve et comptaient fermer définitivement le portail après cette perte immense.

Seulement, comment trouver des preuves si le portail était fermé ? Et puis cela coulait de source, mais non, personne ne l'écoutait, alors qu'il ne se trompait jamais. Ils étaient tous plus exaspérants les uns que les autres. Il n'y avait malheureusement plus rien à faire.

De toutes façons, en plus du problème des preuves, un autre, et de taille, se posait : Il n'y avait actuellement aucun manipulateur d'eau capable d'endosser à nouveau ce rôle. Certes, il y en avait bien quelques-uns au village, mais au fil des générations ce pouvoir s'était étiolé et aucun habitant n'égalerait la puissance de Chuuya ou même de ses parents. Or c'était le minimum si l'on n'était pas suicidaire. Et son frère était beaucoup trop jeune et son pouvoir pas suffisamment développé.

Ranpo s'allongea sur une branche épaisse proche de l'eau et commença à fermer les yeux, se disant qu'il ne reverrait sûrement jamais le rouquin. Enfin, il aurait probablement une belle vie là-haut, les humains n'étant pas si mauvais au fond. Ils étaient sûrement similaires à eux. Même si le brun savait bien que son ami ne ferait que culpabiliser dans un premier temps.

Soudain, il sentit une présence familière derrière lui. Il rouvrit brièvement les yeux.

-Que me veut le grand gardien des âmes à cette heure-ci en un jour si tragique ? demanda-t-il sur un ton ironique.

-Je vois que tu as déjà renoncé.

Le brun se releva et se tourna vers l'homme aux cheveux et aux yeux argentés, une moue boudeuse sur le visage et en croisant les bras.

-Ils ne m'écoutent pas de toutes façons. Ce sont tous des cas désespérés. Et puis je n'en ai rien à faire, ce n'est pas mon problème.

-C'est faux, affirma l'autre d'une voix sans appel. Même si tu n'es pas très combatif, tu espères tout de même que ton ami reviendra et que le portail ne sera pas fermé, car les hommes t'intriguent.

Ranpo cligna des yeux, un peu sonné. Il ne l'aurait jamais admis mais il avait l'impression que l'autre homme, qu'il considérait comme son père de substitution, lisait en lui comme dans un livre ouvert.

-Peut-être. Mais de toutes façons je suis pieds et poings liés sans preuve !

Sur ces paroles, il se retourna et s'allongea en étoile sur sa branche en regardant le feuillage plus haut et en poussant un soupir exaspéré.

-Ne me dis pas que tu es incapable de trouver une solution, affirma l'autre d'une voix dure, avant de reprendre plus doucement, comme si un petit sourire venait étirer ses lèvres. Tu m'as déjà habitué à mieux.

Le brun ferma à nouveau les yeux en grommelant. Cette phrase avait un sens caché, il l'incitait à ne pas le décevoir, il le savait. Et c'était bien la seule personne qu'il respectait ici. Aussi commença-t-il finalement à entrevoir une ébauche de solution. Il se releva soudain et se tourna à nouveau, mais cette fois-ci vers les trois chats qui accompagnaient partout Fukuzawa.

-Vos matous, là. Est-ce qu'ils ont quelque chose de prévu ? demanda-t-il, une étincelle allumant son regard.

-Pas à ce que je sache, sourit énigmatiquement l'autre homme.

~

-C'est quoi encore ce délire ?! Je m'y oppose Oda, ne cherche pas ! s'énerva Chuuya alors qu'ils se tenaient en hauteur de la plage, devant la maisonnette.

-Pour une fois, je pense que je suis d'accord avec la limace, confirma le suicidaire d'un ton peu motivé.

-Arrêtez un peu de vous plaindre tous les deux, soupira l'auburn. Vous pourriez au moins essayer avant de juger !

Cela faisait maintenant dix minutes qu'ils étaient tous les trois sortis dehors, Oda ayant eu une « idée de génie ». Qui consistait ni plus ni moins à canaliser les deux énergumènes qu'il abritait.

Il s'était dit que, quitte à ce qu'ils se battent, autant que cela soit dehors. Il leur avait donc proposé de s'entraîner tous les deux au corps à corps, ce qui limiterait l'ennui du suicidaire et épargnerait en théorie le mobilier.

Seulement l'un comme l'autre n'avaient vraiment pas l'air enclin à cette proposition et protestaient. Chuuya affirmait qu'il ne voulait pas fréquenter plus que de raison cet imbécile, tandis que ce dernier, vexé d'avoir été interrompu dans sa tâche, affirmait que c'était inutile pour lui.

-Et puis, à quoi ça va nous servir de toutes manières ? grogna le rouquin.

-Et bien, pour toi, peut-être à canaliser ta puissance, affirma Oda avec un regard lourd de sous-entendu, que le brun ne manqua d'ailleurs pas d'intercepter. Quand à toi Dazai, peut-être que cela améliorera tes capacités physiques !

-Tu n'as pas d'autre argument plus valable ? Car je n'en ai pas vraiment envie, marmonna le suicidaire.

-Eh bien... Cela vous procurera la joie de travailler ensemble et d'avoir une activité saine et sans danger pour mon mobilier ! sourit presque innocemment le plus âgé.

Les deux autres le regardèrent avec un regard plus que dubitatif, encore moins motivés qu'au départ. Puis finalement ils se regardèrent l'un l'autre et Dazai finit par proposer :

-Et si on pariait ?

Oda, sidéré par la proposition, allait les interrompre, mais Chuuya fut plus rapide. Il esquissa un sourire et répondit :

-Ça marche. Quoi exactement ?

-Si tu arrives à me battre une seule fois, j'arrêterai de venir dans tes pattes et de te donner des surnoms jusqu'à ce que tu repartes, souria le brun.

-Très bien, on va expédier ça rapidement alors ! acquiesça le rouquin, satisfait. Il savait qu'il avait une force physique bien supérieure à celle de l'autre.

-En revanche, si tu n'y parviens pas d'ici là, tu devras être mon toutou durant une journée entière.

L'habitant du monde d'en dessous sembla peser le pour et le contre, trouvant que quelque chose clochait dans ce pari.

-C'est bien peu équitable pour toi. Tu es bien présomptueux, commença à se méfier le rouquin.

-Je suis suicidaire, je n'ai rien à perdre, dit en haussant les épaules l'autre.

-Chuuya... Si j'étais toi je n'accepterais pas, murmura Oda en voyant que les deux jeunes hommes se rapprochait pour sceller leur pari.

-Si tu deviens mon chien, je pourrai enfin te forcer à me révéler tout ce que tu caches, roucoula presque le suicidaire.

-Mais ça n'arrivera pas, répondit l'autre en lui serrant la main.

Oda poussa un long soupir. Ce n'était pas vraiment ce qu'il attendait, mais au moins maintenant ils allaient s'y mettre sérieusement. Même s'il avait un doute quand au fait que Chuuya puisse vaincre le brun. Ils s'écartèrent tous deux de trois bons mètres.

-Quand tu veux, je te laisse l'initiative, Chibi, sourit le brun sans esquisser d'autre mouvement.

L'interpellé répondit immédiatement à la provocation et envoya son poing directement vers la figure de l'autre. Cela le démangeait depuis la veille de toutes manières, alors se le voir autoriser... Mais le brun l'intercepta juste avant qu'il n'atteigne son visage. Comme le rouquin l'avait deviné, sa force physique n'était pas comparable à celle de la momie, il n'arriverait pas à bloquer en entier le coup.

Pourtant, moins de cinq secondes plus tard Chuuya avait la respiration coupée par son impact brutal avec le sol en pierre, sonné tant par la force du choc que par sa vitesse. Qu'est-ce qu'il s'était passé ?!

Il vit la tête du brun s'encadrer au-dessus de lui, tout content.

-Alors ? Je croyais que tu allais expédier ça rapidement ? chantonna-t-il tandis que le rouquin se relevait péniblement.

-Comment as-tu...

-C'est simple pourtant. Tu t'es probablement dit qu'avec ta force de brute, tu pourrais m'envoyer au tapis directement, n'est-ce pas ?

Le manipulateur d'eau tressaillit, confirmant sans le vouloir les dire de l'autre.

-Seulement, dans un combat, la force ne fait pas tout. Il faut aussi un minimum utiliser ses neurones, quoique je doute que tu en possèdes un nombre suffisant ~

Chuuya grogna mais se retint de protester, ne voulant pas interrompre l'autre sur sa lancée. Il voulait savoir ce qu'il avait raté exactement et, pour le moment, le suicidaire semblait enclin à parler.

-Je savais que je ne pourrais pas arrêter ton poing, alors j'ai tout simplement utilisé ta propre force contre toi. En t'attrapant le poignet, je l'ai dévié vers le sol tout en le tournant un peu, et tu t'es retrouvé à terre sans que j'aie à forcer ~

Il serra ses bras sur sa poitrine, fier de sa démonstration de force, tandis que le rouquin semblait réfléchir.

-Et puis, les gens comme toi sont les plus simples à prévoir, ajouta-t-il malicieusement.

-Qu'est ce que tu insinues enfoiré ?

-Juste que quelqu'un sans expérience du combat et avec une force démesurée comme la tienne cherche toujours à mettre un terme au combat de cette façon. Et puis, si tu veux vraiment savoir, je pense que tu te reposes beaucoup trop sur cette force. Tu as probablement toujours gagné de cette façon jusqu'à présent, et tu n'as donc jamais eu à réfléchir lors d'un véritable combat. Alors que moi, n'ayant pas les capacités que tu as, j'ai dû toujours rechercher la faille chez mon adversaire. Ne pense pas pouvoir me battre si simplement.

-Je vois. Tu caches bien ton jeu, en fin de compte.

L'autre haussa les épaules.

-Disons qu'on ne vit pas dans un monde tout rose. Et puis il est incapable de faire du mal à une mouche, dit-il en désignant Oda du menton. Alors il faut bien pallier.

-Toujours est-il que j'arriverai à te battre. Tu peux en être sûr !

Chuuya venait de se relever et fonçait à nouveau vers le suicidaire. Il envoya une nouvelle fois son poing vers la figure de ce dernier, mais avant qu'il ne touche la main qu'interposait l'autre, il envoya son deuxième poing vers l'œil bandé de Dazai. Pourquoi s'infliger un angle mort de cette taille d'ailleurs ?

Il pensait qu'il allait toucher au but lorsqu'il aperçut brièvement le sourire satisfait de l'autre. Avant de se retrouver à nouveau violemment projeté au sol. Mais pas de la même façon, cette fois le brun n'avait même pas bougé ses mains, il l'avait fauché de sa jambe droite.

Il se pencha à nouveau au-dessus du rouquin, ce sourire satisfait ne quittant pas son visage.

-Encore une fois, trop prévisible la limace, même si c'est déjà un peu plus réfléchi que tout à l'heure~ Dans un combat, ne te concentre jamais que sur une seule partie du corps. Tu n'as pas que des bras, tu as aussi des jambes et même une tête, alors sers-t-en, car ton adversaire, lui, n'hésitera pas !

-Bien, on recommence ! s'énerva le rouquin en se remettant sur ses pieds, prêt à attaquer de nouveau.

Oda soupira en les observant de loin. Il ne savait décidément pas si c'était une bonne idée, mais au moins il serait tranquille pour le moment. Et Dazai acceptait de lui expliquer ses erreurs, ce qui était surprenant venant de lui mais bon à prendre.

Un doute persistait néanmoins dans le cœur du jeune homme. Qui impliquait s'entraîner ensemble impliquait également finir par se connaître par cœur et développer une sorte de lien indéfinissable. Or ce serait potentiellement un lien qui nuirait par la suite au rouquin.

Il tentait de se rassurer en se disant que ce n'était pas comme dans les contes qu'on lui racontait, petit. Oui, c'était différent, à n'en pas douter. Pour le moment, aucun des deux n'avait enfreint la moindre règle, et ils ne faisaient que s'entraîner.

Il repartit vers la maisonnette, toujours en proie au doute, mais il essayait de le faire taire.

Le soir, les deux jeunes hommes étaient encore plus fatigués que la veille, quoique Chuuya bien plus que Dazai. Visiblement, il avait pris la poussière de nombreuses fois, pour son plus grand énervement, tandis que le brun n'avait esquissé presque aucun mouvement pour mettre l'autre dans cet état.

Oda demanda au suicidaire quand est-ce qu'ils pourraient se rendre au bas de la colline pour les plantes pharmaceutiques, et, à son plus grand étonnement, celui-ci avait répondu avec un grand sourire « la semaine prochaine ». Il tramait encore quelque chose, c'était certain. Il ne se réjouirait jamais de cette manière de revoir sa mère, surtout au vu de ses antécédents avec elle.

Mais le propriétaire des lieux laissa couler. C'était tout de même une bonne nouvelle, après tout. Ils allèrent tous se coucher tôt cette nuit-là. Et malgré la fatigue qui engourdissait désormais tous ses membres, Chuuya ne parvint pas plus à trouver le sommeil paisible auquel il aspirait que la veille.

Il ne cessait de se tourner et de se retourner, les souvenirs de sa mère ayant rejailli et lui amenant des visions plus que terrifiantes et amplifiées par le fait qu'à l'époque, il était beaucoup trop jeune pour le supporter.

Puis tour à tour les traits de sa mère se déformaient pour prendre ceux de son père, voire même de son frère, et se faire eux aussi tous deux détruire par leur manipulation de l'eau. Et à chaque fois, il se voyait impuissant, simple spectateur ne pouvant qu'hurler son désespoir.

~

Les jours s'enchaînèrent presque à l'image de celui-ci. Dazai et Chuuya se levaient tous les deux presque plus fatigués qu'avant de se coucher, l'un par ses cauchemars, l'autre par les grincements incessants du lit du premier. Car oui, il ne gémissait plus aussi fort, car encore faudrait-il qu'il dorme, mais les lits de chez Oda produisaient un grincement monstrueux au moindre mouvement, car probablement trop vieux.

Aussi tous les matins le suicidaire se plaignait inlassablement, tantôt des lits qu'il faudrait changer, tantôt de son colocataire lui-même, ou encore de ne jamais être au courant de rien -ce qui était faux car avant d'emménager ici il était réputé pour être la plus grande commère du village.

Puis il se chamaillait avec le rouquin, tous deux semblant rivaliser d'ingéniosité, comme s'ils se livraient également à un concours de celui qui critiquerait le mieux l'autre.

Enfin passé ce petit-déjeuner mouvementé et épuisant pour le brun-roux, ils allaient s'entraîner durant presque tout le reste de la journée, n'ayant pas d'activité plus intéressante. L'avantage, c'est que, même si le premier soir Chuuya s'était plaint à Oda qu'il ne comptait sûrement pas se rapprocher du brun de cette manière et qu'il souhaitait cesser cette mascarade, il semblait plus enclin à l'idée désormais.

Le propriétaire des lieux le soupçonnait d'avoir un fort esprit de combativité, tout comme son ami, aussi aucun ne lâcherait l'affaire. Et ils semblaient progresser tous deux très vite, Dazai commençait déjà à gagner en force et en endurance tandis que Chuuya rivalisait toujours plus d'ingéniosité. C'était une sorte de partage, ils étaient tous les deux gagnants au final, même s'ils n'en avaient pas encore conscience.

Peut-être finiraient-ils par s'entendre, après tout ? Enfin, pour le moment, les matchs étaient toujours à sens unique. Et puis, cela avait un autre avantage, celui d'empêcher le brun de s'adonner à ses pratiques suicidaires.

La semaine passa donc plutôt tranquillement par rapport à ce qu'elle aurait pu être, et il fut enfin temps d'aller en ville chercher de plus amples détails sur les plantes peuplant ce monde.

Oda affirma qu'il avait quelque chose d'important à régler et s'excusa donc de ne pas pouvoir les accompagner. Chuuya le soupçonna de ne juste pas vouloir avoir à les supporter, mais il ne dit rien, même s'il aurait préféré qu'il soit présent au cas où. Il n'avait absolument pas confiance en l'autre demeuré.

Ils se mirent donc en route, Dazai étrangement enjoué pour quelqu'un qui ne voulait pas revoir sa famille. Il se mit même à chantonner, pour le plus grand désaccord des oreilles de son compagnon.

-Mais ferme-la putain, t'es chiant avec tes chansons ! finit par lâcher au bout de dix minutes le rouquin, exaspéré alors qu'il savait qu'ils avaient encore facilement une bonne heure de marche.

L'autre s'arrêta docilement et le regarda avec un grand sourire qui semblait presque hypocrite.

-Tu n'as qu'à alimenter la conversation si tu veux que j'arrête de chanter ~

Chuuya comprit bien ce qu'il attendait. Cela faisait une semaine qu'il avait le droit au moins une dizaine de fois par jour à ses sempiternelles questions, c'est-à-dire d'où il venait ou autre. Mais il ne répondrait sûrement pas à ce genre de chantage, aussi chercha-t-il à dévier la conversation.

-Très bien, annonça-t-il tandis que le regard de l'autre semblait soudain briller un peu plus. Toi qui fais ta commère, pourquoi Oda ne vient-il pas avec nous ?

-Parce qu'il a peur, évidemment~

-Peur ? De quoi ? s'étonna le rouquin, d'autant plus surpris par la rapidité de la réponse.

-Plutôt de qui, si tu veux mon avis, sourit énigmatiquement le suicidaire.

Puis il se remit à chanter, faisant visiblement peu de cas du fait que son compagnon n'ait pas répondu à sa question informulée et cherchant à le faire craquer. Ce qu'il réussit à faire, car celui-ci finit par ré-enchaîner.

-Bon... Pourquoi portes-tu continuellement des bandages, alors que lorsque tu fais une tentative de suicide tu les enlèves tous sans exception ?

Son interlocuteur se rembrunit aussitôt et prit même une mine boudeuse. Bon, c'était déjà ça, au moins s'il était vexé peut-être arrêterait-il de chanter.

-Ça ne te regarde pas.

Mais le ton sur lequel il le dit attisa la curiosité du rouquin, il cachait quelque chose lui aussi. Et puis mieux valait encore parler que risquer qu'il ne reparte à chanter.

-Dans ce cas je vais essayer de deviner. C'est pour éviter de rester suspendu dans le vide au cas où une de tes bandelettes resterait accrochée ? demanda-t-il, moqueur, en balançant la première idée qui lui venait à l'esprit.

Mais il vit l'autre tressaillir et à moitié se rétracter. Il avait touché juste ?

-Attends... Quoi ? ne put-il s'empêcher de pouffer.

-On peut dire que oui, finit par soupirer le brun. C'est déjà arrivé, alors je prends mes précautions, murmura-t-il, une moue abattue sur le visage.

C'était un souvenir qu'il n'aimait pas vraiment à se rappeler. La corniche était escarpée, il avait sauté trop près alors qu'une de ses bandes était mal serrée. Un malheureux concours de circonstance, mais qui lui avait quand même valu de rester suspendu durant environ six ou sept heures avant qu'Oda, s'inquiétant de ne pas l'avoir vu aller en cours à cette époque, ne parte à sa recherche.

Puis il avait encore dû attendre deux bonnes heures pour qu'on trouve un moyen de le faire descendre ou remonter, au choix étant donné qu'il s'était retrouvé au milieu de la falaise, qui était relativement haute.

Au final Oda était descendu prudemment avec une corde tandis que le père de Dazai, encore de ce monde à l'époque, les avait récupérés plus bas sur son petit bateau de pêche. Honteux d'avoir eu cette image devant la figure paternelle qu'il admirait tant et souffrant encore plusieurs jours après de douleurs à cause de cette suspension de longue durée, il s'était résolu à se débarrasser de ses bandages pour sauter d'une falaise depuis.

Le reste de leur marche se passa dans un calme plutôt agréable, le brun ayant l'air enfin moins enjoué. Ils arrivèrent un peu avant midi en ville, et Chuuya en resta émerveillé durant cinq bonnes minutes.

Ce n'était qu'un petit village, mais pour lui qui avait grandi dans un arbre voir toute cette surface goudronnée, avec ces échoppes dans la rue principale et les banderoles colorées qui flottaient d'un peu partout, comme pour célébrer un évènement, étaient tout autant de choses neuves pour lui.

Dazai, lui, l'observait sans comprendre ce qui pouvait tant le fasciner dans une scène de rue qu'il trouvait totalement banale, ayant grandi ici même. Puis il commença à s'avancer, ils avaient un rendez-vous à respecter et ils étaient déjà en retard de quinze minutes, même si le brun n'en faisait que peu de cas.

Le rouquin le suivit dans une petite ruelle entre deux magasins aux couleurs chatoyantes, qui débouchait sur une sorte de petite clairière entourée d'arbres avec des chemins par-ci par-là -il s'agissait d'un parc mais ce genre d'endroit était parfaitement inconnu pour l'habitant du monde d'en dessous- aussi s'extasia-t-il devant, trouvant cela merveilleux d'avoir tout de même conservé un peu de verdure au milieu de cette mer goudronneuse.

Puis il aperçut deux jeunes femmes assises sur un banc, qui semblaient patienter. L'une était brune avec les cheveux au carré et une barrette ressemblant à un papillon dans les cheveux, tandis que l'autre avait de longs cheveux roses retenus en un chignon sophistiqué.

-Oh non, elle a ramené l'autre mégère avec elle, tressaillit le brun, peu rassuré et semblant relativement enclin à fuir vite et loin.

Mais c'était déjà trop tard pour faire marche arrière. En les apercevant, les deux femmes se levèrent gracieusement et vinrent à leur rencontre. Chuuya tenta de déterminer laquelle était la mère du brun, même si elles avaient toutes les deux l'air plutôt jeunes.

-Dis, c'est celle avec les cheveux roses, ta mère ? demanda-t-il sans aucune gêne et suffisamment fort pour que les deux entendent.

Le suicidaire lui jeta un regard soudain effrayé et lui fit un discret signe de se taire. Qu'est ce qu'il lui prenait tout à coup ? Il reporta son attention sur les deux femmes et sentit une aura presque meurtrière s'échapper, justement, de celle aux cheveux roses, car elle esquissait un sourire crispé.

-Chuuya, ma mère n'est pas ici actuellement, murmura-t-il.

Comprenant qu'il avait fait une erreur, le rouquin baissa les yeux en s'excusant faiblement, l'aura de la femme l'écrasant complètement. Puis la deuxième prit la parole avec un petit sourire presque sadique.

-Alors comme ça tu cherche à m'éviter, en plus d'éviter ta mère ? J'ai de bonnes oreilles tu sais, et tu es bien ingrat !

Puis elle prit le poignet du brun et l'entraîna à sa suite sans aucun ménagement et, étrangement, aucune protestation, seulement un regard vide et blasé que le rouquin aperçu avant qu'ils ne disparaissent tous deux à l'angle d'un bâtiment.

-Euh... Qu'est ce qu'il vient de se passer ?

-Rien de bien méchant. Elle est médecin et aime à vérifier que ses patients se portent bien, c'est tout, sourit énigmatiquement la rouquine, semblant avoir retrouvé un calme distingué.

-Et qui êtes-vous, si vous n'êtes pas la mère de cet abruti ?

-Une de ses collègues, tout simplement. Et pour ta gouverne, je n'ai que vingt ans et je pense donc avoir le temps d'être mère, ajouta-t-elle d'un ton glaçant.

Elle était véritablement effrayante et semblait pouvoir vous enfoncer un poignard dans le dos à la moindre parole de travers. Tout en elle inspirait le respect, de sa posture droite à sa voix calme et assurée. D'un certain côté, elle lui rappelait douloureusement sa mère, qui était également une femme forte et à l'allure fière, même si elle cachait une grande douceur.

Ce n'était d'ailleurs pas si surprenant qu'il ne s'agisse pas de la mère de Dazai, d'après ce que lui en avait dit Oda il n'aurait accepté pour rien au monde de ne serait-ce que la voir en peinture.

-Suis-moi, j'ai cru comprendre que vous aviez besoin de mes services, finit par dire la rouquine en partant dans la direction empruntée plus tôt par la médecin et le suicidaire.

~

Chuuya lui décrivit les effets de plantes qu'il recherchait, mentant sur le fait qu'on ne lui avait jamais dit le nom des plantes, juste les effets que chacune avait et était censés apporter au « médicament ». Ce qui en soit n'était pas vraiment un mensonge, car la botanique sous la mer et ici étaient bien différentes.

Ils réussirent à isoler six plantes dont les effets semblaient correspondre, bien qu'ils semblaient moins puissants. La rouquine, nommée Kouyou, lui proposa de revenir dans un mois, temps qu'il lui faudrait probablement pour réussir à tout trouver, certains plants étant rares. Il accepta et sortit de la pièce où il était.

Dans le couloir menant à la sortie, il eut la surprise de trouver Dazai, avachi sur sa chaise, comme passé successivement à la machine à laver puis au sèche-linge. L'autre femme n'était-elle pas censée être médecin ?

-Que s'est-il passé ?

-Rien qui ne mérite d'être raconté, marmonna-t-il le regard hagard en se levant pour repartir. Alors, ces plantes ?

-Il faudra revenir dans un mois pour les chercher.

L'autre grimaça, n'ayant visiblement pas envie de revenir. Combien de personnes évitait-il donc de la sorte ? Ils reprirent le chemin à travers la forêt qu'ils avaient empruntée plus tôt, le calme régnant toujours, chacun perdu dans ses pensées.

Encore une fois, l'esprit de Chuuya avait dérivé vers son propre monde, et il espérait de tout cœur que tout se passait bien là-bas, même si cela tenait plus de l'auto-conviction. Seulement une semaine était passée, mais pour lui c'était presque comme plusieurs mois tellement il souffrait de cette attente.

~

Durant les quelques semaines qui suivirent, le rouquin parvint successivement à dormir d'un sommeil très agité et à rester éveillé toute la nuit en se tournant et retournant sans succès. Résultat, il se levait toujours le lendemain exténué et encore plus exécrable que la veille.

Une nuit, alors qu'il semblait parler dans son sommeil, Dazai, dans la chambre d'à côté, pensa identifier certaines sonorités de mots. Lui non plus n'arrivait pas à dormir. D'ordinaire il ne dormait pas beaucoup, mais là son temps de sommeil était encore réduit à cause de son colocataire.

Aussi, lorsqu'il cru comprendre certains mots dans le charabia que le rouquin débitait en dormant, une idée germa dans son esprit. Quitte à ne pas dormir, autant essayer de récolter des informations.

Car si le nain roux refusait catégoriquement d'expliquer la cause de ses cauchemars et donc, probablement par extension, sa présence ici, peut-être que son subconscient le ferait. Aussi le brun décida-t-il de se lever discrètement et d'aller dans la chambre du plus petit cette nuit-là.

Il tira la chaise, qui depuis avait été remise à sa place, tout comme le reste du mobilier, et s'installa confortablement à côté de la tête de lit. Il observa d'abord le visage torturé et brûlant, comme enfiévré, de Chuuya, se demandant encore une fois ce qui pouvait autant troubler quelqu'un au tempérament si fort.

Puis il s'était dit qu'il était bien plus agréable, même presque mignon, lorsqu'il dormait plutôt que lorsqu'il vociférait toute la journée. Comme quoi, chacun avait ses facettes bien distinctes.

Le rouquin commença soudain à s'agiter, tirant de ses pensées le suicidaire. Il serra plus fort l'oreiller qu'il tenait fermement contre lui et se recroquevilla sur lui-même tout en gémissant pitoyablement. Puis il sembla marmonner encore une fois quelque chose. Le suicidaire se pencha un peu plus pour tenter d'en comprendre le sens, mais ce n'étaient que des mots qu'il ne comprenait pas, comme tirés d'un dialecte qui lui était inconnu.

Il se releva et soupira. Ce ne serait probablement pas pour ce soir, donc. Enfin, peut-être qu'avec un peu de chance, s'il retentait le coup... Il observa encore une fois le visage du rouquin, une moue boudeuse sur le visage.

Puis, pris d'une pulsion qu'il ne s'expliqua pas, il remit en place une mèche derrière l'oreille de l'autre et commença à lui caresser délicatement le front, qui était d'ailleurs brûlant par rapport à ses doigts froids.

Cela eut au moins le mérite d'apaiser le plus petit. Il desserra un peu son emprise sur l'oreiller et se redressa un peu plus droit dans le lit. Ses traits se décontractèrent quelque peu également. Il marmonna encore quelque chose, plus perceptiblement cette fois, ce qui confirma que ce n'était pas un langage que Dazai maîtrisait. Puis, au bout d'une dizaine de minutes, toujours sous l'injonction des vas et vient de la main du brun, il sembla finalement dormir d'un sommeil plus calme et reposant, presque détendu.

Le suicidaire soupira. Avec un peu de chance, il dormirait convenablement cette nuit-là et lui casserait moins les pieds le lendemain. C'est comme cela qu'il s'expliqua à lui-même cette nouvelle habitude de venir désormais chaque soir et de répéter les mêmes gestes, en plus, bien évidemment, de chercher des confidences inconscientes.

A suivre ~

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