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L'amour frappe de façon soudaine, ça, je vous l'accorde. Mais on oublie de dire que ce n'est jamais au bon moment. Il fallait que je tombe amoureux en plein devoir de maths. Qu'un foutu coup de foudre me frappe au milieu de fonction et de X au carré, là où tout a un seul sens, alors que les émotions n'en ont aucun.
Si vous cherchez la définition de l'amour dans le dictionnaire, vous devez techniquement tomber sur ça : désigne un sentiment intense d'affection et d'attachement envers un être vivant ou une chose, qui pousse ceux qui le ressentent à rechercher une proximité physique, intellectuelle ou même imaginaire avec l'objet de cet amour.
Il n'y a rien de précis là-dedans, puisque tout le monde le vit différemment. Pourtant, en voyant le nouvelle élève fixer ses pieds, je trouve que la définition colle plutôt bien. Je ressens tout ce qu'Adam m'a décrit la première fois qu'il avait croisé Lou-Anne. Les mains moites, le regard hagard et fixé sur une seule chose, le tout accompagné de l'irrépressible besoin d'apprendre à le connaître. J'ai besoin de savoir pourquoi il nous fuit tous du regard.
Peut-être pour l'encourager, le surveillant s'apprête à lui donner une petite tape sur l'épaule, mais il l'évite d'un mouvement rapide. Peu de personnes apprécient le contact des inconnus dès le premier jour, je le reconnais. Alors l'homme s'excuse et quitte la salle en saluant le professeur.
Et le nouveau doit alors lever la tête pour trouver une place. Coup de chance ou non, la seule libre est celle à côté de Tristan, qui ne manque pas de lui faire de grands signes avec un sourire, fidèles à lui-même. Il se moque bien d'être en plein devoir.
– Je m'appelle Tristan, c'est quoi ton nom ? il murmure face au regard inquisiteur de M.Granet.
Pendant quelques secondes, le garçon ne répond rien, comme s'il cherchait la bonne réponse. Puis son sac atterrit aux pieds de la table et il tire la chaise pour s'asseoir. Une respiration, puis deux. Et la réponse vient.
– B-Brevan.
Il a une voix claire et un petit bégaiement, sûrement lié au stress et au fait d'être arrivé en plein contrôle, en plus d'un Tristan envahissant à sa gauche. M.Granet les surprend à bavarder et décide de donner le contrôle pour le prochain cours. Soit lundi. Il ne prend pas la peine de ramasser les sujets, expliquant qu'ils serviront d'entraînement. Des remerciements et des cris d'enthousiasme plus tard, le cours reprend. Ainsi que les bavardages de Tristan, que je ne peux m'empêcher d'écouter.
– Cool et original le prénom. Un peu comme celui de mon cher petit Arllem juste derrière.
Pour voir quel visage associer au nom, Brevan décide de tourner la tête vers moi, au moment où je relève les yeux de ma feuille. Je ne sais pas si c'est valable pour tous, mais moi, là, à cet instant précis, je crois qu'effectivement, l'amour vient de me frapper. Et pas juste un peu. J'en suis maintenant certain. Je n'arrive pas à fuir ses yeux clairs, ni à ne pas regarder ses cheveux sombres. Et encore moins la cicatrice qui barre sa joue gauche, de la pommette à la mâchoire. Malgré celle-ci, il est beau. Et mon cœur est en accord avec ce fait. Je n'arrive plus à me détacher de lui, y compris quand il détourne le visage vers le devant de la salle.
– Ferme la bouche, tu baves, chuchote Adam à mon oreille.
Revenant à la dure réalité, je m'essuie le menton, mais il est sec. Mon meilleur ami a le droit à un regard noir et il se retient de rire comme il peut.
– Désolé, mais c'était trop tentant. Au moins, on peut pas rater que c'est ton type de mec.
Mon cœur se met à tambouriner encore plus fort, si bien que pendant un moment, j'ai l'impression de le sentir s'enfuir hors de ma poitrine. Évidement qu'il est mon type, il l'est carrément.
Les minutes défilent lentement, encore plus que d'ordinaire, car je n'arrive pas à suivre. Je sais pourtant que j'ai besoin de ça pour réussir. Mais mon inconscient me suggère plutôt de regarder le nouvel élève dans ma diagonale.
La sonnerie retentit enfin dans le couloir, signant la fin de la semaine et donc du calvaire. Tous les élèves quittent la salle simultanément après avoir ranger leurs affaires. Tout le monde ne pense plus qu'au week-end, même le prof, qui ne prend pas la peine de nous ré-avertir du contrôle de la semaine prochaine. Pour la première fois de l'année Tristan prend tout son temps pour ranger ses affaires et il m'offre un sourire.
– Brevan, ça te dirait de venir ce soir à une fête ? Je connais bien la personne qui l'organise.
Il se contente de secouer la tête pour répondre.
– Oh aller... Je suis sûr que tu vas t'amuser et puis, ça sera pour toi l'occasion de rencontrer du monde.
Il ne dit rien et range simplement son livre dans son sac. Je remarque alors ses doigts trembler quand il serre ses lanières.
– N-non, non. Vraiment. Et p-puis ma mère m'attend.
Il finit de ranger rapidement ses affaires et quitte la salle au pas de course, sans que je puisse même le retenir. Nous le suivons juste après.
– Un vrai mystère ce garçon... soupire Lou en replaçant sa natte.
– N'empêche que notre petit Arly à craqué sur ce mystérieux garçon aux cheveux de jais, ajoute Adam en me gâtant d'un regard entendu.
– Et c'est tout à son honneur. Il est plutôt mignon.
Tristan se rapproche de moi et passe son bras derrière mes épaules en s'éloignant un peu des autres. Je crois bien être le seul garçon avec qui il est aussi tactile.
– Va voir son profil sur les réseaux et demande lui son numéro. N'attends pas l'apocalypse pour le faire.
– Merci monsieur le coach en séduction.
– Mais je t'en prie.
Je veux maintenant m'éloigner de lui, mais il me retient par la taille. Là, il devient carrément envahissant.
– Et invite ta frangine pendant que tu y es.
– Elle est au collège...
– Mais je te parles pas de petit Lu'. Je te demande de proposer à Guy.
– Guylane ne t'aime pas Tristan.
– Faux ! C'est juste qu'elle ne le sait pas encore.
Je lui dirais un jour, que Guylane a un petit-ami depuis maintenant trois ans. Pour le moment, c'est assez drôle de le voir espérer.
Tristan m'abandonne sur le parking du lycée afin de prendre le bus pour rentrer chez lui, accompagné de Lou-Anne. Ils se donnent rendez-vous pour tout préparer avant la fameuse soirée. Émilie et Adam sont ramenés chacun par leur parents. Du groupe, je suis donc le seul à rentrer en vélo.
Sortant de mon sac la clé de mon antivol, je suis surpris de voir Brevan assis sur un rebord en béton, des écouteurs enfoncés dans les oreilles. Je décide de prendre mon courage à deux mains et comprends vite que je n'aurais pas dû. Alors que je pose mes doigts sur son épaule pour l'interpeller, il sursaute et s'éloigne de moi avec un cri. Je me confonds en excuse.
– Désolé je... Je voulais pas te faire peur.
Brevan resserre son sac contre lui et il s'essuie les yeux du revers de sa manche. Ils sont brillants et je m'en veux de le trouver beau comme ça.
– J-j'aime pas que les gens m-me touchent.
– C'est pour ça que t'as repoussé le surveillant ?
Il ne me répond pas pour autant.
– Pardon. Je le referais pas.
Il n'attend pas une seconde de plus, enfile son sac et quitte le parking au pas de course. Mes amis ont tous raison. Mais Brevan n'est pas juste mystérieux, ils ne le voient pas de la même manière que moi. Ils ne voient pas ce regard bleu, ces cheveux noirs et cette fine silhouette qui s'éloigne de moi. Je suis persuadé qu'il jouera un rôle dans le reste de mon année.
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