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Assis sur le rebord en béton du parking, j'attends auprès de Brevan. Bien que je rentre seul en vélo, je préfère rester. Le petit incident de la cantine a été transmis à mes parents et ils ne sont en rien fier de moi. Ce que je peux comprendre. Moi-même, je ne le suis pas. Et j'ai l'impression que Brevan non plus.

- Pardon pour ce que tu as vu. Je sais pas ce qu'il m'a pris... Je n’insulte jamais. Enfin, pas comme ça.

- C'est moi qui te d-demande pardon. Je n'aurais p-pas dû aller la v-voir.

- T'as pas à t'excuser. C'est moi qui aie dit des trucs vraiment moches. Lou fait ce qu'elle veut, avec qui elle veut. Ça ne me concerne pas.

Tandis que jusque-là, je ne voyais de lui que sa capuche, Brevan me regarde enfin.

- T'es a-amoureux de Tristan ?

Je peux lui répondre, avec un simple mot. Mais quelque chose m'en empêche. Quelque chose qui m'assèche la bouche et accélère mon rythme cardiaque. Je me rends compte à présent que je ne suis pas amoureux de Tristan, seulement de l'idée qu'un garçon comme lui puisse m'aimer un jour.
Devant mon absence de réponse, il détourne les yeux vers le sol.

- Ou-oublie. C-c'était débile comme q-question.

Sans savoir pourquoi, je désire qu'il me regarde de nouveau. Naturellement. Comme il venait juste de le faire. Alors je me décide à lui répondre.

- Je ne le suis plus. Il m'a fait comprendre qu'il ne se passera jamais rien entre nous.

Brevan lève une nouvelle fois les yeux vers moi et sourit, sans rien dire de plus. Ce qui, je dois l'avouer, est particulièrement troublant. J'en aurai presque chaud.

- Il n-n'aime pas l-les garçons.

Ce n'était pas une question. Et ça m'intrigue davantage.

- Pourquoi tu dis ça ?

Son regard se perd vers le fond du parking. Et tout à coup, je percute. Du moins, j'en ai l'impression.

- Tu dis ça à cause de moi ?

Il se contente d'un hochement de tête pour répondre. C'est probablement un peu prétentieux de ma part de me considérer comme le seul garçon à tourner autour de Tristan, mais rien n'est moins sûr. Néanmoins, je sais qu'il aime attirer les regards et ne s'en cache pas.

- Tristan aime les filles et il aimera toujours les filles. Je suis probablement le dernier qui pourrait le faire changer d'avis.

- Je suis s-sûr qu'il rate un t-truc bien avec t-toi.

Au moins, j'ai la confirmation que Brevan apprécie les garçons et que mes chances ne sont pas toutes perdues. Mais qui voudrait de moi, ça, je me le demande.

- Tu m'as vu ? J'ai rien d’exceptionnel. Je suis le garçon lambda par excellence.

- Je n'aurai p-pas dit ça comme ça...

- Je dois prendre ça comme un compliment ?

- Peut-être.

Brevan ne me quitte pas des yeux. Mes joues deviennent brûlantes, puis mon visage entier. Je détourne le sujet de la conversation avant de me mettre à bouillir.

- Qui vient te chercher ?

- Ma m-mère. Et elle est l-là. À d-demain.

Il replace son sac sur le dos et m'envoie un signe de la main, auquel je réponds. Quand il disparaît, je me sens un peu honteux. Je n'ai pas à me mettre dans un état pareil pour si peu. Surtout si l'on considère que l'on ne se connaît pas encore très bien. Pourtant, cette chaleur ne me quitte pas et elle vient presser mon cœur. Cette sensation que je n'avais jamais connue avant. J'en viens à me poser la question. LA question à laquelle je n'ai jamais pu répondre jusque-là. Je sors mon téléphone et envoie un message à la personne que je sais la plus apte à m'aider pour que je puisse y répondre. Ma sœur ainée.

'' Help !'' ''J'ai un gros problème ! ''

" Ça m'a l'air bien urgent, mais tu me diras tout quand je serais à la maison !" " Là, il faut d'abord que je survive aux transports... ''

''Ok à plus ''

J'enfourche mon vélo et me laisse guider par l'habitude du chemin.
Arrivé chez moi, je retire à la hâte mes chaussures et grimpe à l'étage, tout en manquant de peu de rentrer dans Ludiwine. Elle grogne pour la forme et retourne dans sa chambre, en veillant à faire claquer la porte, un Kinder dans la main. Les Kinder y passent toujours en premier. Ma petite sœur a une véritable réserve de gâteaux dans sa chambre, ayant trop peur que je mange tous ceux dans les placards de la cuisine. On ne va pas se mentir quant au fait que tout ce qui est sucré dans cette maison est précieux et sacré. Chose que ceux qui font parti d'une fratrie peuvent comprendre.
Je ne m'attarde pas sur sa chambre et m’enferme dans la mienne. Mon sac de cours atterrit au pied de mon bureau et je prends mon ordinateur pour enfin m'asseoir sur mon lit. Je profite du temps qu'il met à s'allumer pour renvoyer un message à Guylane.

'' T'en es où ? ''

'' Enfin dans le bus ! J'arrive dans dix minutes. ''

Il me reste donc dix minutes à taper dans la barre de recherche Internet. La première question que je pose est somme toute, un peu ridicule. « Comment savoir si je plais à un garçon ? ». Les réponses qui viennent sont elles, surprenantes et ne concernent en général, si ce n'est la totalité, la gente féminine. Tout ce que Brevan est censé faire est de me regarder, de tenter un rapprochement physique, de parler d'une voix calme et douce pour instaurer un climat intime. Il est censé me poser des questions sur moi, chercher à rencontrer mes amis ou m'envoyer des SMS pas trop souvent. Un soupir m’échappe quand je pense au fait que je ne lui ai même pas demandé son numéro. Il est également censé observer mon corps, mais pas trop pour éviter de passer pour un bourreau des cœurs. Je regarde mon torse, puis mon reflet dans le miroir fixé à mon placard. Une fille avec des formes voluptueuses, a-t-elle plus de chance de tomber sur l'amour qu'un garçon homosexuel de dix-sept ans ? Je ne peux pas me faire la réflexion plus longtemps, car Guylane vient d’apparaître et se laisse tomber sur mon lit.

- Allez, raconte moi tout.

Je lui montre l'écran et elle entreprend de lire un paragraphe.

- Certains hommes timides jouent la carte de l'amitié pour se rapprocher de l'être aimé. Ils peuvent même aller jusqu'à dire qu'ils n'ont jamais eu une amie comme ça. Cette tactique est idéale pour un rapprochement en douceur. À noter qu'un homme conquis n'hésitera pas à vous protéger par tous les moyens, quelle que soit la situation.

- T'en penses quoi ? je l'interroge, encore hésitant.

- Que se sont de jolies bêtises bien écrites, mais en même temps, pas si fausses. J'en déduis que ce garçon te plaît sérieusement si tu te poses la question.

- Pourtant, je ne sais pas encore grand-chose sur lui ! On a bien parlé aujourd'hui durant les pauses, aussi pendant les cours, je l'avoue, mais j'ai justement peur qu'il me voie comme un simple ami.

- Ne fais pas de conclusion hâtive. Si ça se trouve, c'est toi qui lui envoies tous ces signes et il se pose exactement la même question que toi. Si je devais te donner un conseil c'est de ne pas forcer les choses.

- Tu crois ?

- Oui. Rassuré ?

- Un peu. Faut que je bosse maintenant.

-Effectivement, ce serait une bonne idée. Tu as le bac à la fin de l'année.

- Merci de me le rappeler.

On se sourit bêtement et ferme la porte derrière elle, puis m'effondre sur mon matelas en faisant l'étoile de mer.
Comme Guylane l'a si bien dit, je ne dois pas forcer les choses. 

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