- 13 -

Mon portable vibre depuis au moins cinq bonnes minutes. Bien que mon alarme indique que je dois aller en cours, j'ai du mal à assumer mon insomnie et l'envie m'a déserté. Je l'éteins et replonge sous mes draps. Quand Guylane apparaît dans l'encadrement de ma porte et allume la lumière, je me cache sous mon oreiller.

- Joyeux anniversaire, la marmotte ! elle s'extasie. T'as beau avoir dix-huit ans aujourd'hui, tu restes un lycéen qui a des cours ! Aller, debout !

Je geins et me retourne en pestant. Le matin, elle est toujours d'attaque. Peu importe le jour et l'heure. Le fonctionnement de Guylane est un véritable mystère pour moi.

- Tu peux rester dans ton lit toute la semaine et ne pas fêter ton aniv' avec tes potes et ton copain, si tu veux.

Je m'assois sur mon matelas et passe une main dans mes cheveux hirsutes. Mes yeux doivent être entourés de cernes. Je n'ai qu'une envie, me rendormir. Mais l'entendre mentionner Brevan comme mon copain, me permet de tenir un peu.

- Guy, j'ai pas dormi de la nuit.

- Serait-ce à cause de pensées inappropriées pour un beau garçon ?

- Va chier.

Les joues très certainement rouges, je lui envoie mon oreiller, qu'elle attrape en plein vol en riant.

- C'est quoi cette vulgarité, jeune homme ?

- C'est toi qui ais appris les gros mots en première, je te signale. Tu t'es jamais retenue quand on était plus petit, je rétorque.

- Pas faux. En tout cas, tu ferais mieux de te dépêcher, c'est maman qui t'emmène ce matin. Tu devrais en profiter pour lui dire.

- Lui dire quoi ?

- Pour le garçon que tu as follement envie d'embrasser.

Elle ferme la porte de ma chambre et je l'entends descendre les marches. C'est certain que tout le monde sera au courant quand j'embrasserais Brevan.
Guylane a beau être un peu agaçante sur les bords, je me trouve chanceux d'avoir une grande sœur comme elle. Ou toute une famille comme j'ai.
Une fois habillé, je descends dans la cuisine, où Ludiwine me fête un joyeux anniversaire avant de croquer dans sa tartine pleine de Nutella. Puis c'est au tour de mon père, qui me claque en plus une bise sur la joue, pour ensuite se servir un café. Je suis étonné, car j'ai rarement l'occasion d'avoir beaucoup de gestes tendres de sa part. Il est plus à l'aise avec Ludiwine pour les câlins.

- Mon bébé a dix-huit ans !

Ma mère en bas des escaliers, me prend rapidement dans ses bras. Elle est plus petite et paraît si fine quand je la serre contre moi.

- Maman, je ne suis plus un bébé et tu es encore jeune et belle, ne t'inquiètes pas. Je suis sûr que Papa le pense aussi.

L'intéressé nous observe tous les deux, le nez dans la tasse de café.

- De ? Ah oui ! Oui. Tu es très belle, ma chérie.

Elle embrasse ma tempe avant de me relâcher.

- Je n'ai certainement pas épousé ton père pour sa réactivité, elle me chuchote.

- J'ai entendu !

Après un petit-déjeuner où j'ai évité le sujet Brevan, je me rends en cours avec ma mère. Le trajet est animé par une musique dont j'ai oublié le titre, mais qui me met assez en confiance quant à ce que je dois dire. Je profite du feu rouge pour me lancer.

- Maman, il faut que je te dise quelque chose.

Elle me sourit et redémarre et feu vert.

- J'ai... J'ai rencontré un garçon.

Ma mère ne dit rien et sourit davantage. Je crois que la pilule est bien passée.

- Je suis contente pour toi, mon chéri. Il est gentil ? Mignon ? Remarque, je n'en doute pas. Ton sourire a dû le faire craquer. Il a un prénom, j'imagine.

- Brevan. Il s'appelle Brevan.

- Original. J'aime beaucoup.

Mes parents apprécient beaucoup les noms qui sortent de l'ordinaire. Ce qui explique les nôtres.
Cependant, quelque chose semble la gêner, car elle se pince les lèvres.

-Mais c'est du sérieux entre vous ?

- Je crois.

Ça ne semble pas la rassurer.

- Je veux dire oui. Oui, c'est du sérieux.

Et je veux que ce soit sérieux avec lui. Mais je me dois de calmer ses inquiétudes de mère de famille.

- Mais je te rassure, on n'a pas... On n'a pas encore...

Je ne pensais pas que ce serait si difficile à exprimer avec elle. Guylane m'avait pourtant affirmé qu'elle n'avait pas eu de problème pour lui parler de son copain et de leur première relation sexuelle.

- Fait l'amour ?

- Maman, c'est particulièrement gênant comme conversation.

- Je préfère qu'on en discute tous les deux plutôt que tu fasses n'importe quoi avec lui. Tu sais qu'on est tolérant avec ton père et qu'on se fiche un peu du sexe de la personne avec qui vous sortez, toi et tes sœurs. Tout ce qu'on veut, c'est que ce soit des personnes gentilles, que vous vous respectiez et que vous vous protégez.

- En fait, on ne sait même pas embrassé pour tout te dire. Donc on a le temps de parler préservatifs.

- Ça viendra, il ne faut pas que tu t'inquiètes. Je sais que tu as tendance à vite paniquer en plus.

- Comme Papa.

Elle se gare devant le lycée et se tourne vers moi.

- On a mis deux mois avant de s'embrasser pour la première fois avec ton père, alors qu'on sortait déjà ensemble, c'est pour te dire. Il faut juste que tu prennes le temps qu'il te faut. Quitte à attendre. C'est parfois le mieux à faire.

- Merci Maman.

- De rien. Ce soir, c'est chinois et je te ferais un gâteau.

- Ça me va, je réponds en fermant la portière.

En entrant dans l'enceinte de l'établissement, je suis vite accaparé par Tristan, qui quitte les quelques fumeurs du parking à moto.

- Salut Arly ! Alors, ça fait quoi d'être majeur ? il me demande en remettant son sac sur son épaule.

- Bah rien en fait. Je me sens juste moi avec un an dans les dents.

- Douze moi, ça fait pas grand chose à notre âge, il sourit en grimaçant

- Il t'est arrivé quoi au visage ?

Tristan se touche la joue gauche, recouverte d'un hématome qui tire vers le violet. Le coin de sa lèvre est aussi éclaté.

- Rien, je me suis pris le coin d'un placard.

- Sur la joue ?

- Placard en hauteur. C'est pas tout ça, mais il y en a un qui voudrait te souhaiter un bon anniversaire.

Il pointe un coin de la cour, où se tient Brevan, sa capuche sur la tête. Je n'ai pas le temps de lui poser d'autre questions qu'il disparaît dans le bâtiment. Ne pouvant rien faire d'autres pour lui, je vais vers Brevan, qui en me voyant arrivé, découvre son visage et me donne un large sourire.

- Joyeux a-anniverssaire.

Probablement pour faire comme tous les autres couples, j'ai envie de l'embrasser pour lui dire bonjour. Mais avec lui, je ne peux pas faire comme les autres. Alors je me contente de poser mon sac contre le mur et de lui attraper doucement les doigts.

- Merci.

- Ça v-va pas ? On dirait que t-tu n'as pas b-beaucoup dormi.

Je joue un peu avec ses doigts, caressant l'intérieur de son poignet. Brevan se tend subitement, alors je le relâche.

- Je vais bien. C'est toi qui ne va pas.

- Quoi ?

J'ai l'impression de lui avoir lancé une pierre en plein visage.

- Non ! Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin si. Non. Je... Je me tais. Laisse tomber.

Il sourit doucement en me voyant me dépatouiller comme je le peux. Brevan prend de nouveau ma main dans la sienne et me rapprochant de lui.

- Je ne suis p-pas quelqu'un de f-facile Arllem. Je c-comprendrais si tu v-voulais arrêter.

- Arrêter quoi ?

- Nous deux, il lâche dans un souffle.

Je n'étais même pas sûr qu'il y avait un ''nous''. Au moins, j'ai bon espoir maintenant.
Surtout quand je le vois rougir, le vent dans les cheveux, avec ses lèvres qui appellent les miennes. Mon cœur bat plus fort et mon ventre me chatouille.

- Tu sais que je n'ai pas envie d'arrêter. En plus, je viens de parler de toi à ma mère.

- Tu as p-parlé de moi ? Mais... Elle n'a rien d-dit quant au fait q-que je sois un g-garçon ?

- Mes parents savent que je suis gay depuis que j'ai quatorze ans. Ma mère est même contente pour moi.

Il baisse les yeux vers nos mains liées. Des pensées semblent se bousculer dans sa tête et rien ne semble être de bonne augure, car il me relâche et s'adosse un peu plus contre le mur.

- Je ne suis p-pas comme les autres. Tu devrais être a-avec un garçon qui n'aurait p-pas peur de faire la b-bise à ta mère ou une p-poignée de main à t-ton père.

Sans prendre en compte le risque de lui déclencher une crise, j'attrape sa hanche et pose mon front contre le sien. Je veux juste le rassurer.

- Je m'en fous des autres garçons, Brevan. Et au pire, j'expliquerai ta maladie à mes parents. Parce que... Parce que...

Je n'ai plus qu'à lui dire. Cependant, je ne peux ignorer cette peur qui prend place dans mes veines. Cette peur de faire face à une réaction qui pourrait détruire le peu que l'on a construit. Je ferme les yeux et inspire un grand coup.

- Parce que c'est avec toi que je veux être, c'est avec toi que je veux avoir un ''nous''. Pour la simple et bonne raison que je crois que je tombe amoureux de toi un peu plus à chaque seconde. Et que pour ça, je ne te laisserai pas tomber. Jamais.

Je veux qu'il comprenne qui rien ne peut lui arriver. Je veux qu'il se sente protéger.

- Arllem...

Et ça semble fonctionner. Malgré une certaine hésitation, je sens sa main remonter dans mon dos avant de se poser sur ma nuque. Je me sens heureux avec lui. Surtout qu'à chaque contact entres nous, les sensations semblent se multiplier par mille.

- Adam m'a p-parlé de ta soirée de s-samedi et je veux v-venir.

- Tu n'es pas obligé de venir. Il y aura pas mal de monde.

Ses doigts remontent dans mes cheveux, me procurant des frissons. Il ne doit pas avoir idée de l'effet qu'il me fait. Brevan se décale un peu de mon visage et se mord la lèvre. Il ne lui faut qu'une inspiration et une seconde, pour venir embrasser le coin de ma bouche.

- Si. J'ai un cadeau à t'offrir, il chuchote contre moi.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top