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L'issue de notre soirée a rapidement fait le tour du groupe. Tristan n'a pas su tenir sa langue. Et pourtant, aucun d'entre eux n'a poser de question. Ce qui a éviter une grosse discussion gênante. Lequel de nous avait pris. Bien qu'ils ont tous tendances à émettre chacun leurs petites hypothèses. Comme aujourd'hui, alors que les filles sont parties voir des amies et que Brevan posait une question à un prof. Je lui avais demandé s'il voulait que je l'accompagne, mais il a rétorqué qu'il voulait le faire seul. Il apprend à apprivoiser sa peur.

- Sûr, c'est Brevan, propose Adam.

- Nan... Je vois plus Arllem, contredit Tristan. Si tu l'avais entendu au téléphone ! En totale panique le pauvre !

Je lui donne un coup de pied dans la chaussure et il prend un air satisfait sur le visage.

- Bah alors, mon petit Arly, ta soirée s'est pas bien passée ?

- Ce que l'on fait tous les deux ne te regarde pas. Et puis si tu as envie de parler cul, on peut parler de toi et de Loïk.

Tristan se renfrogne et crache sa fumée de cigarette en tournant la tête. J'ai maintenant une bonne astuce pour le faire taire. Mais son oreille bandée m'inquiète un peu.

- Tu t'es fait quoi ?

Sa jambe se met à taper frénétiquement contre le bitume et il jette son mégot. Il n'est pas comme d'habitude. Sans me répondre, il récupère son sac et rentre dans le bâtiment. J'interroge Adam du regard et il hausse les épaules, lui aussi ne comprenant pas ce qu'il se passe. Je décide de suivre Tristan, voulant en savoir plus sur son état. Il doit m'avoir entendu, car il s'arrête dans les escaliers et se retourne vers moi.

- Qu'est-ce que tu veux Arly ?

- Je veux savoir pourquoi t'as un bandage sur l'oreille.

Il descend deux marches, croise les bras et éclate de rire.

- J'ai fait une infection à cause de mes piercings, ça te va comme réponse ?

J'acquiesce et il secoue la tête, probablement dépité par ma réaction. Il disparaît à l'étage et ma main resserre la lanière de mon sac. Mon meilleur ami ne me dit pas tout et avec lui, il ne faut pas chercher à insister au risque de recevoir un coup dans le nez. Mon esprit se calme lorsque qu'une main que je connais bien, frôle la mienne. Brevan m'a dépassé et est déjà en haut des escaliers.

- Tu lui as demandé quoi au prof ? lui demandé-je en le rejoignant.

- Les cours des p-premières.

- La terminal te suffit plus ?

- Exact ! J'adore f-finir mes devoirs à d-deux heures du m-mat'.

Avant de le voir s'éloigner trop loin, je passe mon bras autour de ses épaules et l'embrasse furtivement. On doit éviter au maximum les démonstrations d'affection ici.

- Non, reprend-t-il avec le sourire. C'est p-pour voir les c-cours que vous a-avez travaillé l'année d-dernière.

- Pourquoi tu m'as pas demandé ? maugréé-je.

Il s'humecte les lèvres et rit à ma remarque.

- Toi, tu es du g-genre à garder t-tous tes cours ?

Je secoue la tête et l'embrasse une nouvelle fois.

- C'est ce q-que je pensais. Je me f-ferais discret à t-ta place.

Je n'ai aucune envie de l'écouter.
Je m'adosse contre un mur, pose mon sac à mes pieds et tire Brevan vers moi. Ses mains retrouvant leurs places sur mes hanches.

- Bah alors, les pédales ? On se gêne pas pour se rouler des pelles au bahut !?

Il ne manquait plus que lui. Romain est mort de rire, un rire horrible en plus de ça. Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il monte les escaliers vers le troisième étage avec ses amis. La main de Brevan autour de mon poignet a l'effet d'un tranquillisant et je plonge mon nez dans son cou pour essayer de me calmer totalement.

- Je hais ce con...

Il ne dit rien et me serre dans ses bras.

- Des cons, il y en a partout. Nous aussi, on en devient un si on se met à les écouter.

Il m'embrasse la joue et redresse quelques-unes de mes mèches.

- On ferait mieux d'y aller avant d'être en retard, soupire-t-il contre moi.

- T'as l'air aussi motivé que moi.

Brevan s'écarte avec le sourire et ramasse son sac en fuyant vers le dernier étage. Je le suis aussitôt et manque de me prendre la porte que le prof refermait.

- C'est la première fois que tu arrives en retard, Arllem.

- Le temps n'est que relatif comme on dit !

Il ne prend pas ma remarque à la plaisanterie et m'invite à m'asseoir rapidement. Je prends place à côté de Brevan et il me donne un sourire angélique.
Le cours de physique est si passionnant que je manque à plusieurs reprises de m'endormir. Je sais que je ne devrais pas dormir en classe, mais la voix monotone sur les notions de gravité et la main de Brevan qui caresse ma cuisse forment un parfait combos pour une sieste.
J'émerge un peu lorsque ses doigts quittent ma jambe. Il déplie une boulette en papier sur sa table, la lit et se retourne vers le fond de la classe. Je me tourne dans la même direction et vois Romain, qui paraît satisfait de lui. C'est facile de voir les yeux de Brevan s'embrumer. Il lève subitement la main à l'intention du prof.

- Monsieur, j-je me sens p-pas bien !

Il l'autorise à quitter la classe. Évidemment, tous les professeurs ont été mis au courant de ses crises d'angoisse et qu'il fallait mieux le laisser les gérer. Je prends le petit morceau de papier froissé et ce que j'y lis me tord l'estomac. Romain n'en a rien à faire de mon regard noir et m'envoie un doigt d'honneur. Enfoiré. Je lève à mon tour la main et fais mine de me tortiller sur ma chaise.

- S'il vous plaît, je peux aller aux toilettes ?

- Tu ne peux pas attendre la fin de l'heure ? rétorque l'homme, sans se retourner vers moi.

- C'est pressant ! gémis-je pour la mise en forme.

- Vas-y...

Je cours presque dehors en claquant la porte derrière moi. Il faut que je pense stratégique.
En évitant au mieux les surveillants, je me mets à le chercher dans chaque toilette et dans les coins où personne ne se rend habituellement. Il est introuvable. Le stress commence à monter et la peur avec. Mon rythme cardiaque se calme un peu quand je reçois un message.

''Je vais bien. Retournes en cours.''

Le message sonne étrangement faux. Je range mon portable et me remets à sa recherche. C'est seulement quelques minutes après que je le voie enfin, assis sur un banc, notre banc, emmitouflé dans son sweat bleu-ciel. Sa capuche le couvre du monde. Il ne va pas bien.
Je l'informe de ma présence et prends appui sur le dossier du banc, sans le regarder.

- C'est pas toi y a cinq minutes qui me disait qu'il ne faut pas écouter des cons comme Romain ?

Il lève ses jambes et le serre contre lui. Je m'y prends déjà mal.

- Romain est comme ça depuis mon coming-out. Ce n'est certainement pas nous le problème, mais le fait qu'il ne comprenne pas.

Aucune réponse. Seulement un petit sanglot.

- Brevan...

- Je ne v-veux pas m'affirmer c-comme toi, parce que j-je ne suis p-pas comme toi.

Je m'assois à coté de lui et il s'éloigne un peu plus. Les mots de Romain l'affectent plus qu'il ne veut l'avouer et ça m'enrage.

- Je suis p-pas gay, Arllem. Ni bi. Ni pan, ou j-je sais pas quoi. Je ne v-veux pas d'une é-étiquette.

- Je n'ai jamais dit que tu devais en avoir...

- Tu dis ça, m-mais j'en ai une p-pour toi. Le petit truc f-fragile que tu dois p-protéger du reste du m-monde.

Je me pince les lèvres. Je dois démentir, lui dire que c'est faux. Mais rien ne sort. J'ai la gorge nouée. Je sais pertinemment qu'il a besoin de parler. Alors c'est lui qui comble le silence.

- J'ai déménagé à c-cause de mon ancien l-lycée. Les marques, je ne l-les cachais pas au-autant... J'ai jamais r-reçu de coup. Mais les m-mots, ils peuvent f-faire tout aussi m-mal. Voir p-plus. Quand j-je suis arrivé ici, je m-m'attendais plus à g-grand chose et... Tu es a-arrivé. Les problèmes ont s-suivis.

Mes poings serrent de plus en plus fort le banc, à me demander s'il osera enfin le dire clairement. Et c'est franchement flippant.

- Pourtant... Je ne veux pas renoncer à ce que je suis entrain de vivre avec toi...

Il m'observe, les yeux brillants. Je le prends dans mes bras, sans lui demander. Tremblant, mes mains tombent sur ses épaules et je baisse la tête. Je suis entrain de pleurer. Je pleure à la seule idée qu'il puisse s'éloigner de moi à cause des autres.

- Arllem ? Tu... Tu pleures ?

Je secoue la tête et les larmes continuent de tomber.

- Arllem...

Sa main glisse dans mes cheveux et je l'entends renifler. Je le regarde, probablement le visage et les yeux rouges. Mon expression doit être ridicule à voir.

- Je t'aime Brevan, putain. Je t'aime tellement que ça me fait mal, déclaré-je, le cœur battant.

- L'amour, c'est pas censé faire mal... chuchote-t-il.

- Je... Je sais pas ce l'amour est censé faire, sangloté-je. Mais ce que je sais, c'est que les histoires d'amour peuvent détruire comme elles peuvent guérir de tout. Et merde, j'ai envie que la nôtre soit un putain de remède.

Ce n'est probablement pas la chose la plus romantique qu'il ait entendu, mais je n'en pense pas moins. Et mon état d'esprit ne doit pas aider. Brevan me tient contre lui et me caresse doucement les cheveux le temps que je reprenne mon souffle. J'imaginais pas non plus, que l'amour ça pouvait faire aussi peur. Après un certain temps, il prend mon visage entre ses mains et m'embrasse le front avec un petit rire.

- J'aimerais bien t'embrasser, mais tu es tout trempé.

Je m'essuie vulgairement avec mon bras et il sourit avant de m'embrasser délicatement.
Les mots de Romain reviennent en boucle dans ma tête comme un vieux disque rayé.

''Y a pas de fierté à niquer une tafiole.''

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