44. L'éveil - 2


Lorsqu'un draken meurt, un autre draken s'éveille.

Ainsi se réalise l'éternité de leur rôle.


« Fang-sen, nous avons capturé deux almains à l'extérieur de la montagne. Ils affirment être là par hasard. Ils n'ont pas opposé de résistance. Qu'est-ce qu'on en fait ?

— On verra quand on aura terminé. Gardez-les au frais, je les interrogerai moi-même.

— Fang-sen, nous recevons aussi de nouveaux messages radio de Sym.

— Faites semblant de ne pas écouter.

— Cible verrouillée pour tir air-sol, impact dans quatre, trois, deux, un... »

Adriel disparut dans une lumière qu'il n'avait pas créée.

Le draken fut abattu par Vigilance.

Dans les volutes de l'explosion s'élevait la silhouette d'un nouveau monstre, un démon invoqué par des inconscients, qui briserait à coup sûr le cœur des almains. Leurs armes avaient gagné contre le pouvoir statutaire de Mondor. Leurs armes avaient apporté leur ultime victoire sur un plateau d'argent.

Ed laissa ses derniers espoirs mourir, avec une moue dubitative.

« Je ne pensais pas qu'on pourrait tuer cette chose avec du feu, commenta Fang Yin, mais nous avons gagné. Confirmez que la cible est éliminée.

— La cible est éliminée. Contact visuel. »

Le cadavre obscène du draken, broyé par le dernier impact, passa au-dessous d'eux. Les flammes pourléchaient son thorax éventré, ses côtes éclatées plantées dans le sol comme des troncs d'arbre arrachés.

Adriel, l'immortel, avait pris fin.

« Félicitations, les gars, dit Fang. Trouvez-nous un point de chute et on récupère les gens au sol. Vous avez l'air déçu, Edward.

— Disons que les réactions du draken n'ont pas collé à mes attentes. Mais c'est comme ça que fonctionne la science, pas vrai ? Essai et erreur.

Fang regarda à l'extérieur, par la vitre du poste de pilotage.

— Nous perdons de l'altitude ?

— Apparemment, il y a une fuite de gaz sur l'un des ballons. C'est en train de s'aggraver.

— On dirait que nous allons atterrir plus vite que prévu. Passez la zone au peigne fin. Je veux savoir s'il n'y a pas un messen ou n'importe quoi qui vole autour de nous.

— S'il s'est collé au dirigeable, nous ne le verrons pas sur le radar.

— Demandez un visuel aux gars d'à côté.

La cabine vibra.

— On a perdu les moteurs, dit l'homme qui suivait le fonctionnement des machines.

— Quoi ?

— On a perdu les moteurs. C'est peut-être un oiseau qui s'est mis dans les hélices. On va essayer de poser l'appareil mais... il faut envisager une évacuation tant que nous sommes à altitude suffisante pour parachutage.

Edward avait croisé les bras.

— Aurélia, vous pouvez préparer ma voile.

— Oui, maître.

— Attendez un peu ! s'exclama Fang. Vous avez une explication ?

— Pas vraiment. Et comme je ne peux rien observer d'ici, je ne peux rien faire, c'est frustrant. »

Le dirigeable perdait son altitude de plus en plus vite et une montagne était maintenant apparue devant eux.

« On va s'écraser, dit le pilote. Faites-nous évacuer, Fang-sen !

— Évacuez, dit Fang. Dites aux autres d'être vigilants.

— Ils ont vu un faible écho radar. Et ils perdent aussi de l'altitude. On dirait que le saboteur s'est aussi attaqué à eux. »

Fang frappa du poing contre la vitre. Edward avait déjà fui avec son assistante.

Adriel était mort. Mort ! Il ne pouvait plus rien contre eux ! Il n'était plus qu'une bouillie de chairs brûlées déversées parmi les conifères de la Lande !

Il est mort, se persuada-t-elle.

***

L'aube se levait déjà. Edward ramassa ses membres meurtris et s'extirpa de la toile synthétique.

« Un excellent modèle, dit Aurélia en découpant les sangles pour l'aider.

— Je ne suis pas fait pour autant d'exercice. »

Par chance, ils avaient échappé aux arbres, se retrouvant sur un pan de pierre nue lavée par l'érosion, sur laquelle seules s'accrochaient quelques plantes basses. Edward avait roulé à quelques mètres à peine d'une crevasse dont il ne voulait pas tester la profondeur. Il se remit rapidement debout.

« L'autre dirigeable vient juste de s'écraser dans la montagne, dit Aurélia.

— C'est dommage qu'on les remplisse à l'hélium, il ne se passe rien d'impressionnant quand ils cassent, c'est juste un gros ballon qui se vide.

Ils entendirent des coups de feu et un vigilant émergea des arbres.

— Ne restez pas là ! cria-t-il.

— Et où voulez-vous que nous allions ? répliqua Edward. À part se cacher derrière les cailloux, ce qui manque de panache. »

L'almain apeuré tenait à deux mains un pistolet. Un jeune okrane tout juste embauché par Vigilance, sans doute. Edward croisa les bras, tranquille et intéressé. Rien ne lui faisait peur. Pas même les drakens, puisqu'il venait de carboniser le plus puissant d'entre eux.

Une silhouette almaine émergea de la forêt. Des ailes dans son dos, d'une toile sombre semblable à celle d'un draken, frémissaient encore. Sous ses vêtements en lambeaux, trop abîmés pour pouvoir servir à quoi que ce soit, sa peau était dure et noire, jusqu'au visage intact émergeant de l'armure. Ses cheveux étaient détachés, épars, blancs et argentés, ses yeux lumineux et reconnaissables. Orange et dorés, la couleur du draken, la force du monstre primordial.

Edward resta béat d'admiration.

« Almira » la nomma-t-il pour s'en convaincre.

Le soldat non loin d'eux tira, volontairement ou pas, arrachant une étincelle à l'épaule cuirassée d'Almira.

« Je recherche deux personnes que Vigilance a capturées non loin d'ici. »

L'okrane jeta son arme et chercha désespérément un couteau à cran d'arrêt dans les poches de son uniforme.

« Edward Kile, continua Almira. J'ai été surprise.

— Pas moins que moi. Je vous présente mon assistante Aurélia. Aurélia, voici l'héritière d'Adriel.

— Comme c'est une hybride, je devine que vous êtes allé loin dans vos expériences, Edward.

— Que devinez-vous d'autre ? »

Il regarda ses bras. Ses mains étaient entièrement recouvertes de son armure biologique et il lui était poussé des griffes en métal.

« C, dit-elle.

— Ce nom n'existe plus, sourit Edward. Il aurait déjà dû disparaître depuis longtemps. Il n'y a plus que moi, un scientifique intéressé par la nature profonde des choses. Pour répondre à votre question, je n'ai pas vu vos deux camarades, mais dès que les spores auront reconquis l'air autour de nous, vous les retrouverez facilement. Almira-sen, pourquoi Adriel n'a-t-il pas utilisé de pouvoirs supérieurs pour se sauver ?

La flamme dans les yeux de la dylnia était froide, inalmaine.

— Ces pouvoirs que vous recherchez n'existent pas, dit-elle.

L'okrane tétanisé par la peur manqua de se prendre les pieds dans une crevasse.

— Souhaitez-vous me tuer ? la défia Edward.

— Vous n'êtes pas si important, C. Si je vous tue, renaîtrez-vous de nouveau ?

— Ce genre d'opération est difficile, mais je devrais y arriver. »

Aurélia fit un pas de côté et croisa les bras pour faire barrage, protégeant C de son propre corps. Au pouvoir immense qui semblait donner à chaque geste de la dylnia une lenteur de déesse, elle opposait un flegme sans borne.

« Je n'ai pas le temps d'affronter vos monstres, dit sèchement Almira. Par aujourd'hui. J'aurai l'occasion de vous revoir, C. Vous périrez alors par la main de ce que vous avez créé.

— Avec plaisir » ironisa-t-il.

Almira étendit ses ailes et les quitta d'un bond.


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Je crois qu'on le disait depuis le début et ce n'est donc pas une nouveauté.

Mais, oui, un nouveau draken est né...

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