51. Saeko - 2
« Morte ?
— D'une hémorragie interne, peu après que nous ayons récupéré votre capsule. Le choc de la rentrée a été trop fort.
Les données du nanoscope de Saeko après l'amerrissage indiquaient que tous les organes internes étaient intacts. Aucune rupture de vaisseaux sanguins d'ampleur suffisante pour causer une hémorragie.
Il s'agit vraisemblablement d'un mensonge calculé, songea Tanak.
Il y avait différentes manières d'y réagir. Ou bien feindre d'accepter cela comme un fait, et entamer un double jeu. Ou bien rester franc.
Comme Saeko avait-elle réagi ?
Aux sédations près, ils n'étaient arrivés sur Mondor que depuis quelques jours. Lors de la préparation de la mission, les instructeurs et 123 avaient insisté sur la possibilité qu'ils soient séparés, ou que l'un des deux meure ou disparaisse lors de la rentrée. Ils avaient passé plusieurs heures en entretien avec des psychologues, à discuter de ce point précis. Il ne s'agissait pas de les préparer à cela, mais de s'assurer que leur mission pourrait quand même continuer.
Saeko était très certainement vivante, et Vigilance les avait sciemment séparés, par stratégie. Peut-être était-elle à quelques dizaines de mètres de lui, derrière des murs de béton isolés électromagnétiquement qui empêchaient les pulsations à basse fréquence des deux nanoscopes d'interagir. Elle lui manquait, mais la résolution transperçait, plus forte.
« Pourquoi ne pas tenter l'honnêteté, Fang-sen ?
— Je suis désolé que vous ayez à accepter cela et je peux comprendre que cela vous choque, mais elle est morte, Tanak-sen.
Elle insistait, interprétant manifestement sa réplique comme un refus de la vérité qui n'en rendrait le retour de chagrin que plus douloureux, et le fragiliserait.
— Qu'avez-vous fait de son corps ?
— Nous avons détecté qu'il contenait des nanoparticules et pour éviter tout risque de contamination, nous l'avons incinéré. »
Ridicule.
Tanak passa une main dans ses cheveux clairs, selon un geste excédé mais qui pouvait être très bien interprété comme de la peine. À part l'emploi du « sen » dans la langue, usages et gestuelle des mondores et des extérieurs ne pouvaient être que différents. Cela faisait cent trente ans.
Du peu qu'il avait vu de Mondor, Tanak avait déduit que la population almaine devait être faible et structurée en quelques états ou cités-états. C'était aussi ce qu'avaient laissé échapper les Vigilants. Quant à leur organisation, elle était puissante à l'échelle du monde, mais trop faible pour parer à une menace extérieure. Vigilance avait peur de l'espace et de ce qui se tenait au-delà de la barrière Égide.
La Division 1 n'était pas une alliée potentielle, mais une source de puissance technologique. Comme Hermès avait été quasiment pulvérisé lors de l'impact, il ne leur restait guère que Tanak et Saeko. Ils les disséqueraient vivants si cela pouvait leur apporter des connaissances gratuites.
« Il vous faudrait beaucoup de patience, Fang-sen, pour en arriver à extraire de moi suffisamment de secrets techniques pour confirmer votre supériorité militaire sur Mondor et calmer votre peur de l'espace. Pourquoi ne demandez-vous pas directement ?
Elle se contenta de le regarder.
— Vos méthodes ne fonctionnent pas, car je ne doute pas. Je sais que Saeko n'a pas subi d'effets secondaires liés à l'amerrissage, et par conséquent, elle ne peut être qu'en détention elle aussi, quelque part dans ce bunker.
— Quel était le but de votre mission, Tanak ?
Le masque était tombé, Fang n'était pas conciliante, mais directive. Cette femme maîtrisait ses émotions, mais s'en servait également pour atteindre ses objectifs.
— Établir un contact pacifique avec les peuples de Mondor et trouver un moyen de désactiver l'Égide.
— Autrement dit, détruire notre ultime barrière de défense.
— Égide est une prison, pas une défense. Si cela vous chagrine, la Division 1 a la capacité de défendre cette planète contre vos agresseurs imaginaires.
— Vous ne comprenez pas. Pour moi, vous êtes ces agresseurs.
Tanak s'attendait à ce genre de remarque.
— Vous venez de l'espace, Tanak. Un monde ouvert. Vous avez vécu avec cet inconnu. Tant mieux pour vous. Mais les almains qui vivent sur Mondor sont nés, ainsi que leurs parents, dans un monde protégé par un bouclier. Égide. La seule chose qu'ils ont besoin de savoir, c'est qu'à l'extérieur, règne l'inconnu, et que des forces immenses peuvent menacer Mondor. La seule réponse appropriée consiste à fortifier ce bouclier, à l'améliorer, et à continuer notre vie comme avant. C'est la seule chose qu'ils veulent. Ils ne veulent pas entendre parler de vous, Tanak.
Vous êtes là, mais vous êtes inutile. Oui, à moins que vous nous aidiez à devenir effectivement plus puissants et à faire en sorte que même la Division ne puisse franchir notre muraille, votre présence, votre mission, ne serviront à rien.
— Je suis disposé à vous convaincre du contraire. Ma patience sur ce sujet sera infinie. Cependant, tant que vous avez recours au mensonge, je sais que nous ne pouvons pas établir de véritable conversation. »
Quelle personnalité agressive.
***
Aurélia passa devant la vitre et prit note des données qu'indiquaient les capteurs.
À l'intérieur, le spécimen était replié sur lui-même, les yeux fermés, les mains devant les yeux.
« Quinze septembre, nota-t-elle. Le spécimen numéro quatre est encore en état de méditation profonde. Les capteurs indiquent des ondes alpha, l'activité des spores est de 4 UA. Le spécimen est certainement connecté avec la sphère des scients.
Maître Edward refuse toujours d'interrompre la méditation du spécimen. D'après lui, cela pourrait engendrer des dommages cérébraux irréversibles, voire la mort. »
Elle passa au deuxième.
« Quinze septembre. Le spécimen numéro cinq est en état de prostration. Activité des spores à zéro, ils ont semble-t-il été éliminés par le gaz suite à inhalation. Cela confirme que la formule du Perturbateur est correcte.
Quinze septembre. Deux jours après l'élimination des spores, »
Elle rapprocha son visage de la vitre et de la fiche indicative.
Rature.
« Trois jours après l'élimination des spores, le spécimen numéro six est mort. La cause sera déterminée par autopsie cette après-midi. Je soupçonne une perte de l'activité cérébrale, devenue dépendante des stimulations nerveuses imprimées par les spores. Cela confirme que le gaz est efficace contre les spores.
« Demain, prévoir un nouveau test du SPF sur le spécimen sept. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top