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Mon plafond est blanc. Trop blanc. Il manque cruellement de bleu. Ou de noir. Les couleurs de Brevan en somme. Mes pensées sont de moins en moins lucides. Je trouve ses yeux trop clairs pour être un dur à cuire et ses cheveux bien trop sombres pour être un faible. Ça n'a vraiment aucun sens.
Je me retourne sur mon lit. J'ai découvert avec peine son inexistence sur les réseaux. Tout ça aussi n'a aucun sens. À l'ère où chaque personne se doit de posséder au moins un profil, c'est vraiment étrange. Comme si avant d'apparaître au lycée, il n'avait jamais existé.  Je me retourne sur le dos quand quelqu'un frappe à ma porte. Une fois celle-ci ouverte, Guylane se maintient contre le chambranle.

- Viens manger, me suggère-t-elle, ça va être froid. Et tu sais que personne n'aime ça.

- Je vais à une soirée. Maman le sait.

- Pourquoi t'es pas encore parti ?

Je pose mon ordinateur sur le bureau et me laisse tomber sur le lit. Son super-pouvoir de grande sœur ou quelque chose dans ce genre-là, lui permet de ressentir ma détresse silencieuse. Elle entre dans ma chambre et s'allonge à côté de moi, les mains sur le ventre. Elle ne parle pas pour autant, attendant simplement que me lance.

- Il y a un nouveau dans ma classe.

- Quel est le rapport avec la choucroute ? Attends... Il te plaît, c'est ça ?

Je la regarde, elle tourne la tête vers moi. Est-ce qu'il existe réellement un pouvoir de télépathie entre personnes d'une même fratrie ? Pour le coup, je n'en suis pas sûr, mais je sais que Guylane l'a au moins envers moi.

- Il ne vient pas, je déclare en détournant le visage.

- Tu t'en remettras, tu sais. Ce n'est pas une fatalité si un garçon préfère rester chez lui, plutôt qu'au milieu d'ados bourrés et franchement chiants.

- Sauf que ce garçon, je l'aime bien. Et j'aurais voulu discuter avec lui ce soir. Histoire d'apprendre à le connaître.

Elle tapote le dos de ma main en souriant.

- Il y a une différence entre bien aimer quelqu'un et le trouver attirant. Surtout si tu viens de le rencontrer. Crois en mon expérience de sœur aînée.

Si elle veut parler de soit disant coup de cœur, je comprends très bien de quoi elle parle. Tristan en est le parfait exemple.

- Je sais tout ça, mais avec lui, c'est comme si je ressentais vraiment un truc. Quelque chose que je ne saurais pas décrire, que je n'ai jamais ressenti avant de le voir.

- Écoute... J'ai pas envie que tu te fasses de faux espoirs. Tu devrais d'abord attendre de voir où ça te mène au lycée. Et puis tu as regardé sur les réseaux pour en apprendre plus sur ce mystérieux jeune homme ?

- Tristan m'a suggéré la même chose. Mais rien. Il n'y a rien sur lui. Et j'ai regardé partout.

- On est pas dans un film d'espion Arly. Si ça se trouve, il n'aime tout simplement pas traîner sur les réseaux. Tu y as pensé ? me demande-t-elle avec un certain amusement dans la voix.

- Te moque pas de moi.

- Je ne me moque pas de toi, c'est juste que...

Elle marque une pause, m'observe, cherche la moindre petite faille dans mon regard. Je veux une réponse, mais ce n'est pas à elle de me la donner.

- Aller ! Tu devrais sortir avant d'arriver le dernier. Profite de ta soirée pour te vider un peu la tête. Pour sûr, tu verras plus clair demain.

Je me lève, l'invitant à sortir de ma chambre. Je ressors après quinze minutes, vêtu d'un jean délavé et d'un tee-shirt noir. Je n'ai pas de grande raison pour me rendre désirable.

- Tout ça pour ça ! ricane Ludiwine en enlevant la cinquième assiette sur la table.

Ma mère apparaît dans la salle à manger, un plat de légumes et saumon dans les mains.

- N'écoute pas ta sœur. Tu es très beau mon chéri.

Elle pose le plat sur la table et  embrasse mon front, mais je la repousse gentiment. Je l'aime, mais je n'ai plus quatre ans. Mon geste la fait rire.

- Peu importe ce que je mets, je suis beau à tes yeux...

- Et c'est vrai. Car tu es mon fils. Sauf une fois quand-

- Je rentre pas trop tard, bisous ! l'empêché-je de continuer en claquant la porte.

- Pas trop d'alcool !

Je rouvre pour pouvoir lui répondre.

- Oui maman. Et si je bois un peu plus je dors là-bas. Mais je t'enverrais un message avant.

- Tu es parfait !

- J'ai appris avec les meilleurs, complété-je avec un clin d'œil.

Elle frotte le bas de son pull et ferme la porte derrière moi. Je crois que je l'ai un peu gênée, ce qui n'est pas chose facile avec elle.
Pour aller  à cette soirée, je suis obligé de m'y rendre en vélo. Pratique donc, de m'être habillé simplement. C'est après quelques minutes à pédaler que j'arrive enfin. Dans la rue, j'ai l'impression de voir les murs trembler. À l'intérieur, je retrouve tout le monde et décide de me relâcher le temps d'une soirée.

Les heures passent, l'alcool s'infiltre dans nos veines, la musique augmente nos battements de cœur. On chante, on danse, on hurle. Des rires s'échappent. Des baisers sont donnés. Des corps se touchent, se caressent. Tristan pousse un garçon, s'excuse et disparaît dehors. Lou et Adam se jurent de s'aimer jusqu'à la fin de leur vie. Et moi, seul, je rêve au garçon que je désire. Je voudrais tellement que Brevan soit là.

Quand une bagarre est sur le point d'éclater, notre hôte décide de mettre tout le monde dehors. Adam nous invite à finir la soirée chez lui. Il est fier de nous annoncer que ses parents sont absents pour la nuit. Nous chantons des musiques entendues les heures précédentes sur le chemin.  On conclut parfaitement le tout, en faisant des jeux avec des petits fonds de bouteilles. Émilie est la première à nous abandonner pour le canapé.

- Douze ! hurle Tristan un verre de ''Pinkie-Pie'' dans la main. Je peux tenir douze jours sans le faire !

J'éclate de rire et buvant la fin de ma canette de soda. À cause de son mélange fait maison et probablement arme de destruction, j'ai la tête dans du coton et l'impression de suivre de très très loin leur conversation. Qui s'intéresse de toute manière aux exploits sexuels de ses amis quand les nôtres s'élèvent à seulement des petits plaisirs en solitaire ?

- Perso, c'est vingt-deux ! répond Adam, Lou lové contre lui sur le seconde canapé.

Elle qui éclate de rire en secouant ses mèches brunes.

- T'es défoncé mon cœur... Et pas qu'un pas qu'un peu.

- On peut parler de toi aussi, si tu veux !

- Crie pas ! Emy fait dodo.

Un coussin contre elle, les joues rouges, Émilie semble imperturbable dans son sommeil. Et je semble sur le point de la rejoindre avec mon nez qui pique. Je me frotte les yeux et monte à l'étage en m'excusant. Le lit de la chambre d'amis m'attend. Sous la couette, avec un simple t-shirt et en boxer, le sommeil tarde à venir. Je me tourne, me retourne dans tous les sens. Mais rien à faire. Surtout quand une envie pressante et soudaine me prend.
Je sors de la chambre et je me fige en voyant la scène que j'ai devant moi. Tristan. Lou. Ils s'embrassent. Et pas juste un petit bisous de rien du tout. Non. Ils se dévorent. Tristan qui est face à moi, ouvre les yeux et me remarque. Il repousse Lou, qui garde ses bras autour de sa taille.

- Surtout, Arllem, ne dit rien à Adam s'il te plaît.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'ils s'enferment dans sa chambre.
Putain. Ça s'annonce mal.

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