6ème lettre à mon Ange.
"Ce matin, au lycée, je me suis sentie très mal. Un garçon que je connais pas m'a insultée de chienne. J'ai essayé de me défendre, mais seul un petit gargouillement bizarre est sorti, et tous les gens présents se sont moqués de moi... Là-dessus il y a Louve qui est arrivée et qui les a fâchés. Ça m'a fait sourire, mais je n'aurais pas dû, ils ont cru que nous étions en couple, alors ils l'ont insultée aussi en ricanant. Ils ont même osé la toucher sous mes yeux, là où il ne faut surtout pas...
Ça m'a mise très en colère, alors j'ai haussé la voix, j'ai vociféré, je les ai insultés moi aussi, et ils m'ont regardée avec de grands yeux... je me suis sentie puissante d'un seul coup, jusqu'à ce que Louve me prenne le bras et me dise d'une voix horrible qu'elle n'avait pas besoin que je la défende... et qu'elle n'avait même pas besoin de moi du tout. J'ai voulu ignorer la douleur dans mon cœur, mais c'était trop fort... alors je suis juste partie en pleurant, comme d'habitude.
Et ils se sont mis à nous siffler, comme des pervers. J'ai fini par vomir dans les toilettes. Louve est venue s'excuser après, mais j'avais déjà tellement mal d'avoir été insultée à cause de mon homosexualité, et elle n'avait rien arrangé... alors je l'ai tout bonnement ignorée. Quand je suis rentrée, tout à l'heure, je n'ai pas arrêté de pleurer. Heureusement que maman n'est pas là... J'ai fini par peindre. Un joli tableau, si tu veux mon avis. Je l'ai fait pour Louve, même si elle ne le verra jamais.
J'ai fait quelque chose que je n'avais jamais expérimenté. J'ai peint sur ma poitrine. Ça faisait horriblement mal... mais ça me soulageait aussi. Ça me permettait d'oublier la brûlure de mon cœur.
Je le sens battre, de plus en plus fort, chaque jour qui passe. Et pourtant, j'ai l'impression de mourir un peu plus. Je n'arrive plus à trouver la force de me battre... je crois que je vais demander à ne pas aller au lycée demain. Je ne vais vraiment pas bien. Ce n'est pas la première fois, pourtant, que l'on me traite de la sorte. On m'a déjà traînée comme une vulgaire poupée dans les toilettes avant de me faire avaler de force du papier et de me cogner la tête contre le lavabo. Ça va, j'ai eu de la chance ce jour-là, ils ne m'ont pas mis la tête dans les toilettes...
Un garçon a déjà essayé de soulever ma jupe une fois aussi. Mais il n'a pas réussi. Heureusement, tout le monde aurait vu que je n'étais pas rasée sur les jambes... et on m'a déjà bien assez surnommée Gorille comme ça en cours de sport.
Je n'arrive plus à me regarder dans le miroir depuis quelques années déjà, mais là... je ne peux même plus m'entendre parler. Je ne me supporte plus, je me dégoûte. Je suis moche, laide, horrible, dégoûtante ! Comment ai-je pu être ainsi ? Comment maman, qui est aussi belle qu'une étoile, a-t-elle pu donner naissance à... ça ??
Dis, mon cher Ange, penses-tu pouvoir un jour m'amener tes ailes, pour que je puisse m'envoler ? Pour que je puisse m'enfuir, loin de tout ça ? Je n'ai jamais connu le Paradis... j'aimerais tant le découvrir. Mais en même temps, est-ce qu'un monstre comme moi a le droit de quitter l'enfer ?
Je rêve parfois, le soir, la nuit, que je disparais dans les cieux, en souriant et en riant. Je sentirais le vent dans mes cheveux, l'odeur du bonheur, je m'approcherais des étoiles... du soleil aussi. Depuis peu, je crois que Louve est avec moi aussi. On serait heureuses tu crois, toutes les deux, avec toi ? J'aimerais tant faire de mon rêve une réalité.
Mais, comment voler ? Comment déployer mes ailes alors qu'elles semblent inexistantes ? Je suppose que je trouverai bien un moyen... Tu pourras m'aider, s'il te plaît ? Ça me ferait très plaisir.
J'espère que je ne t'ennuie pas trop avec mes histoires qui doivent être futiles... je me plains vraiment trop parfois. Désolée de t'embêter avec tout ça... j'espère qu'un jour, je n'aurai plus à me confier là-dessus !
Mais j'aimerais tout de même te raconter un autre souvenir, qui me hante à chaque minute de ma vie. Comme un fantôme collé à la glu dans mon dos, qui projette son ombre translucide partout où je vais.
Ce fantôme s'appelle... Abeille. Elle était belle, Abeille. Très belle même. Très gentille, très intelligente. Elle avait tout pour plaire, Abeille. On s'était bien rapprochées en cinquième, lorsqu'elle est arrivée. Et puis, un jour, elle a préféré cette autre fille... Guêpe. Guêpe, qui a terni toute la beauté et la douceur d'Abeille, Guêpe qui m'a volé mon petit miel, Guêpe, qui m'a piquée, encore et encore, qui a monté Abeille contre moi...
J'avais, stupidement, toujours un espoir qu'Abeille finirait par revenir vers moi... mais tout s'est brisé le jour où elle m'a dit que je n'étais qu'une sous-merde et que je la dégoûtais. Il y avait tellement de dédain dans son regard cette fois-là... j'ai l'impression de revoir ses yeux bleus chez chaque personne qui me méprise. Ce regard me hantera jusqu'à la fin de ma vie, je le sais... comment m'en défaire ? Je n'arrive pas à l'oublier, je n'arrive pas à passer à autre chose...
Abeille, je crois que je t'aime, et que je t'aimerai toujours. Abeille, où que tu sois, j'espère que Guêpe ne t'a pas contaminée de son venin... parce que tu es une jolie petite abeille, une jolie petite fleur solaire qui devrait distribuer joie et amour partout où elle va.
Désolée, cher ami, de t'inonder d'anecdotes inintéressantes et sans importance. Je te laisse désormais, mes larmes exigent que je peigne un autre tableau, et je ne peux leur résister bien longtemps !
Désolée de la longueur de cette lettre, aussi. Il faut croire que j'avais beaucoup de choses à dire !
Papillon."
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