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La maison qui se dresse devant nous aurait pu être celle de son enfance. Un grand jardin, un petit toboggan et un vélo bleu pour enfant reposé contre la porte du garage. Ce n'est pourtant pas la sienne. C'est celle de son père. Celle dans laquelle il vit avec sa nouvelle famille et vraisemblablement, ses enfants. Brevan a le doigt sur le bois de la porte d'entrée, parer à frapper. Pourtant, rien ne vient.
- Je me sens p-pas prêt...
Il semble vraiment perdu, et voir des jouets pour enfant éparpillés sur la pelouse, semble le conforter dans l'idée que son géniteur à tourner la page.
- J'aurai j-jamais dû venir.
Je lui bloque le passage et le force à me regarder. Il cherche à fuir et ainsi éviter la confrontation. Mais je ne le laisserai pas faire.
- Si tu abandonnes aujourd'hui, tu n'auras peut-être plus jamais le courage de revenir ici.
- Et alors ? Il s'en est t-très bien sortit j-jusque-là, sans jamais ch-chercher à me v-voir ou me p-parler. Je doute q-que ma visite ch-change quelque chose p-pour lui et sa p-petite vie parfaite.
Il m'en donne pour preuve le jardin et la maison.
- Ne me dis pas que toi, tu n'as jamais voulu le revoir.
- Bien sûr. Il est m-mon père.
- Alors vas-y. Et dis lui que ça n'a jamais été de sa faute.
- J'en suis in-incapable...
Je décide de signifier notre présence à sa place, mais il m’arrête. Il frappe pour lui, pour avancer et j'en suis heureux pour lui. On entend des pas.
Et la porte s'ouvre.
Un homme apparaît devant nous, habillé d'un jean et d'un t-shirt, tout ce qu'il y a de plus banale. Après tout, on est le week-end. Ses cheveux noirs sont coupés court et sa barbe est bien taillée. Brevan a hérité de quelques traits de son visage.
- Bonjour, je peux vous aider ?
Je recule d'un pas pour laisser la place à Brevan. Il lève la tête et leurs yeux se percutent. Il a compris. Son père ne fait aucun geste envers lui et nous invite à rentrer.
La maison est aménagée comme celle d'une maison de famille. Des dessins traînent sur la table de salle à manger et un montage de photos est encadré sur un mur peint de blanc.
- Tu... Vous... Vous voulez boire quelque chose ?
Brevan ne répond rien, absorbé par les photographies au mur et je réponds par la négative. Mais il disparaît tout de même dans la cuisine. Il a besoin d'assimiler. Deux adolescents qui sonnent à votre porte un samedi après-midi, ce n'est pas commun. Surtout quand l'un deux s’avère être votre enfant que vous n'avez pas vu depuis des années.
Je me rapproche de lui et remarque facilement ses yeux briller devant l'image d'une petit fille métisse et habillée d'une salopette. Puis une autre photo où son père tient dans ses bras la même fillette, un peu plus jeune.
Ce dernier revient vers nous et je remarque assez vite ses joues humides et ses yeux rouges. Il a pleuré. L'homme nous fait asseoir sur le canapé et Brevan reste loin de lui, préférant se mettre à côté de moi.
- Je... Je suppose que tu as des questions.
- Plusieurs, oui. Ça fait c-combien de temps q-que tu es m-marié, et quel â-âge à ma s-sœur ?
- Avec Marlène, ça va faire deux mois qu'on est marié. Ta petite sœur, Kettel, elle va bientôt avoir trois ans. Et toi, je vois que tu es venu accompagner.
- Arllem, mon p-petit-ami. Et si t-tu as un p-problème avec ça-
- Je ne peux pas te reprocher d’être tombé amoureux, le coupe-t-il. Je ne peux pas t'engueuler sur le fait que tu ais réussi à avancer après ce qu'il t'est arrivé.
Sa respiration devient tremblante et je m’efforce de le soutenir en lui tenant la main. Il revit son cauchemar.
- Pourquoi tu es p-parti au moment où j-j'ai eu le p-plus besoin de t-toi ? Au moment où m-maman avait b-besoin de toi ?
- Tout ce qu'on était en train de vivre, ça.. Ça me bouffait. Les rendez-vous avec la police où tu racontais à chaque fois la même chose, sa famille qui nous harcelait pour ne rien dire, le procès qui n'a rien donner au bout du compte... Et les séances de psy, tes crises, tes cauchemars... J'en pouvais plus. Et imaginer que c'était en parti à cause de moi, ça n'aidait pas. Alors oui, j'ai fuit. Toi, ta mère et mes problèmes. Mais il ne s'est pas passé un jour, sans que je pense à vous deux.
- Apparemment, ça t'a p-pas empêché de r-refaire ta vie... J'ai d-d'autres choses à t-te demander. Pourquoi t-tu n'as jamais ch-chercher à me r-reparler ?
- J'ai essayé, tu sais. Plusieurs fois. Mais je n'arrivais jamais à t'approcher. Et tu n'as jamais répondu à aucun de mes messages ou appels. Mes lettres sont aussi restées sans réponses. Alors j'ai vite compris que tu me reparlerais quand tu l’aurais décidé. J'ai continué à parler à ta mère pendant des mois, mais j'ai fini par arrêter. Le jour où elle m'a dit que tu souriais de nouveau.
- Ta femme est au c-courant pour mon hi-histoire ?
- Dans les grandes lignes. Ça reste une période de ta vie. Tu en parles à qui tu veux et envers qui tu en ressens le besoin.
Il m'observe et me sourit. Il sait. Je crois que c'est presque évident.
- Brevan... Je... Je peux te prendre dans mes bras ?
Sans rien dire, il se lève, hoche la tête et son père le tient fort contre lui, une main dans ses cheveux. Il se laisse finalement aller et cache son visage dans sa nuque. Je décide de leur laisser un moment seuls, m’éclipsant dans le jardin. Ils ont sûrement des choses à se dire.
J'envoie des messages à mes parents, pour leur dire que notre petite escapade touche à sa fin. Après un petit moment, Brevan me rejoint et m'embrasse doucement.
- On rentre ?
- Pas t-tout de suite. J'ai une d-dernière chose à f-faire.
Nous rentrons à l’intérieur et son père lui donne un petit sac à dos. Ils se prennent une dernière fois dans les bras et il nous emmène jusqu'à la porte d'entrée.
- Reviens quand tu veux. Tu pourras rencontrer ta sœur si tu veux.
- J'aimerais bien.
Brevan sort et son père m’arrête juste avant que je ne le rejoigne.
- Pour moi, peu importe l'âge auquel tu rencontres la bonne personne. Si tu es convaincu que c'est elle, tu n'as pas à attendre.
Je ne sais pas si ce qu'il vient de dire est un signe, ou le simple fruit du hasard. Mais quand je vois Brevan, la personne qu'il est et la façon dont son sourire me percute, je sais qu'il a probablement raison.
Son géniteur nous salue et referme derrière nous.
- Il y a quoi dans le sac ?
- Des souvenirs q-qu'il avait conservé p-pour me les d-donner quand on se r-reverrait.
- Et tu vas les garder ?
- Je vais les p-partager avec toi. Tout c-comme le moment q-que je vais v-vivre maintenant.
Je n'ai aucune idée de l'endroit où il veut m’emmener, mais je serais capable de le suivre au bout du monde, juste pour sentir sa paume dans la mienne et voir son sourire.
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