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Brevan est beau. Malgré la cicatrice qui dévore son visage. Malgré son bégaiement. Malgré sa peur maladive du contact humain. Jamais je n'aurai pu imaginer rencontrer un garçon comme lui. Et depuis qu'il est rentré dans ma vie ce jour-là, je n'imagine personne d'autre prendre sa place.

- Arly ! On se réveille ! Je te signale qu'on a un contrôle d'Anglais tout à l'heure, maugrée Adam en me lançant un bout de gomme sur la joue.

- Mais je bosse ! je m'injure.

- J'ai jamais vu quelqu'un qui mentait aussi mal. Tu penses à Brevan ?

- Quoi ? Non ! Non, je pense fort à mon oral.

Je replonge dans mon cahier, pour espérer cacher au mieux mes joues rouges. Assis dans la salle de permanence, j'essaie tant bien que mal de retenir mon vocabulaire, sans grand succès. Chacun de mes essais est écourté par une pensée envers ce garçon qui me fait perdre mes moyens.

- Je vous ai vu vous prendre la main.

Je relève la tête vers lui. J'étais pourtant convaincu de m'être fait discret.

- Personne n'a été dupe. Et surtout pas moi, j'étais assis à coté de toi. Tu l'as dévoré des yeux toute la soirée.

- Merde...

Adam claque son livre sur la table et deux filles au premier rang nous demandent d’être plus discrets.

- Mais on s'en fout Arly ! il chuchote un peu fort. Brevan est sympa et ça se voit que tu l'aimes bien. Mais genre, vraiment bien.

Mon idée d'avoir une bonne note est définitivement abandonnée. Brevan vaut beaucoup plus qu'un quinze en anglais.

- Oui, je l'aime bien, mais je ne suis pas sûr de moi. J'ai trop peur de tout faire foirer en allant trop vite ou de paraître trop collant ou insistant. Je sais pas comment m'y prendre avec lui...

- Déjà, respire. Et pense à ce que tu aimerais faire avec lui. Tu verrais plus pour vous deux ?

- Tellement plus...

- Alors qu'est-ce que tu attends ? Fonce mon gars ! Au pire du pire, dis-toi que Brevan à sûrement un sosie quelque part.

Adam a le droit a un petit coup dans le bras.

- Bosses ton anglais au lieu de dire des conneries. On dirait Tristan.

- Ah Tristan ! C'est tout un phénomène lui. Tu sais pourquoi il n'est pas là ? il demande en rouvrant son livre.

- Il m'a dit que Noé avait un problème et qu'il devait s'occuper de lui.

- Je comprends pas pourquoi son père ne le fait pas. Surtout avec le cas de son petit frère.

- Je ne sais pas plus que toi.

La vie de Tristan est tellement complexe, qu'il n'est jamais facile de discuter sur ce sujet. Avec ou sans lui.

- Au fait, je ne te vois plus avec Lou. C'est fini entre vous ?

- On fait pas plus fini. Mais on est toujours pote. Enfin, plus ou moins.

Adam ne rajoute rien de plus, indiquant que la conversation est terminée. Il récite les mots demandé et les écrit chacun deux ou trois fois sur une feuille.
Je m'adosse contre mon dossier et observe le plafond, à la recherche de ce qu'il me reste en mémoire du cours précédent. Mon anglais n'a vraiment rien de glorieux. Aucune matière, en vérité. Il faut que je me batte avec mes cours pour survoler la moyenne, alors que Tristan ne fait rien et a d'excellentes notes.
Je baisse les yeux quand je sens une présence en face de moi. Brevan est couvert de sa capuche. Il tourne les yeux ers la porte et je fais de même, apercevant Lou et Émilie. Elles le poussent à montrer son visage.

- Je p-peux te parler ?

Mon cerveau imagine déjà mille scénarios. Je me demande ce que les filles ont bien pu lui dire. Ou ce que lui, leur a dit. J'ai donc bien du mal à lui répondre et à le suivre hors de la salle.
Brevan ne s’arrête pas dans le couloir et continue son chemin jusqu'à l’extérieur. À l'autre bout du terrain de basket, il pose finalement son sac au pied d'un banc et s'assoit dessus. Je le rejoins, sans pour autant m’asseoir juste à coté. J'ai l'impression qu'il a besoin de prendre ses distances.

- Tu veux qu'on parle de quoi ? je commence, avec prudence.

- De ce qu-qu'il s'est p-passé samedi. Et de m-moi, du coup...

- Dis-moi tout de suite si tu t'es senti forcé, que je ne le refasse pas.

Brevan ne répond pas, se couvre de sa capuche et se triture les doigts.

- Tu n'oses pas me le dire ?

Un simple hochement de tête pour acquiescer.

- C'est pas grave Brevan, franchement. Je m'en remettrais.

Ses doigts resserrent le bois du siège et il prend une grande inspiration.

- C'est p-pas ça. J'ai bien aimé t-te prendre la m-main. C'est j-juste que je me sens t-trop nul.

Il remonte ses jambes contre lui et mon cœur trébuche.

- Je sais p-pas quoi faire q-quand je suis a-avec toi.

- Je te rassure, je ne suis pas plus expérimenté dans le domaine.

J'ai la chance de réussir à lui faire lever le visage et décrocher un petit sourire. Ses yeux brillent malgré tout, comme s'il allait pleurer d'un instant à l'autre. Quand je le vois comme ça, je ne désire que le consoler. Je veux prendre son visage entre mes mains, chasser ses larmes, caresser sa joue coupée et peut-être même l'embrasser. Mais je ne peux pas. Alors je dois le faire d'une autre manière. Pour le coup, je saute les deux pieds dans le plat.

- Tu sais... Je pensais ce que je t'ai envoyé il y a deux semaines. Comme quoi je t'aimais bien.

Il serre davantage ses jambes, sans rien dire. J'imagine toute de suite à une crise et tente d’interpréter le rythme de sa respiration.
Mais quand Brevan enlève sa capuche et que je vois ses pommettes rouges, mon cœur rate un énième battement. Ce n'est pas une crise, mais simplement sa façon de cacher son rougissement.

- Merde Brevan, tu m'as fait peur.

- D-désolé... Je p-pensais que tu te m-moquais de moi.

- Je pourrais jamais blaguer sur un truc pareil avec toi !

Je le dis probablement un peu trop, car il cache de nouveau son visage entre ses jambes.

- Aussi, il marmonne.

- Quoi ?

- R-rien. Ou-oublies.

Je pense avoir bien entendu, mais je veux savoir s'il peut le redire plus distinctement. J'aimerais qu'il me le dise en me regardant.

- Tu sais que tu peux tout me dire.

- Je s-sais. Et les f-filles m'ont dit que t-tu devrais tout s-savoir à propos d-de moi.

Brevan détend ses jambes et ferme les yeux. Il prend une seconde pour respirer l'air environnant et de sa main droite, il cherche mon contact sur les planches de bois. Je ne me fais pas prier et pour ça, j'effleure de mes doigts le bout des siens.
Nous sommes enfermés dans notre bulle. Il n'y a plus que nous.
Brevan doit se sentir assez en confiance, car il attrape ma main.

- Arllem...

Il ne bégaie pas. J'observe son profil, le bleu de ses yeux, le noir de ses cheveux, sa joue droite absente de toute coupure, les traits de son visage et le teint de sa peau. Je veux lui dire que je le trouve beau, juste pour le lui faire savoir. Pour autant, je n'ose pas l’interrompre, complètement absorbé par sa voix.

- Je suis ha-haptophobe, il déclare en pressant un peu plus ma paume.

Nous nous taisons un instant, attendant de voir ce que l'autre va dire. Intrigué par ce qu'il a avoué, c'est moi qui prends la parole.

- Et c'est quoi exactement ?

- J'ai p-peur du contact hu-humain. High l-level, par contre. Si qu-quelqu’un me touche, m-même s'il me prévient, j-je risque d'avoir une c-crise de panique sévère.

- Mais tu... Enfin, ça se soigne ?

- Oui. Mais ça p-prend du temps. Avec s-séance de psy et des m-médocs. Enfin dans m-mon cas.

- Pourquoi dans ton cas ?

-La f-façon de se soigner d-dépend de ton degré d-de peur et de la c-cause.

- Mais euh... C'est quoi ta cause ?

Il ne dit rien. Quelque chose à fait de Brevan ce qu'il est aujourd'hui.

- Je... Je m'en s-sens pas encore c-capable.

- D'accord. Je comprends. Tu me le diras quand tu te sentiras prêt. J'attendrais.

Brevan soupire et un sourire éclaire son visage. Il se rapproche de moi, son épaule contre la mienne.

- Ici, tu es le premier à savoir pour ma phobie. Je veux que tu sois le seul à connaître la raison.

Nos mains se pressent un peu plus.

- Avec t-toi, tout paraît p-plus simple.

Il bouge légèrement et pose sa tête sur mon épaule.

- Je me s-sens bien...

Je me surprends à faire un geste fou. Je dépose un baiser sur son front.

- Je me s-sens même super b-bien.

Nos doigts entremêlés avec douceur, nous restons assis sur le banc.
Jusqu’à ce que la sonnerie nous interpelle pour que l'on retourne en cours.
Nous avons un oral d'Anglais à passer.

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