- 16 -

Quelque chose qui oppresse ma poitrine me réveille. Mais ce n'est pas douloureux. Je me frotte les yeux pour tenter de m'habituer à la lumière environnante. Je regrette maintenant de ne pas avoir fermé les volets la veille. La chambre est gorgée de soleil et la peinture blanche brille sur les murs.
Le lit à côté du mien est vide et je comprends rapidement pourquoi je ressens une telle pression. Brevan a dormi contre moi et ses bras se resserrent autour de mon torse. Il a préféré que nous la passions la nuit ensemble.
Bien que Brevan gigote de temps en temps, il semble apaisé. Ça me fait sourire de le voir aussi calme.
Je caresse sa mâchoire et il ouvre peu à peu les yeux.

- Salut... soupire-t-il.

- T'as bien dormi ?

Il hoche la tête et passe ses doigts dans mes cheveux. Je ne pensais pas être capable de faire tout ça pour quelqu'un et de pouvoir l'aider autant.

- Ça va mieux tes crises, on dirait. J'ai l'impression que tu en fais moins ces derniers temps.

Brevan se relève vers moi et sourit une fois de plus.

- C'est parce que tout va mieux quand je suis avec toi.

Son regard est tendre. Je me sens aimé avec lui.
Il se relève un peu plus et sentir nos lèvres aussi proches est un supplice. J'ai besoin de ressentir quelque chose. J'ai besoin de l'embrasser jusqu'à en avoir des frissons. Alors je prends son visage entre mes mains et c'est lui qui vient m'embrasser.
L'amour a sa manière pour vous faire perdre la tête et je ne pensais pas pouvoir tomber amoureux à ce point.
Quand nous reprenons notre souffle, je me mords la lèvre et sa langue glisse sur la sienne. Je suis servie niveau frisson.

C'est probablement un peu trop tôt, mais j'ai envie de lui. Alors pour tenter le coup, j'enlève mon haut et le lâche sur le parquet. Brevan lève sa main pour venir toucher ma peau éclairée par la lumière matinale. Il m'a toujours vu tout habillé et le voir détailler autant mon ventre me rend frémissant. Un rien peut me faire flancher.

- T'as la main froide.

- Toi, t'es tout chaud.

Je le rapproche de moi, ma paume contre sa joue abîmée.

- Dis moi ce qu'il faut que je fasse.

- Arllem...

Nos bouches sont séparées de seulement quelques millimètres. Nos souffles se mélangent.

- Touche-moi.

- J'attendais que ça.

On s'embrasse encore et c'est impossible pour nous de nous quitter.
Plus inconsciemment que je ne le voudrais, mes mains partent dans son dos pour envisager de lui retirer le sweat qui lui sert de pyjama. Brevan doit prendre subitement conscience de la situation dans laquelle nous sommes, car il recule, les joues rouges.

- Il faut q-que je te dise q-quelque chose avant.

- Tu veux arrêter ? lui demandé-je en caressant doucement sa hanche.

- Non, répond-il en secouant la tête. C'est juste q-que je ne suis p-pas sûr que tu a-apprécieras ce que tu v-vas voir.

Je câline sa pommette de mon pouce. Jamais je ne pourrais envisager de ne pas aimer ce que j'ai devant les yeux. Brevan est la définition de ce qu'il y a de plus beau au monde pour moi.

- Montre-moi. Je peux tout accepter venant de toi, le rassuré-je.

- D'accord. Mais tu p-peux t’asseoir, s'il t-te plaît.

J'obéis sans discuter. L'appréhension me tiraille, me demandant ce qu'il peut bien cacher sous son gros pull épais. Brevan n'avait jamais autre chose que des vêtements longs.
Assis au bord du lit, il me tourne le dos et entreprend d'enlever son haut.
Moi qui pensais faire face à une timidité, je sens mon cœur se déchirer en voyant la vérité.

Son dos est recouvert de dizaine de petites cloques creusées dans sa chair, comme des brûlures de mégots de cigarette ou de cire de bougie. Entre elles, de fines coupures, semblables à celles laissées par des lames de rasoir peu profondes. Tourné sur le côté, je n'ai aucun mal à voir que son torse est dans le même état. Certaines des blessures disparaissent dans son jogging et s'étendent jusque sur ses avant-bras.

- Je m-me déteste...

- Dis pas un truc pareil.

Je ne laisse pas rajouter quoi que ce soit. Je me rapproche, le prends par les épaules, elles aussi abîmées et le serre contre moi. Il me serre à son tour, d'une force que personne ne m'avais jamais tenu avant lui. Son visage dans mon cou, il se met à pleurer. Et je ne peux rien y faire.
Impuissant, je le vois lentement sombré dans mes bras. Mes lèvres se pincent quand je le sens s'accrocher davantage et pleurer plus fort.
Je ne ressens plus rien, si ce n'est cette douleur qui comprime ma poitrine et embrume mes yeux.

Nous restons de longues minutes enlacés, sans rien dire. Mes doigts dans ses cheveux, je le berce contre moi et sa respiration finit par être plus calme. Nous nous rhabillons sans rien dire et ne parlons pas plus une fois allongé sur le lit, nos jambes emmêlées.
Mais je sens qu'une ombre plane au dessus de nous.

- C'est ça... La c-cause de ma ph-phobie, reprend-il au bout d'un moment. Et je c-crois que tu d-devrais savoir pourquoi...

Sans le lâcher, je me penche pour attraper son portable et lui tend.

- Écris-le, si c'est plus facile pour toi.

Silencieusement, il le récupère et écrit quelque chose dessus, pendant plusieurs minutes. Je sais, au fond de moi, que ces mots doivent être dur à entendre et encore plus à prononcer.
Je chasse une larme qui coule le long de sa joue. Il me tend presque immédiatement son téléphone. Je suis effrayé à l’idée d'apprendre la vérité quand je vois l'état de sa peau. Mais je me dois d’être là pour lui. Comme une promesse muette, je lui tiens la main et entreprends de lire.

"Mes parents se sont rencontrés à la Fac. Ils étaient heureux ensemble, tout était parfait. Puis ma mère est tombé enceinte. Contrairement à ce qu'elle imaginait, mon père est rester. Et neuf mois plus tard, je suis venu au monde. Je n'ai jamais eu d'autre famille que mes parents. Ils avaient tout les deux coupé les ponts avec leurs parents. Du coup, pour subvenir à nos besoins, c'est ma mère qui a abandonné ses études et commencé à travailler. Mon père lui, continuait les cours. Ils avaient conclu en marché entre eux. Du coup, ils demandaient régulièrement à leurs amis respectifs de s'occuper de moi en échange d'un peu d'argent. Tout allait bien. Mes parents se sentaient soutenus. Puis j'ai grandi et j'ai fini par aller à l'école. Un seul des amis de mes parents continuait à venir. C'était le meilleur ami de mon père, presque un tonton pour moi. Il m'offrait plein de trucs à Noël et pour mon anniversaire. Mais plus je grandissais plus il devenait proche de moi. Trop proche. Mais je ne m'en rendais pas compte à cet âge-là. Et quelques jours après mes huit ans, alors que mes parents étaient sortis, c'est lui qui me gardait "

Le message n'a pas de suite. Je tourne la tête vers lui. Les larmes dévastent son visage.
Je repose l'appareil sur la table de nuit et l'étreins. J'ai peur d'avoir compris.

- Brevan...

- Il... Il...

Encore une fois, je le vois s'enfoncer, complètement submerger par ce qu'il lui est arrivé. Je suis impuissant face à tout ça.

- T'as pas besoin de le dire.

- Si ! Je...

Je ne veux plus entendre cette vérité. Pas si c'est pour qu'elle éclate tout sur son passage comme une bombe.

- Il m'a violé. Pendant q-quatre ans...

- Je t'en prie, Brevan, arrête...

- C'est lui q-qui m'a brûlé, sanglote-t-il C'est à c-cause de lui les c-coupures. Dès qu'il était l-là, j'étais sûr d-d'avoir mal q-quelque part.

Je ne parviens plus à me retenir et pleure avec lui. Ce n'est pourtant pas à moi de verser des larmes, mais j'en ai cruellement besoin. Comment quelqu'un a pu faire ça à un enfant ? Comment un adulte pouvait toucher un enfant de cette manière ? Comment quelqu'un avait pu torturer et détruire Brevan à ce point ?

- Je n'ai jamais rien dit à mes parents, parce que j’étais terrifié à l'idée qu'il me fasse encore plus de mal, reprend-t-il plus doucement en s'essuyant les yeux. Mais un jour, j'ai fini à l’hôpital. Je ne sais plus pour quoi. J'ai eu tellement mal quand je me suis réveillé. Mes parents étaient là et lui aussi. J'ai pleuré en le voyant si près de moi après ce qu'il m'avait fait. Ma mère ne comprenait pas, alors j'ai tout dit. Ce qu'il me faisait quand ils n'étaient pas à la maison. J'ai jamais vu mon père aussi en colère. Il n'a pas cherché à lui poser des questions en vue de mon état et l'a frappé dans le couloir, devant tout le monde. En l'insultant. Mon père a frappé tellement fort qu'il lui a cassé le nez. Même en étant retenu par des agents de sécurité, il se débattait et hurlait qu'il allait le tuer. Finalement, il a quitté l'hôpital à cause de mon père. 

- Il... Il est en prison ? hésité-je, la voix encore tremblante.

- Non. Il est mort la veille où la police est venu l’arrêter. Il s'était ouvert les veines dans sa baignoire.

Celui qui l'avait détruit n'a jamais été puni pour ses actes. Brevan n'aura jamais le droit à sa justice.

- Il est où ton père maintenant ?

- Parti. Il disait que c'était de sa faute parce qu'il était son meilleur ami.

Je le prends contre moi, caressant ses cheveux entre mes doigts. Je n'ai rien pu faire d'autre que de me prendre la vérité en pleine face. Mon cœur en a pris une sacrée claque.
Mais je me sens désormais prêt a tout pour le protéger.

- Tu restes avec moi ? finit-il par demander.

- Oui. Jusqu'à ce que tu en décides autrement.

J'embrasse son front, les larmes aux yeux. Je veux plus que jamais le rendre heureux.

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