- 15 -
Le milieu de salon est surchargé d'adolescents quasiment tous bourrés. Nous sommes près de quarante et personne ne semble prendre conscience de l'heure qu'il est. Surtout quand je vois ceux qui dansent autour de la piscine. Heureusement, savoir que certains devaient dormir sur le parquet s'ils ne partaient pas, les a convaincu de nous abandonner pour la soirée de Romain à l'autre bout de la ville. Je suis content de savoir qu'il a choisi le même jour que moi. Surtout que ça évite les cons dans son genre.
- Tu danses pas ? me demande Adam en passant une main dans ses boucles brunes.
- Tu sais que je danse comme un phoque échoué sur une plage.
- Pas faux. Il est où ton chéri ?
Je pointe du doigt Brevan, assis entre Lou et une autre fille aux courts cheveux roux, qui lui donne un grand sourire. Je suis dépité. Comment j'ai pu me tromper à ce point sur lui ? Après tout, il ne m'a jamais dit qu'il aimait sérieusement les garçons. Je suis certain que le fait que l'on s'embrasse l'a conforté dans son hétérosexualité.
- T'en fais une tête, reprend Adam. Il s'est passé quoi entre vous ?
- Rien, justement. On s'est embrassé et il ne s'est rien passé. Je crois que je vais abandonner l'idée de sortir avec lui.
Adam ne répond rien et m'attrape le poignet sans que je ne puisse me défaire de son emprise. Il s'arrête net devant le petit trio et lance un bref regard à Lou, avant de me lâcher.
- Brevan, Arllem voulait te proposer de danser, mais cet imbécile n'ose pas le faire.
Lou masque son rire de sa main et Brevan se lève pour m'emmener au milieu du salon avec lui. Il me sourit sincèrement et commence à bouger devant moi. Il ne doit pas avoir idée des quelques autres regards qui se posent sur lui, ni de l'effet qu'il me fait.
Du coin de l'œil, je vois Adam se diriger vers la chaîne de musique et une mélodie plus douce se lance.
- Un petit slow pour les couples ! il lâche d'une voix forte en me fixant.
Il a bien calculé son coup.
On se regarde avec Brevan, peu sûr de ce que l'on doit faire. Foutu pour foutu, je lui propose de danser avec moi. Et il accepte. Je place doucement mes deux mains sur sa taille et attends qu'il fasse lui aussi un geste envers moi. Je ne veux pas qu'il fasse une crise au milieu de tout ce monde.
- Je m'excuse encore pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure, il commence en chuchotant. Je sais pas pourquoi j'ai voulu t'embrasser. Surtout que tu n'as pas aimé.
- T'as pas à t'excuser, je réponds sur la même intensité. Et le fait de n'avoir rien ressenti me rassure un peu.
Ses mains glissent sur mes épaules pour venir se poser derrière ma nuque.
-Pourquoi ?
- J'ai moins l'impression que l'amour est une chose impossible qui arrive qu'aux autres. Je veux dire par là, que tout ce que je savais des relations amoureuses, c'était à la télé. Et je sais à quel point c'est faux à la télé. Un premier baiser peut ne pas être parfait.
- Au fond de toi, j'imagine que tu me pensais hétéro... C'est peut-être aussi pour ça qu'on n' a rien ressenti...
- J'ai un peu appréhendé, c'est vrai. Mais je sais que tu n'es pas hétéro, ni gay. Enfin, je crois.
Pendant une seconde, son regard se perd sur nos pieds et je fais pareille. Nos baskets se touchent. Il relève la tête et se rapproche un peu plus de moi.
- Moi-même, je ne sais pas. Mais il y a des choses que toi non plus, tu ne sais pas sur moi et je suis effrayé à l'idée que tu apprennes toute la vérité.
- Tu fais parti d'un gang ?
J'ai au moins la chance de le faire rire. Il secoue la tête et la pose contre mon torse, alors que mes doigts serrent plus fort son sweat.
- J'ai jamais été amoureux Arllem. J'ai envie de savoir ce que ça fait, il soupire contre moi.
J'abandonne son haut pour prendre son visage entre mes mains afin qu'il me regarde.
- Surtout si c'est avec toi.
Quand sa bouche devient trop proche, il est facile pour nos lèvres de se rencontrer. Il semble d'accord, gémissant et me penchant plus près de sa taille. Ce baiser m'embrase avec une chaleur persistante, de seconde en seconde. C'est mieux comme ça.
Mais toute bonne chose ayant une fin, Brevan se détache de moi. Je finis par rouvrir les yeux, un joli rose colore ses joues.
- Je suis heureux.
Un petit rire lui échappe. Je prends son visage entre mes mains et l'embrasse de nouveau, sensuellement, nos corps collés l'un contre l'autre. La musique est finie depuis un moment quand on se relâche pour de bon et Adam me fait un signe de la victoire, le bras de Lou-Anne autour de sa taille. Brevan dépose un bref baiser sur mes lèvres et part dans la cuisine pour se servir à manger.
Avant que je ne puisse le rejoindre, je suis accaparé par Tristan.
- Arly, je suis désolé, mais il va falloir que je parte. Je crois que mon frère a des problèmes.
- Je viens avec toi, annonce un garçon derrière lui que je ne connais pas.
De toute manière, lancé comme il est et surtout s'il s'agit de son frère, Tristan est inarrêtable.
Il enfile sa veste en quatrième vitesse et grogne en voyant le garçon mettre également la sienne.
- Loïk, tu devrais rester là.
- Et rater une occasion de te faire monter sur ma moto ? Jamais.
Le garçon blond aux taches de rousseur disparaît à l'extérieur, un gros sac sur le dos.
Tristan voit que je me pose des questions, mais elles attendront leur réponses. Il rejoint le fameux Loïk en claquant la porte.
À côté de moi, Adam semble tout aussi surpris.
- C'est moi ou Tristan vient de partir avec un mec qu'on a jamais vu ?
- Tu crois qu'ils sont ensemble ? je m'interroge.
- Tristan est hétéro et il refuse de sortir avec tout ce qui possède un engin entre les jambes. Il me l'a dit, je ne sais pas combien de fois. Tu le sais mieux que personne en plus, finit Adam en repartant vers le salon. Ce n'est qu'un compagnon fan de moto !
Tant mieux pour lui s'il a rencontré un motard, vu son amour pour les véhicules deux roues qu'il n'a jamais pu exprimer avec son père.
Dans la cuisine, je rejoins enfin Brevan. Il est accoudé contre l'îlot central, devant un grand plat recouvert de reste de sauce bolognaise.
- Je c-crois que c'est m-mort pour les lasagnes.
Son ventre grogne et j'ouvre le frigo pour tenter de lui donner quelque chose à grignoter. Des bières (beaucoup de bière), des cubes de fromage, du ketchup et un fond de bouteille de Schweppes agrumes. Je prends le bol de fromage et sort deux cure-dents d'une boîte. Il me remercie et mange quelques morceaux d'emmental.
- Si j'avais su, j'aurais demandé à ma mère de commander des pizzas à la place.
Il trempe un bout d'un cube dans le plat et fait un drôle de bruit en l'avalant.
- C'est t-trop bon ! Elle c-cuisine trop bien t-ta mère.
Je fais la même chose que lui. C'est vrai que c'est super bon.
Après avoir fini entièrement le bol, on décide de rejoindre les autres au salon. On danse, on chante avec les autres et je continue à boire. Peu à peu, les gens rentrent chez eux et presque vers quatre heures du matin, nous décidons d'arrêter la musique et de monter dans les chambres. Vient le moment crucial de la distribution des lits. Adam devait dormir avec Tristan et Greg, Lou et Émilie ensemble. Seulement, Tristan est parti et Adam a disparu avec Lou-Anne dans sa chambre à lui. Il n'y a donc plus qu'une chambre pour Greg et Émilie. La pauvre tient fort contre elle son sac à dos en jeans, alors que Grégoire a les joues rouges. Je me vois mal les faire dormir ensemble.
Au final, on joue les déménageurs pendant un bon quart d'heure pour déplacer un matelas et le poser au milieu du couloir. Faire ça avec de l'alcool dans le sang n'est pas de tout repos. On éclate tous de rire quand Greg se prend les pieds dans son duvet et manque de se cogner le visage contre le mur. Émilie l'aide à se relever et il lui rend son sourire, avant qu'elle ne disparaisse dans sa chambre. Je fais comme elle avec Brevan. Épuisé, je ne prends pas la peine de me changer, retire vite mon jean et m'enfonce sous ma couette. Lui, il prend le temps d'aller dans la salle de bain adjacente, de se changer et de se brosser les dents.
- On n'a p-pas fermé les v-volets, m'informe Brevan une fois de retour.
Je geins et me retourne dans mon lit. Il fait nuit noire, donc pas la peine de les fermer. Malgré ça, je me lève pour rapidement me brosser les dents. Autant que je fasse bonne impression.
Dans la chambre, assis sur son lit, j'ai l'impression qu'il ne sait pas vraiment quoi faire. Alors je prends les devants et lui prend la main pour qu'il vienne dans mon lit. On se retrouve enchevêtré sur les draps.
- J'ai jamais dormi avec quelqu'un, il soupire en calant sa tête sur mon épaule.
- Moi non plus...
Je le rapproche et l'étreins, son bras autour de ma taille.
- Bonne nuit, il baille.
Il me fait bâiller et je l'embrasse doucement. Ses doigts glissent dans mon cou et je le sens sourire contre moi.
Finalement, c'est vraiment bien d'avoir dix-huit ans. Surtout quand on est amoureux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top