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Au final, la séance a été reportée de deux semaines. Car entre coup-de-gueule, rhumes et contrôles, ce fut vraiment difficile de se mettre tous d'accord. Après toutes ces péripéties, nous avons enfin réussi à trouver un terrain d’entente et voilà donc plus d'un quart d'heure que j'attends les autres devant le McDo. Nous avons décidé de manger avant, en vue de l'heure tardive de la séance. Tristan a eu la chance d'arriver le premier, par je ne sais quel miracle. Mais il est parti aussitôt fumer, assis à même le rebord du trottoir.
Une voiture arrive sur le parking et Adam en descend, accompagné des filles.
 
- Ton chéri manque à l'appel, on dirait, fait remarquer Tristan en tournant la tête dans ma direction.
 
- Il m'a dit qu'il serait en retard. Et arrête de dire que Brevan est mon chéri.

- Pour quoi je ferais ça, puisque tu aimerais que ce soit le cas.

Je ne réponds rien et me mords la lèvre inférieure. Il est vrai que ce laps de temps nous a permis de nous rapprocher un peu plus. Nous nous sommes parler tous les jours, puis tous les soirs jusqu'à pas d'heure. Il me fait rire et je me sens bien avec lui. En plus de ça, Brevan s'ouvre de plus en plus à moi. Il n'a d'ailleurs pas fait une seule crise depuis la dernière chez lui. Ce qui me rend plutôt confiant quant à la soirée qui vient. Même s'il n'est toujours pas là. Quand mon téléphone vibre, je vérifie que ce soit bien un message de sa part.

'' Désolé, je viens seulement de partir. " " J'arrive dans dix minutes. ''

Je souris à mon écran et sursaute quand la main de Tristan s'abat sur mon épaule.

- Monsieur se fait désirer ? il demande le moins subtilement possible.

- Arrête de dire n'importe quoi et va réserver une place plutôt.

Tristan lève les mains pour capituler face à mon ton qui se veut persuasif et prend la peine de saluer les autres avant de disparaître à l’intérieur.

- Pire qu'un gamin, intervient Adam.

- Je te le fais pas dire.

Nous nous faisons la bise avec les filles et Adam me rend mon check. C'est incroyable de voir que le temps a presque suffit pour récoler les morceaux. Il faut dire aussi que nous sommes amis depuis longtemps et qu'il est plus facile de sauver ce genre de relation. Pour ça, chacun est allé de ses réflexions afin de changer les comportements des autres et cette histoire de baiser est vite passée à la trappe. Bien que la relation du petit couple soit plus tendue que jamais.

- On va manger ? me demande Lou.

Ils se retournent tous vers moi, comme s'ils attendaient ma confirmation.

- Je préfère attendre Brevan. Dès qu'il est là, on vous rejoint.

Satisfaits de ma réponse, ils prennent place à la table de Tristan. Lui non plus n'a plus l'air aussi affecté qu'avant, car il salue tout le monde avec le sourire.

J'ai le temps d'imaginer une bonne dizaine de scénario sur la suite de la soirée pour que la mère de Brevan se gare. Il ouvre la portière, prêt à sortir, mais la referme aussitôt. Pendant un instant, j'ai peur de le voir faire demi-tour et de devoir attendre la prochaine lune avant de le voir en dehors du lycée. Mon cœur reprend un rythme normal quand il se plante devant moi et me salue d'un signe de la main avec le sourire.

- Est-ce que ça va ? je m'inquiète.

- Ma mère m-me faisait juste un r-récap' de ce que je d-dois faire ou non. Et que si j-je ne me sens p-pas bien, je dois l-l'appeler.

- Elle a peur pour toi, c'est tout.

- Je s-sais. Les autres sont t-tous là ?

- On attendait plus que toi.

Je l'invite à me suivre et pense subitement au fait que Brevan ne doit pas aimer la foule non plus. Comme s'il avait entendu mes pensées, Brevan se dirige à la borne et prend commande tout en me rassurant.

- Tant que p-personne ne me touche, je ne r-risque pas de faire d-de crise.

Ce qu'il me dit ne me rassure pas pour autant. Surtout quand je vois à quel point Tristan est déterminé à me faire craquer afin que je fasse un geste envers Brevan. Pour autant, le repas se passe bien. Les emballages en carton vides, de serviettes froissées et des paquets de frites graisseux recouvrent nos plateaux. Nous débattons un bon quart d'heure sur la destination de notre prochaine sortie scolaire. Sachant que nous partirons une semaine, les possibilités sont plus grandes. On vote pratiquement tous pour un pays européen, puisque j'ai l'audace de proposer un pays de l'autre côté de l'Atlantique.

Une fois débarrassés, nous quittons le fast-food et Tristan lance une musique française des années 80, le bras autour de la taille d'Adam en se moquant de sa voix de casserole. On se met tous à chanter Les démons de minuit en se fichant de paraître idiots ou bruyants. Il met ensuite de la variété américaine et on se met tous à chanter du Whitney Houston et du Journey. La dernière minute de Don't stop Belienvin' finit de nous achever.
Lou-Anne et Émilie débattent du choix des acteurs du film, le reste du chemin pour le cinéma et Brevan les rejoint dans la discussion. Je ne peux m’empêcher de le regarder. Quand je le vois sourire, je me dis que l'occasion de ce soir ne se représentera peut-être pas.

Une fois les places prises et assuré d'avoir un bon niveau de pop-corn, Tristan a la chance de se placer au milieu de rangée. Pour ne pas trop s’éparpiller, nous suivons tous vers sa gauche. Brevan se trouve alors à côté de moi. Destin ou non, les autres sont tous occupés à discuter prochaine sortie durant les pubs et Tristan est concentré sur son portable. J'observe une nouvelle fois Brevan, qui lui, est concentré sur les prochains films à venir, puis ses doigts qui plongent dans son paquet de Schtroumpfs.
Je veux juste lui prendre la main. Juste pour essayer. Sentir sa peau contre la mienne. Je le souhaite tellement, mais ne veux pas non plus lui faire du mal ou déclencher une crise. Alors je prends une grande inspiration et lui pose directement la question.

- Brevan, je... Je peux te prendre la main ?

Il me regarde, surpris. Je prends son silence pour un refus et m'excuse, m'enfonçant au fond de mon siège, les joues brûlantes. J'ai honte de moi.
Contre toute attente, je sens ses doigts se rapprocher de moi et après un petit soupire, il les noue aux miens.

- Moi aussi, je voulais te prendre la main, il chuchote en serrant un peu plus ma paume.

J'ai envie d'exploser de joie. On se touche enfin, de façon volontaire et d'une envie réciproque, sans l'ombre d'une crise. J'ai conscience que pour toute autre relation, ça ne signifie rien, mais pour moi, ça veut dire tellement avec lui. J'ai le rêve fou de me lever de mon siège et de l'embrasser jusqu'à en perdre mon souffle. Mais je sais que ce petit geste lui a demandé un effort important. Alors je ne fais rien de tel et me contente de caresser sa peau de mon pouce. Et c'est tout aussi bien.
Car je sais qu'un jour, on finira par s'embrasser, que je pourrai sentir ses lèvres contre les miennes et sentir ce que ça provoquera en moi.

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